"Cela fait quatre à cinq mois que nous n’avons plus reçu d’aide alimentaire", proteste Mariam, une réfugiée nigériane, en s’adressant au patron des opérations humanitaires de l’ONU Stephen O’Brien, qui visitait cette semaine le camp d’Assaga dans le sud-est du Niger.
"Nos enfants ne dorment plus la nuit faute de nourriture", confie-t-elle également, la voix débordante d’amertume, à un journaliste de l’AFP.
Malgré la forte canicule, des groupes d’enfants amaigris, torses ou pieds nus, se sont massés aux abords de la route pour applaudir la délégation onusienne, avec à sa tête M. O’Brien, secrétaire général adjoint aux Affaires humanitaires et coordonnateur des secours d’urgence de l’ONU.
Moins d’un an après son implantation à 15 km de la ville de Diffa, Assaga a vu sa population enfler de manière surprenante. Avec plus de 6.000 personnes, ce camp aux allures de bidonville, dépourvu d’école et de centre de soins adéquat, est devenu l’un des plus importants de la zone.
Tous ses pensionnaires ont fui les atrocités du groupe islamiste Boko Haram. Ils recevaient régulièrement des rations alimentaires depuis leur arrivée mi 2015. Mais en début d’année, l’aide alimentaire a commencé à manquer, plongeant les réfugiés dans un grand désarroi.
"Au début, on recevait tout: nourriture, couvertures, savons et puis les distributions sont devenues rares", raconte ainsi Ousmane Ari, 45 ans, assis sous une tente onusienne, entouré de ses enfants.
Ces réfugiés sont confrontés à "une insécurité alimentaire chronique", "à la malnutrition" et le conflit "a exacerbé de manière catastrophique leur vulnérabilité",a souligné Stephen O’Brien.
"J’ai honte de ne plus nourrir convenablement ma famille", se lamente Elhaj Moustapha. Ancien riche producteur de poivrons, il a lui aussi été forcé à l’exil. Ibrahim, un autre réfugié, la cinquantaine, est plongé dans le désespoir. "Je crois que tout le monde nous abandonne", souffle-t-il.
- ’Viens nous tirer de cet enfer’ -
Boussam, une mère de sept enfants qui abreuve quelques chèvres squelettiques, est encore plus véhémente. "Si notre président (nigérian) Muhammadu Buhari m’entend, je lui dis: +Viens nous tirer de cet enfer+", lance-t-elle.
Le ministre nigérien de l’Action humanitaire, Lawan Magadji, qui accompagnait M. O’Brien dans sa visite, constate qu’"il n’y a pas assez à manger". "Les opérations de distribution (de vivres) se font en fonction des ménages les plus nécessiteux", avance-t-il.
Cette situation est due à une faible mobilisation de fonds, estime le Bureau de coordination des Affaires humanitaires de l’ONU (Ocha). Sur les 316 millions de dollars (280 millions d’euros) nécessaires pour financer les actions humanitaires en 2016 au Niger, y compris l’aide aux réfugiés, seuls "24%" ont été mobilisés, note l’agence onusienne.
C’est donc "insuffisant" pour "répondre aux besoins immédiats". Stephen O’Brien a promis de faire "lever des fonds" lors du Sommet humanitaire mondial, les 23 et 24 mai à Istanbul en Turquie, afin d’aider de façon "conséquente" les plus de 240.000 réfugiés et déplacés de Boko Haram vivant à Diffa (sud-est du Niger).
La vulnérabilité des réfugiés et des populations de Diffa est aussi accentuée par les "mesures sécuritaires" prises par les autorités, estiment plusieurs ONG. Pour contenir les attaques incessantes et les infiltrations, les autorités ont évacué des zones, interdit le commerce de poisson et de poivron, fermé des marchés, plombant ainsi l’économie locale alors que Diffa était déjà confrontée à des crises alimentaires répétées.
Abdou Kaza, le gouverneur militaire de la région, justifie ces mesures "temporaires" par le souci de "couper" les insurgés nigérians de leurs "principales sources de financement".
D’après l’ONU, quelque 9,2 millions de personnes ont besoin "d’une assistance" alimentaire dans le bassin du Lac Tchad, à cheval entre le Niger, le Nigeria et le Tchad, et théâtre des raids de Boko Haram. L’insurrection de Boko Haram, lancée en 2009, a fait plus de 20.000 morts et contraint plus de 2,6 millions d’habitants à fuir leur foyer.