Le Niger a fort heureusement échappé à l’empire de la terrible homonymie : il n’y a eu ni K.O., ni chaos. Il n’y a eu de guerre civile que celle des langues fourches. Il n’y eut point d’étincelle pour allumer l’incendie redouté. La démocratie a pris quelques crochets et uppercuts, les illusions se sont envolées, les espoirs se sont affaissés, mais le pays est entier.
Les élections sont terminées. Vive les élections!
Il faut à présent songer à passer aux choses sérieuses concernant notre existence et notre devenir, au-delà d’un quinquennat.
De tout temps, nous avons eu au Niger, des majorités cannibales et des oppositions affamées. Or, les gouvernants d’aujourd’hui étaient les opposants d’hier, et les opposants d’aujourd’hui gouvernaient hier. Bonnet blanc, blanc bonnet. Tous ont connu les supplices de la faim, tous ont connu les délices du pouvoir. Se réclamant d’une géométrie politique venue d’ailleurs, de droite, de gauche, comme du centre, ils ont agi de la même manière, méprisant notre souveraineté, se plaçant au-dessus d’elle et l’utilisant contre nous.
Depuis trois décennies, nous assistons au retour du même et des mêmes, tantôt dirigeants, tantôt opposants, toujours égaux à eux-mêmes, privilégiant les querelles de personnes, de partis et de postes, au détriment de nos intérêts. On a cru un moment que la relève tant du côté de la majorité que du côté de l’opposition allait se pétrir d’expérience et de savoir pour sortir du carcan des pratiques archaïques, mais elle n’a été initié qu’aux rites et rituels d’antan. La relève, hélas, n’a pas plus de mérite que la vieille garde.
Le cycle famine-cannibalisme est une constante de notre histoire politique récente. Or, on ne peut développer un pays en mangeant, encore mois en s’entremangeant. Il faut pour aller de l’avant, rompre avec ce passé peu glorieux.
Nul n’a le monopole du patriotisme, ni celui de la nigerienneté : j’aime le Niger comme les autres l’aiment, je crois. Personne n’est plus nigérien ou moins nigérien que personne. «La parole appartient à tous, il faut la partager», disent les sages de chez nous. Suivant cet adage, il m’appartient de dire, et je dirai chaque fois que la prise de parole me paraîtra nécessaire. Il appartient aux autres d’écouter ou de ne pas écouter, d’entendre ou de pas entendre, de lire ou de point lire.
Contre le temps, les trentenaires sont impuissants. Le temps est leur pire ennemi, il est le meilleur allié de ceux qui savent attendre, et veulent changer les hommes et les choses, par la persuasion et la force de l’exemple.
Plus jamais d’affamés, plus jamais de cannibales en politique, rien que des hommes et des femmes repus qui servent leurs prochains au lieu de s’en repaître.
Une manière nouvelle de gouverner qui ne relève ni de la monarchie, ni de l’aristocratie de l’oligarchie ou de la ploutocratie, avec des hommes et des femmes nouveaux ou qui se seront convertis à la nouveauté.
Une démocratie qui n’est ni simulacre, ni parodie, et qui tient compte des conditions particulières dans lesquelles nous vivons, des mœurs et des coutumes qui sont les nôtres.
Une avancée sans compromis ni compromissions avec les pratiques anciennes, les attitudes rétrogrades, les mentalités arriérées.
Ce que le temps exige de nous pour collaborer, c’est au demeurant une classe politique virile et vierge.
Farmo M.