La liberté de la presse est manifestement en danger mais selon plusieurs journalistes approchés, il est hors de question de se laisser faire ou de reculer devant le danger. Au contraire, Les hommes des médias ont décidé de l’affronter avec la ferme détermination de ne pas courber l’échine devant les intimidations, les menaces et les emprisonnements politiques. L’embastillement d’Ali Soumana et de Moussa Dodo est un ferment qui va alimenter la flamme de la lutte.
Le Courrier, qu’une certaine police et une certaine justice qui entrent probablement dans le fameux jeu des dames de Mohamed Bazoum, essaie d’étouffer, ne faiblira pas. Sa voix se fera davantage entendre au prorata des peurs manifestées et des hurlements des loups.
Il trouvera et puisera dans cette propension de cette police et de cette justice à réprimer et à anéantir, la force et l’engagement qu’il faut pour résister et continuer le combat. Le Courrier, aux côtés d’autres médias de la place, continuera ainsi à dévoiler les identités de ces personnalités pour la tranquillité desquelles Ali Soumana et Moussa Dodo ont été injustement jetés en prison, en violation flagrante de la loi régissant la presse. C’est vraiment le comble ! Envoyer en prison, non pas ceux qui ont contrevenu à la loi, mais plutôt ceux qui les ont dénoncés.
C’est quelle justice, ça ? De toute façon, ce qui est dit est dit, comme disent les Ivoiriens et personne ne fera oublier aux Nigériens que Malika Issoufou, l’épouse de Issoufou Mahamadou, Kadidiatou Ly, la présidente de la Cour constitutionnelle, Seyni Garba, le chef d’Etat-major général des armées, Foumakoye Gado, le ministre du Pétrole, entre autres, sont les commanditaires des listes frauduleuses pour lesquelles tant d’agents de la Fonction publique et de la Santé croupissent en prison. Dans son numéro 1452 du jeudi 9 juin 2016, l’Enquêteur, dans sa rubrique " Paroles fortes ", a choisi de porter au bon souvenir des Nigériens un extrait d’un discours de Hama Amadou, président du Moden Fa Lumana Africa qui disait, je cite : "Politiquement, le Niger tend à sortir du cadre démocratique pour entrer dans les ténèbres d’un autoritarisme de mauvais aloi. Les lois de la République autant que les institutions de régulation de la vie démocratique sont toutes perverties et transformées en instruments dociles voués à l’assujettissement des citoyens ainsi qu’à la mise au supplice de leurs libertés ". Le journal ne pouvait pas être aussi bien inspiré. Ali Soumana et Moussa Dodo paient aujourd’hui au prix fort leur engagement et leurs convictions au service du Niger. En leur enlevant leur liberté, au mépris de la loi, une certaine justice se fourre complètement le doigt dans l’oeil. Elle ne réussira jamais à faire taire Ali Soumana et Moussa Dodo car ils sont le peuple et le peuple est de loin, toujours, le plus fort. L’incarcération d’Ali Soumana et de Moussa Dodo ne sera, donc, pas suffisante pour faire taire le peuple. Et le peuple parle, parle, parle. Il parle plus que ne l’ont fait Moussa Dodo et Ali Soumana. Toujours dans son numéro du jeudi 9 juin 2016, l’Enquêteur a également distillé une belle leçon de morale à ceux qui pensent que la force et l’abus de pouvoir - un pouvoir éphémère et fluctuant - peuvent leur permettre de régler les graves contradictions dans lesquelles ils se sont englués. " Qui se sert de l’épée périra par l’épée. Qui utilise la machine répressive de la loi, subira à son tour, cette même répression ", note le journal. " Divulgation de documents issus d’une perquisition ", c’est le motif de leur inculpation, tel que le procureur de la République, qui ne doit pas être content de voir Le Courrier écrire qu’il est désormais dos au mur, le leur a signifié.
Quelle trouvaille ! Manifestement, la machine a mis du temps et de la peine à trouver quelque chose contre Ali Soumana et Moussa Dodo qui ont été interpellés seulement après trois numéros successifs. Tant pis si le chef d’inculpation n’est pas assez génial pour cacher la volonté de règlement de comptes. Et puis, entre nous, de quelle perquisition s’agitil puisque ces listes frauduleuses ont été brandies en audience publique, devant toute la cour. Et le président du Tribunal a avait même lu quelques noms. Toutes les listes frauduleuses publiées l’ont été bien après le procès des agents de la Fonction publique et de la Santé. Il a fallu que les mis en cause choisis pour faire croire en l’existence d’une justice au Niger les sortent publiquement pour qu’on découvre l’identité de ces personnes qui, la nuit, posent des actes délictueux - le soir, tous les chats sont gris, n’est-ce pas ? - et qui, le jour, se présentent comme les garants de la loi et de son respect strict.
Quelle déchéance et quelle honte pour le Niger ! La justice - la justice du pouvoir - peut se permettre d’embastiller tous les citoyens qui se conduisent en gendarmes et protéger fermement ceux qui ont les mains sales. Mais ça ne durera jamais l’éternité. Tout pouvoir humain a une fin et ce n’est certainement pas l’emprisonnement d’éléments gênants qui arrêtera la roue de l’Histoire. Elle tourne inexorablement et la loi finit toujours par s’imposer. Pour Reporters sans frontières, c’est clair : "c’est un acharnement". Au nom de quelle loi la police judiciaire a-t-elle gardé Ali Soumana et Moussa Dodo en détention préventive ? Pas en tout cas l’Ordonnance 2010-35 du 4 juin 2010 portant régime de la liberté de presse au Niger qui interdit toute détention préventive de journalistes. En violant cette loi, ainsi que la Constitution qui proscrit formellement le trafic d’influence, la police judiciaire n’a réussi à démontrer qu’une seule chose : elle est là, non pas pour servir la République selon les lois édictées, mais pour faire plaisir à des personnes tapies au sein du pouvoir.
Qui sait ? Peut-être les mêmes qui ont joué aux chats gris, la nuit, mais qui ont été dénoncées, le jour, par Ali Soumana et Moussa Dodo.