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Le Sahel N° du 12/4/2016

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2éme Colloque international sur la liberté de la presse, à Nouakchott (Mauritanie) : Les journalistes du G5 +1 s’organisent pour mener un combat commun contre le terrorisme et l’extrémisme au Sahel
Publié le mercredi 13 avril 2016   |  Le Sahel




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Du 3 au 4 avril dernier, s'est tenu à Nouakchott en Mauritanie, le 2ème colloque international de Nouakchott sur les libertés de presse en Afrique et dans le monde arabe. Ce colloque qui a regroupé autour du président de la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ) M. Jim Boumelha, des sommités de la presse arabe et africaine a été rehaussé par la présence des délégués du Burkina Faso, du Mali, du Niger, du Sénégal, du Tchad et de la Tunisie. C'est le ministre mauritanien des transports, assurant l'intérim de son collègue de la Communication qui a ouvert les travaux du colloque.
Dans son allocution, il a brossé l'état des lieux de la liberté de la presse en Mauritanie, qui jouit actuellement d'une liberté incontestable. Il a déploré au passage un certain dérapage observé et l'irresponsabilité de certains journalistes.
Pour sa part, le président du syndicat des journalistes mauritaniens, M. Salim Ahmed ould Salim, a reconnu que des avancées significatives ont été faites en matière de liberté de presse dans son pays (dépénalisation du délit d presse, libéralisation du secteur audiovisuel, création de plusieurs chaînes de radios et télés privées, création des journaux privés, mise en place de la haute autorité de l'audiovisuel, octroi de fonds d'aide à la presse privée, etc.), mais beaucoup restent à faire afin de permettre à la presse mauritanienne de jouer pleinement son rôle de 4ème pouvoir.
Le président de la FIJ, M. Jim Boumelha, a présenté une importante allocution dans laquelle il a fait un tour de l'état de la presse et de la liberté de la presse à travers le monde. Pour le président Jim, « à l'heure qu'il est, chaque année, plus de 100 journalistes trouvent la mort aux quatre coins du monde, plus de 200 journalistes sont actuellement en prison et des dizaines de millions d'emplois ont été perdus à la suite d'une crise qui secoue la presse mondiale.
Evoquant les questions de vie et de mort qui affectent les journalistes aujourd'hui, le président de la FIJ a cité le dernier rapport de son organisation où « pas moins de 2300 journalistes ont été tués durant ces 25 ans. En moyenne, deux journalistes ont été assassinés par semaine durant cette période. Imaginons si c'étaient 2300 médecins ou 2300 enseignants, ce que serait la réaction de l'opinion publique mondiale ».2me-Colloque-international
Il a pêle-mêle cité les cas des « décapitations des journalistes américains James Foley et Steven Sotloff par l'état islamique, les dizaines d'autres meurtres en Inde, au Brésil, au Pakistan, avant de déplorer que le plus grand nombre de journalistes tués ne sont pas engagés dans des conflits ou guerres mais la plupart sont ciblés dans leur propre pays suite à un travail d'investigation ou de reportages qui nuisent à certains intérêts. Dans deux tiers des cas, les meurtriers ne sont jamais appréhendés et, par conséquent, tuer un journaliste est devenu le moyen le plus sûr et le moins cher d'éliminer un enquêteur ennuyeux. De temps en temps, un assassin est identifié et traduit en justice, mais dans la plupart des cas, le payeur reste inconnu».
Pour la FIJ, la plus grande menace contre les journalistes actuellement est sans conteste l'impunité. Selon le président de la FIJ, « elle se produit quand il y a l'absence de volonté politique de soutenir les investigations sur le meurtre de journalistes; quand il y a un cadre juridique où les juges sont faibles ou corrompus ; lorsque les autorités de police ou de l'enquête sont incompétents; quand il y a des maigres ressources allouées aux personnes chargées d'assurer la sécurité et l'application de la loi; et quand la négligence et la corruption sont monnaie courante.
Cette question est extrêmement difficile à confronter. Elle demande un travail patient et consistant au niveau de plusieurs institutions dans les pays où il a le plus de journalistes tués.
Vu que le nombre de journalistes tués à travers le monde continue à se consolider et que certains assassinats font maintenant partie intégrante de grands conflits géopoliques, il est clair que les institutions internationales telles que l'Organisation des Nations Unies ont une responsabilité légale pour agir et forcer les gouvernements à accorder plus d'attention à la crise de la sécurité des journalistes et des médias. L'UNESCO est l'agence spécialisée des Nations Unies dotée d'un mandat pour défendre et promouvoir la liberté d'expression et son corollaire, la liberté de la presse ».
Mais la triste réalité d'aujourd'hui est que pas beaucoup de journalistes peuvent compter sur ces institutions internationales pour défendre leurs droits quand ils ou elles disparaissent ou sont emprisonnés ou assassinés.
Le président Jim Boumelha a rappelé «qu'il y a quelques années, nous avions beaucoup d'espoir lorsque le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la résolution 1738 indiquant pour la première fois que des journalistes et professionnels des médias engagés dans des zones de conflit armé doivent être respectés et protégés. Mais malheureusement ces espoirs vont devenir de plus en plus faibles chaque jour que les bureaucraties des NU s'avèrent réticents à confronter certains gouvernements. Depuis que cette résolution a été adoptée plus de 800 journalistes ont été tués.
Les Etats responsables de leur négligence et, dans de nombreux cas, leur complicité doivent faire l'objet d'une campagne persistante internationale, pas une fois par an, mais à chaque fois qu'ils acquiescent ou ferment les yeux sur l'assassinat d'un journaliste. Nous soutenons aussi le nouveau Plan d'Action de l'UNESCO lancé il y a deux années ».
Parlant du classement de liberté de presse par pays, la FIJ a souligné son président, s'est engagée à faire un travail au jour le jour pour fortifier la communauté de journalistes dans certains pays et les aider à pouvoir bâtir les alliances nécessaires et confronter les défis qui se posent au jour le jour. Ce travail ne peut être fait que par nos syndicats dans ces pays, d'où notre obligation à les soutenir et les défendre - un travail de fonds de journaliste à journaliste.
Le président Jim Boumelha s'est appesanti également sur le sort des centaines de journalistes qui sont en prison et des dizaines qui sont tués chaque année. Les journalistes qui travaillent dans des conditions dangereuses qui se sentent isolés et abandonnés par les institutions internationales créées pour protéger leurs droits. Il nous incombe à nous et à nos organisations de parler avec force en leur faveur et de pousser les Etats membres qui cherchent à bloquer les institutions internationales de remplir leur mandat sur l'application des lois internationales, a-t-il indiqué.
Il a aussi condamné avec vigueur, le durcissement contre les journalistes et les menaces qui pèsent sur notre profession aujourd'hui surtout la volonté de gouvernements, pas seulement les Etats autoritaires, de mettre en place des mécanismes de blocage et de filtrage, et de renforcer leurs dispositifs d'écoute et la récupération d'informations sur des internautes, dissidents ou journalistes, avant de déplorer les prises de contrôle financier par des groupes défenseurs des intérêts libéraux qui sont devenues une menace lourde et permanente sur le pluralisme de la presse et des médias.
«En effet, partout où je vais, je trouve des médias en crise - une crise profonde et sérieuse. Non seulement en Europe mais à travers le monde, nous souffrons des mêmes maux - partout ce ne sont que mercantilisme et sensationnalisme. Les stratégies des groupes de presse sont devenus partout presqu'uniformes, misant sur le soutien de grands investisseurs et le développement de la publicité et délaissant les lecteurs et les lectrices, leurs exigences et leurs envies de comprendre le monde d'aujourd'hui », a déploré M. Jim Boumelha.
Avant de conclure, le président Jim a révélé que « nous sommes dans un âge où un journalisme éthique, un journalisme de qualité est nécessaire, et plus que jamais enraciné dans des valeurs et le respect des droits. Nous sommes plus conscients que les barrières qui nous séparaient de nos audiences ont disparues. Le nouvel espace d'information abonde de nouvelles voix et d'opinions, et nous avons été contraints de réexaminer notre manière de travailler et notre rôle. En tant que journalistes, nous avons toujours un rôle crucial à jouer basé sur les impératifs de notre profession - dire et rechercher la vérité, l'indépendance et l'équité, la solidarité et l'humanité ».
Il a poursuivi en soulignant que, « nous, journalistes, sommes dans une position unique pour délivrer cette information. Nous avons l'expérience, les compétences et l'attachement aux valeurs éthiques pour donner au public ce dont il a besoin. Dans un monde où l'information est sans cesse commercialisée nous avons l'opportunité d'injecter des valeurs qui vont au-delà des impératifs économiques et restaurer la primauté de la qualité, de l'éthique et des standards. Nos batailles pour défendre la liberté de presse et les droits démocratiques, y compris nos droits syndicaux, sont inextricablement liés et ils revient à nous syndicats de journalistes de nous engager côte à côte avec les autres travailleurs ainsi que la société civile pour s'opposer aux attaques contre tous les droits de l'homme ».
C'est pourquoi, a-t-il indiqué, la FIJ met la solidarité syndicale au cœur de ses activités et ne cesse d'œuvrer pour renforcer la capacité de ses affiliés pour défendre le droit de ses adhérents. « Nous savons qu'un journalisme de bonne qualité, précis et fiable est nécessaire pour informer le public et l'aider à décider. La bataille pour la qualité est le seul moyen pour créer les conditions légales et sociales qui permettront aux journalistes de faire leur métier d'une façon libre et efficace, à l'intérieur et en dehors des salles de rédactions.
Après cette brillante plaidoirie sur la presse et l'avenir de la profession, les travaux ont été axés sur un passage en revue des libertés de presse dans le monde, en Afrique et dans le monde arabe ; la liberté de la presse en Mauritanie ; les droits des journalistes et les réalités d'entreprises de presse ; le genre dans la presse ; les jeunes dans la presse et la création d'un cadre institutionnel pour la presse du Sahel.
A l'issue des travaux, un cadre commun, dénommé «organisation des journalistes du G5 +1 » a été créé. Cette organisation aura une présidence tournante chaque deux (2) ans. Elle est composée du Burkina Faso, du Niger, du Mali, de la Mauritanie, du Tchad et du Sénégal. Une Assemblée générale prévue ultérieurement mettra en place les organes dirigeants.
La Mauritanie a été chargée de finaliser les documents afin de les soumettre dans les meilleurs délais aux autres pays pour amendements. Chacun des signataires s'est engagé à informer les autorités de son pays de la création de cette organisation qui vise à accompagner les Etats du G5 plus le Sénégal dans leur combat quotidien contre le terrorisme et l'extrémisme.
Une résolution spéciale demandant la libération de M. Isaaq Ould Mokhtar, journaliste mauritanien enlevé par les terroristes de l'EI et ses compagnons a été adoptée.
En marge de ce colloque, le Premier ministre Mauritanien a accordé une audience aux représentants des pays invités au colloque. Il a réitéré la volonté de son gouvernement à garantir et à préserver les acquis de la liberté de la presse en Mauritanie, avant d'appeler les journalistes mauritaniens et à travers eux les journalistes africains à cesser toutes formes de ''griotisme'' et à privilégier en toute circonstance l'éthique et la déontologie de leur profession.

Mahamane Hadi Mahamane, envoyé spécial(onep)

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