L’organisation familiale est la base et le pilier de toute société humaine, elle est la quintessence de l’humanité. Et la famille, c’est d’abord et avant tout le couple, un couple soudé qui se tolère, qui vit dans la patience et l’abnégation, deux êtres mutuellement dévoués, qui peuvent se sacrifier l’un pour l’autre.
Malheureusement, dans la plupart des cas, ces concepts ne sont de mise que l’espace de la lune de miel, et volent en éclat quand l’euphorie des premiers jours, mois ou années s’effrite, quand les promesses ne sont pas tenues, quand les devoirs ne sont pas remplis, quand chaque élément du couple se dit qu’il n’a plus rien à perdre ou à gagner, et commence à dévoiler son vrai visage.
Alors l’entité familiale est victime, de part et d’autre, des palabres sans fin, des contestations et autres altercations qui aboutissent, au meilleur des cas à l’indifférence, ou au pire qui est le divorce. Et ils sont légion, les couples qui ne durent que quelques mois, une année tout au plus.
De même qu’on constate en certaines périodes de l’année une surabondance de célébrations de mariages, notamment à l’approche de Ramadan et pendant les grandes vacances, de même il est loisible de constater, notamment à Niamey, une surabondance de prononciations de divorces. Sauf que dans le cas d’espèce, il n’y a pas de périodes ou de jours spécifiques. Le démon de la division s’infiltre insidieusement avec prédilection dans le coeur et l’esprit des couples, et chaque jour que Dieu fait a son cortège de séparations. Ainsi, à l’Association Islamique du Niger où nous nous sommes rendus pour avoir une idée de l’ampleur du phénomène, le président Djabir Oumarou Ismaël nous renseigne qu’au cours de cette dernière décennie, les divorces sont de plus en plus fréquents dans la ville de Niamey et ses alentours, et que plus de 600 divorces sont prononcés par an, rien qu’à leur niveau. En effet, en dehors de l’Association Islamique du Niger, il y a bien d’autres instances qui interviennent en matière de divorce, surtout la Justice, et aussi certaines instances coutumières.
A l’Association Islamique du Niger, en cette matinée du mardi 24 mai, l’ambiance était de tout ce qu’il y a de plus surchauffé. Dans ces locaux, nous avons trouvé au moins une dizaine de couples dont le plus grand souhait est de voir les oulémas mettre fin à leurs unions. Scènes de bagarres, d’invectives, scandale…
‘’Je souhaite ne même pas accoucher d’un garçon, car il deviendra un homme, et les hommes sont mauvais. S’il m’arrive de donner naissance à un garçon, je serais capable de lui ôter la vie’’, martèle cette femme désenchantée qui se disputait avec son futur ex-mari. Quant au futur ex-mari, avec qui elle allait en venir aux mains, il affirme qu’entre les femmes et lui, c’est fini. ‘’Je ne souhaite même pas sentir les femmes. Même si on me donne un morceau de femme, je n’en voudrai pas, à plus forte raison une femme entière’’, dit-il en langue Haoussa (Ni ko gountoun maïché né an ka bani, ban-na so ballantana ma douka’’. Ces propos illustrent à quel point la déception a été grande au sein de ce couple, et aussi la haine! Parlant des causes du divorce, le président de l’Association Islamique du Niger, Djabir Oumarou Ismaël, nous explique qu’elles sont essentiellement liées au fait que les gens ne se conforment plus aux principes sacro-saints du mariage en général, avant de contracter une union.
‘’Avant, ce sont les parents qui choisissaient pour leurs enfants, en se basant sur des principes sociales comme l’appartenance familiale, la moralité, etc. Mais maintenant, les jeunes n’en font qu’à leur tête, en se basant sur des considérations éphémères comme le rang social, la richesse, l’apparence physique, etc. Or celui qui a choisi uniquement la beauté comme critère, découvrira un jour quelqu’un de plus beau, ou que la beauté de son partenaire a flétri; pour celui ou celle qui s’est basé sur la richesse, cette richesse peut finir un beau matin ; il en est ainsi pour tous les autres intérêts’’.
Aussi, affirme le président de l’Association Islamique du Niger Djabir Oumarou Ismaël, ‘’les jeunes qui ne demandent pas conseil à leurs parents et qui décident de choisir seuls leurs conjoints ont des problèmes la plupart du temps. Depuis que je suis à la tête de cette Association, mon constat est que ce sont les jeunes couples qui divorcent le plus. En effet, 95% des cas que nous traitons par an sont des jeunes couples’’.
Pour illustrer ses propos sur le déficit de concertation des jeunes avec leurs parents, le président de l’Association nous a raconté le cas d’un jeune homme qui a discuté le montant de la dot avec sa copine. ‘’S’étant entendus sur la somme 500 000 de FCFA, la fille informa ses parents. Et le garçon remit cette somme à son père sans lui expliquer que sa future belle famille en est au courant. Le papa déduit donc 150 000FCFA de la dot, et n’emmena que 350 000F. En arrivant chez la fille, il se rendit compte que la belle-famille de son fils est au courant du montant et que lui est sous informé. Cette histoire illustre la nécessité de la communication entre les jeunes et leurs parents’’, affirme Cheikh Djabir.
‘’Récemment, un voisin m’a informé du mariage de son fils, mais m’a demandé de ne pas venir y assister, car lui-même est sous-informé à propos de ce mariage’’, poursuit le président de l’AIN qui ajoute que ‘’ce genre de mariage ne peut pas être béni’’.
Concernant les candidats au divorce qui font recours à l’AIN, il précise que toutes les catégories socioprofessionnelles sont concernées: commerçants, fonctionnaires, professionnels de divers métiers. Parfois, dit-il, ‘’même la Justice et la Gendarmerie nous envoient des cas’’.
Pour ce qui est du genre, c’est surtout les femmes qui constituent le gros lot des demandeurs de divorce. Les femmes traitent les hommes de ‘’menteurs et de jaloux’’, et les maris disent que les femmes sont des ‘’matérialistes et des mauvaises ménagères’’.
Ce qui démontre que les prétextes de demande de divorce sont très variés, et les responsabilités partagées, affirme Djabir Oumarou Ismaël qui profite pour lancer un appel à la jeune génération: ‘’Bien choisir son partenaire, demander conseil aux parents, être franche en se disant toujours la vérité’’.
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