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Maître CHAIBOU Abdourahaman: « l`exécution des décisions de l`arrêt de la Cour de Justice de la CEDEAO sur « l`affaire Président Baré » n`est pas encore effective »
Publié le samedi 9 avril 2016   |  Nigerdiaspora


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© Autre presse par DR
Maître CHAIBOU Abdourahaman, conseil de la famille BARE


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Moins de 5 mois après l’arrêt historique rendu le 23 octobre 2015 par la Cour de Justice de la CEDEAO(CJ CEDEAO) à Abuja sur « l’affaire Président Baré et 17 autres » après 15 années de procédure, nous avons approché Maître CHAIBOU Abdourahaman, conseil de la famille BARE, pour faire le point après la décision.


Il faut rappeler que c’est après 15 années de procédures judiciaires infructueuses au Niger que la famille Baré s’était résolue à assigner l’État, le 12 décembre 2013, devant la Cour de la CEDEAO. La justice nigérienne avait en effet rejeté les nombreuses plaintes de la Famille Baré, invoquant notamment l’existence d’une loi d’amnistie taillée sur mesure pour les auteurs de l’assassinat du Président Baré.

ActuNiger : Maître CHAIBOU Abdourahaman la famille Mainassara Baré avait-t-elle été satisfaite de l’arrêt rendu par la CJ-CEDEAO sur « l’affaire assassinat du Président Baré » le 23 octobre 2015 à Abuja après 15 années de procédure ?

Oui, relativement satisfaite. Je rappelle que la requête adressée à la Cour de justice de la CEDEAO au nom de la Famille Baré réclamait :

a) la Condamnation de l’Etat du Niger pour violation des droits de l’homme ;

b) Demander à l’État du Niger :

- de prendre toutes les dispositions pour identifier et punir les auteurs co-auteurs et complices de l’assassinat du Président BARÉ ;

-de prendre les mesures adéquates pour que l’ensemble des familles victimes puissent jouir de leurs droits à une juste réparation des préjudices physiques, moraux et psychologiques subis ;

- et de condamner l’Etat du Niger aux entiers dépens.

ActuNiger : Pouvez-vous donc nous rappeler Maître CHAIBOU Abdourahaman, quels ont été les points forts de l’arrêt historique rendu par la CJ-CEDEAO le 23 octobre 2015 à Abuja sur ce douloureux dossier ?

Dans son arrêt rendu au fond la Cour a dit que :

- « le droit des requérants à avoir accès à la justice a été violé ;

- le droit à la vie du Président Ibrahim Mainassara Baré a été violé » ;

Et a condamné l’Etat du Niger à payer des dommages et intérêts.

Le plus important est que la cour a jugé également que les Ayants droit Ibrahim MAINASSARA BARE ont droit à la vérité sur l’assassinat du feu BARE.

ActuNiger : Si nous comprenons bien, l’arrêt comporte deux volets : un volet civil et un volet pénal ?

Effectivement. Dans le volet civil, l’Etat du Niger a été condamné à verser des dommages et intérêts aux ayants droit Baré et dans le volet pénal elle a reconnu que le droit à la vie du président Baré et le droit des requérants à accéder à la justice ont été violés.

ActuNiger : Maître CHAIBOU Abdourahaman, concrètement pour ce dernier volet pénal, pouvez-vous nous dire quelle est la proposition de la Cour a proposé ?

En effet sur la violation par l’Etat du Niger des droits des requérants à avoir accès à la justice, la Cour a précisé au point 54 de son arrêt que « les lois d’amnistie ne sauraient constituer un voilage forcené du passé, une fin de non-recevoir péremptoirement opposée à toute entreprise légitimement curieuse de connaître la vérité. La loi d’amnistie laisse intact le droit à la vérité…. ». Elle a précisé aux points 57 et 69 sur l’amnistie dont s’est servie l’Etat pour empêcher toute enquête que : « La Cour est d’avis que la nécessité d’un oubli collectif ne peut faire litière du droit de savoir du droit d’accéder à la vérité que les victimes des faits en cause peuvent avoir », et « Il convient de conclure qu’en ayant donné des mesures d’amnistie une interprétation qui s’est traduite par un véritable déni de justice pour la famille Baré Mainassara, les organes de l’Etat du Niger ont violé le droit de celle-ci à un recours ».

ActuNiger : Sur quels arguments juridiques s’était-elle appuyée pour prendre une telle position ?

La Cour s’est basée sur une jurisprudence abondante sur la question, notamment un principe établi en droit international et qui a acquis une nature coutumière énoncé à l’article 27 de la convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités obligeant les Etats au respect des droits humains :« une partie ne peut invoquer son droit interne comme justifiant la non-exécution d’un traité ».

Donc la volonté nettement affichée par la Cour pour une enquête visant à faire la lumière sur l’assassinat du Président Baré ne fait pas l’ombre d’un doute même si elle s’est abstenue de condamner l’Etat du Niger de manière formelle dans l’arrêt rendu sur cette question. La cour a jugé au point 55 que « Il convient donc,… d’affirmer un droit à la vérité pour les victimes. Concrètement, celui-ci se traduit par le devoir des autorités étatiques de mener des enquêtes et investigations relativement aux faits et événements en cause et à assurer, sinon une publication des résultats de la recherche, du moins, le libre accès à ceux-ci. Il s’agit là d’une obligation minimale, à laquelle l’Etat du Niger n’a jamais satisfait en l’espèce… ». J’ai adressé le 09 novembre 2015 une correspondance au Secrétaire Général du Gouvernement pour lui demander l’exécution de l’arrêt de la CEDEAO notamment la mise en œuvre du droit à la vérité exigé par cet arrêt, mais jusqu’à présent nous n’avons reçu aucune réponse sur ce point.

ActuNiger : Quelles sont en définitive les conséquences pour l’Etat du Niger de sa condamnation par la Cour pour la violation des dispositions des droits de l’homme?

Les conséquences sont : 1. L’exécution de l’arrêt de la cour de justice de la CEDEAO du 23 octobre 2015 parce qu’il constitue un titre exécutoire. 2. L’obligation d’ouvrir une enquête pour faire la lumière sur l’assassinat du Président Baré. Il faut préciser que l’enquête n’aura pas des conséquences pénales en vertu de la loi d’amnistie. Elle aura pour but de rendre effectif le droit à la vérité, un nouveau principe posé par la cour.

ActuNiger : L’Arrêt avait-t-il fixé un délai au bout duquel l’Etat devrait s’exécuter sur les décisions de la Cour ?

Non. L’exécution des décisions de l’arrêt de la Cour de Justice de la CEDEAO sur « l’affaire Président Baré » n’est pas effective. Nous suivrons l’évolution du dossier après la formation du gouvernement au nom de la continuité de l’Etat.

ActuNiger : En définitive comment l’Etat doit-il assurer le règlement des dommages et intérêts à verser aux familles victimes ?

L’Etat du Niger doit assurer le règlement des dommages conformément à sa législation interne et à ses obligations juridiques internationales.

ActuNiger : Est-ce que l’Etat du Niger s’est acquitté de ses obligations pécuniaires ? En d’autres termes est-ce qu’il a pu verser les dommages intérêts à la famille Baré ?

Des actes administratifs allant dans ce sens ont été faits par les services compétents, mais concrètement rien n’a été versé à la famille Baré à ce jour contrairement à ce que nous l’avons souvent entendu. Je vous informe que le volet indemnisation du dossier n’a pas encore quitté le Ministère de Finances.

ActuNiger : Au terme de la décision rendue par la Cour de justice de la-CEDEAO, qui sont les bénéficiaires désignés des dommages et intérêts ?

Le droit à réparation de la victime est prévu à l’article 2 du Code de procédure pénale du Niger qui dispose que« L’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction ».

ActuNiger : Au cas où l’Etat du Niger refuse de s’exécuter y’a-t-il des conséquences ou des sanctions ?

Nous ne pensons pas qu’on en arrivera là. En effet, le secrétaire Général du Gouvernement a déjà signé une correspondance depuis le 19 novembre 2015 soit 10 jours seulement après l’introduction de notre demande, dans laquelle il rappelle au Ministre de l’Economie et des Finances « Les décisions de la Cour de justice de la CEDEAO s’imposent à tous les Etats membres » et il invite ce Ministre à bien vouloir autoriser le mandatement au profit des AD Ibrahim BARE MAINASSARA. Mais sachez qu’en vertu de l’article 6 du Protocole additionnel de 2005 précité

• 1. Les Arrêts de la Cour qui comportent à la charge des personnes ou des Etats une obligation pécuniaire constituent un titre exécutoire.

• 2. L’exécution forcée, qui sera soumise par le Greffier du Tribunal de l’Etat membre concerné, est régie par les règles de procédure civile en vigueur dans ledit Etat membre.

ActuNiger : Quelles sont ces sanctions en cas de refus d’exécution de la condamnation ?

Suivant l’article 15 du Traité révisé de la CEDEAO « Les arrêts de la Cour de Justice ont force obligatoire à l’égard des Etats Membres, des Institutions de la Communauté, et des personnes physiques et morales. »L’Etat encours les sanctions prévues à l’article 77 du Traité révisé de la CEDEAO qui vont de l’octroi ou la suspension des décaissements des prêts, la suspension du droit de vote et au rejet de la candidature aux postes statutaires et professionnels au sein de la communauté et enfin à la suspension pure et simple aux activités de la communauté.

ActuNiger : L’Etat du Niger a-t-il été condamné par le passé par la Cour?

L’Etat a été condamné plusieurs fois par le passé notamment dans l’affaire Dame Hadjia Mani Koraou en 2008.

ActuNiger : Avait-il exécuté la sentence de la Cour pour ces condamnations ?

Oui, il avait exécuté les sentences de la Cour.

ActuNiger : Le mot de la fin ?

Vous me donnez là l’occasion de remercier très sincèrement au nom de la Famille Baré l’ensemble des forces vives de la nation.

ActuNiger.com

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