Ali Soumana et Moussa Dodo, respectivement Promoteur et Directeur de Publication de l’hebdomadaire privé "Le Courrier" ont passé leur première nuit d’emprisonnement, hier mardi 8 juin 2016. Présentés devant le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey, dans le courant de la même journée après avoir passé quatre (4) jours de détention préventive dans les locaux de la Police judiciaire, Ali et Moussa ont été accusés et inculpés pour "divulgation de documents issus d’une perquisition" et placés sous mandat de dépôt à la prison civile de Niamey, dans le cadre d’une procédure de flagrant délit.
Le patron de l’imprimerie Darcy, par ailleurs Directeur de Publication du quotidien privé "L’Enquêteur", Idrissa Soumana Maïga, poursuivi dans la même affaire, a, lui, été inculpé et laissé en liberté provisoire jusqu’au jugement de l’affaire. L’implication de ce dernier dans le dossier est probablement due au fait que c’est son imprimerie qui tire l’hebdomadaire poursuivi. Rappel des faits : dans ses trois dernières livraisons, Le Courrier publie chaque semaine des listes de hautes personnalités et de hauts cadres du PNDS Tarayya, le principal parti au pouvoir, qui ont parrainé des candidats lors du concours de la santé dont les résultats ont été annulés pour cause de corruption et trafics d’influence massifs. Des personnalités de partis alliés sont aussi impliquées dans ce trafic d’influence. Et ces révélations dérangeaient, comme on peut aisément l’imaginer, le régime Guri d’Issoufou Mahamadou, qui a pourtant promis de combattre farouchement ces pratiques néfastes. Durant toute cette procédure judiciaire préliminaire, qui a finalement débouché sur l’emprisonnement des deux responsables de l’hebdomadaire Le Courrier -aussi bien au niveau de la police judiciaire qu’au tribunal - personne n’a contesté la véracité des listes des personnalités publiées par le journal, a-t-on appris. Personne ne les a accusés de propagation de fausses nouvelles ou de diffamation, encore moins d’injure. C’est la provenance des listes qui était recherchée. On voulait que les deux responsables dévoilent comment ils ont obtenu les documents gênants pour le régime. On voulait qu’ils enfreignent aux dispositions de la Charte des journalistes professionnels et le Code d’éthique et de déontologie de l’ONIMED qui imposent au journaliste la protection de ses sources. C’est un sacrosaint principe que tout journaliste professionnel digne de ce nom se doit de respecter scrupuleusement et les policiers comme les juges, le savent. Mais il fallait coûte que coûte pour le régime stopper net les révélations ’’embêtantes’’ du Courrier. Pour ce faire, L’ordonnance 2010 -034 du 4 juin 2010 portant régime de la liberté de la presse, qui est une loi spéciale supprimant les peines privatives de liberté pour les délits de presse les plus courants, a été soigneusement mise de côté dans le cadre de la procédure engagée contre nos confrères. C’est le code pénal qui est visé pour enclencher une procédure de flagrant délit et les inculper "pour divulgation de documents issus d’une perquisition". Ali Soumana et Moussa Dodo sont jetés en prison pour avoir fait leur travail en édifiant l’opinion sur un pan des pratiques mafieuses à l’origine desquelles les résultats du concours de la santé ont été annulés. Pendant que les personnalités politiques et autres grosses pointures de la majorité présidentielle qui ont établi les listes ne sont pas inquiétées. En tout cas, jusqu’à preuve de contraire. La liberté de la presse est véritablement en danger sous le règne Guri. Les journalistes et leurs organisations socioprofessionnelles sont avertis.