La lutte contre ce fléau nécessite le renforcement de la coopération sécuritaire entre les pays africains, estime le chef de l’Etat du Niger appuyé par ses pairs
« Le terrorisme, c’est le mal absolu, mais ce mal doit être l’occasion pour les pays de notre sous-région et du continent de construire des États démocratiques forts et stables, dotés d’armées performantes », a analysé samedi Mahamadou Issoufi, dans son discours d’investiture pour son deuxième mandat à la présidence du Niger. La lutte contre ce fléau nécessite le renforcement de la coopération sécuritaire entre les pays africains, estime-t-il. « Avec le Tchad, nous avions apporté notre concours au Nigéria en montant une opération pour y libérer des villes occupées par Boko-Haram. Avec le Bénin, le Cameroun, le Nigéria et le Tchad nous avons mis en place une force mixte multinationale pour juguler la menace de cette organisation dont la barbarie est bien connue », a précisé Mahamadou Issoufou. Au Mali, en Côte d’Ivoire, en République démocratique du Congo, le Niger est présent dans les missions des Nations-Unies pour contribuer à la sécurité de ces pays frères. Ainsi notre pays a non seulement maintenu la sécurité et la paix à l’intérieur de ses frontières mais aussi a contribué à la sécurité et à la paix dans la région, s’est félicité le président Issoufou.
Face au danger commun, nos États doivent, selon le chef de l’Etat du Niger, organiser une riposte commune et concertée contre ce fléau qui a effacé nos frontières géographiques. « On voit bien, par exemple, comment la situation sécuritaire au Nord Mali et le chaos libyen expliquent les attentats de Bamako, de Ouagadougou et d’Abidjan. C’est dire que tant qu’on n’aura pas éradiqué le terrorisme au Nord Mali, tant qu’on n’y aura pas restauré le monopole de la violence de l’Etat malien sur l’ensemble de son territoire et tant qu’on n’aura pas stabilisé la Libye, il est vain de penser pouvoir dormir en paix à Abidjan ou Abuja, à Accra ou Bamako, à Conakry ou Cotonou, à Dakar ou Lomé, à Nouakchott ou N’Djamena, à Niamey ou Ouagadougou. Restaurer la souveraineté de l’Etat malien sur l’ensemble du territoire et éteindre le chaudron libyen constituent des tâches urgentes. C’est pour quoi je salue la décision des pays du « G5-Sahel » de mettre en place une force mixte multinationale sur le modèle de celle mise en place par les pays du bassin du lac Tchad. Cette force doit être déployée, en priorité, au Nord Mali », a déclaré Mahamadou Issoufou.
Le renforcement de la coopération sécuritaire entre pays africains qu’exige la lutte commune contre le terrorisme doit, de son point de vue, s’accompagner d’une accélération du processus d’intégration économique entre ces pays. Ce combat pourrait être ainsi un catalyseur de l’intégration économique.
« Par exemple, dans le cadre de la lutte contre Boko-Haram dans le bassin du lac Tchad, nous avons senti le besoin de construire un pont sur la rivière Komadougou Yobé, entre la ville de Bosso au Niger et celle de Mallamfatori au Nigéria. Nous avons décidé de construire ce pont qui, une fois la sécurité restaurée, facilitera les échanges entre le Niger et le Nigéria. Ce petit exemple montre l’importance des infrastructures à la fois pour la sécurité et pour l’économie », a souligné le président nigérien.
La réalisation d’infrastructures routières, ferroviaires, énergétiques, parmi tant d’autres, a un intérêt à la fois sécuritaire et économique. Des projets comme celui de la boucle ferroviaire Lomé-Cotonou-Niamey-Ouagadougou-Abidjan ou comme celui de la route Kidal-Ménaka au Mali ; Banibangou-Balléyara-Harkanassou-Margou-Falmèye-Gaya (au Niger)-frontières avec le Nigéria et le Bénin, comportent ce double intérêt.
LE TEMPS DE L’UNITE NATIONALE. Les dirigeants africains présents à l’investiture, dont le président Ibrahim Boubacar Kéïta, ont apprécié le message de Mahamadou Issoufou.
S’agissant du Niger, le président Kéïta a insisté sur la préservation de l’unité nationale et de la coopération entre les pays du Sahel. « Nous allons faire en sorte d’aider à ce que les frères du Niger se retrouvent car c’est le temps de l’unité nationale. C’est le temps du front commun contre le seul ennemi aujourd’hui qui devrait concerner chaque nigérien : le terrorisme et la lutte pour le développement, un développement harmonieux au profit des populations du Niger. C’est cela seul qui doit compter au Niger, comme ailleurs, comme au Mali. Le président Mahamadou Issoufou a eu des propos très forts que nous partageons entièrement. Chacun l’a bien compris. Il a une parfaite connaissance du dossier malien. Ce qu’il a dit correspond à la réalité : tant que le terrorisme ne sera pas extirpé du Mali, du Nord-Mali, aucun de nos voisins n’aura la paix. Il y a Boko Haram qui est dans la zone. Mais si déjà, les efforts conjugués ont eu à nous mettre en possibilité d’affaiblir singulièrement, sinon de vaincre définitivement le terrorisme et de le bouter hors du Nord, du Mali, les pays du Sahel respireront et c’est tout l’objet du G5 Sahel. Je crois que s’il n’existait pas, il fallait le créer. Et la force dont il a parlé, la force commune que nous avons mis en place et qui, les jours à venir, montrera ses pleins effets, n’a pas d’autre vocation. Je crois qu’il a dit ce que nous pensons tous aujourd’hui », a confirmé Ibrahim Boubacar Keïta.
« Le discours du président a été un discours extrêmement bien articulé autour de grandes priorités, comme il l’a indiqué : la sécurité d’abord, mais aussi le développement et l’Etat de droit. Je pense qu’autour de ce triptyque, on peut bâtir l’avenir de toutes nos nations. Et je crois que les propositions qu’il a faites concernant une force du G5 Sahel devraient pourvoir aider les pays du Sahel à faire face au fléau qui perturbe l’ensemble des pays de la sous-région », a commenté le président du Sénégal et de la CEDEAO, Macky Sall.
De son côté, le président du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kaboré, a réagi au message de Mahamadou Issoufou en ces termes : « Nous avons toujours pensé que dans notre sous-région, en Afrique de façon générale, nous avons intérêt à fédérer tous nos efforts aussi bien au niveau des renseignements que nous devons nous communiquer mutuellement qu’au niveau de la mutualisation de nos moyens et de nos armées pour lutter contre les terroristes. C’est un combat que nous devons intégrer maintenant dans notre vie de tous les jours et dans l’activité démocratique que nous menons. Et je dois dire qu’en matière de coopération dans notre sous-région, le travail a déjà commencé. Nous avons le G5. Et nous pensons pouvoir contribuer, en tout cas, à faire en sorte que les terroristes reculent un peu plus ».