Confronté à d’énormes difficultés dans la mobilisation de ressources financières, l’Etat du Niger est au bord d’une grave crise de trésorerie. En effet, les séries d’arriérés de salaires et les créances des opérateurs économiques et des bailleurs constituent quelques illustrations. Certains fonctionnaires ne sont payés que vers le vingt (20) du mois suivant, d’autres notamment, les enseignants contractuels ont des arriérés de salaires allant parfois jusqu’à trois (3) mois, les déplacements extérieurs des membres du gouvernement sont maximum limités, les commandes publiques sont fortement rationalisées – ceci du fait des difficultés des disponibilités monétaires au trésor public. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces déficiences et instabilités de trésoreries.
D’abord, depuis quelques années, les recettes douanières de l’Etat connaissent une relative stagnation voire une dégradation par moment. Comme cela puisse attendre, ce déficit de recette douanière n’est pas exclusivement lié à une quelconque corruption et démotivation des agents de douanes ou au guichet unique, mais à un changement progressif de la structure économique de certains pays attractifs de la CEDEAO qui accueillent des usines de produits autrefois fabriqués hors CEDEAO. Or, tout produit fabriqué dans l’espace CEDEAO est exempté de droit de douane s’il est importé dans un pays membre. La baisse des droits de douanes reste aussi liée à l’exonération octroyée par l’Etat aux entreprises et aux commerçants dans le cadre du code des investissements, car ces bénéficiaires font rentrer beaucoup de marchandises exemptes de droits de douanes. Pire, certains entreprises et commerçants bénéficiaires du code des investissements s’adonnent à des activités frauduleuses, en revendant sur le marché les produits sans droit de douane qu’ils ont introduits sur le territoire. Ensuite, pendant les périodes pré et postélectorales en Afrique, on note généralement une contraction de l’activité des administrations publiques. Dans les autres pays africains, comme au Niger, on enregistre de plus en plus une forte politisation de l’administration. En effet, les agents s’adonnent aux activités politiques en négligeant celles de l’administration, ce qui a un impact sur leurs productivités. Par exemple, dans les régies financières, les conséquences directes sont les baisses des impôts, des droits douanes et autres redevances. De plus, en période pré et postélectorale, les opérateurs économiques sont assez actives dans la politique, ce qui ralentit leurs activités économiques, et par ricochet la croissance nationale. Par ailleurs, la sécurité et la stabilité sociopolitique constituent des aspects favorables pour le climat d’affaires, or au Niger, la période postélectorale reste encore tendue. Loin d’être transparentes, les élections présidentielles et législatives de 2016 ont été les pires que le Niger ait organisées. Cette situation a instauré un climat de suspicion, de surveillance : les investisseurs hésitent à investir, les contribuables ne voudraient pas vite s’acquitter de leur impôt par peur de pas disposer de liquidité en cas de crise sociopolitique, les activités économiques sont au ralenti comparé à l’année dernière à la même période. Cela nous envoie à l’analyse de Jeremy Bentham (1789) expliquant que l’agent économique prend une décision au regard des plaisirs et des peines dans la réalisation d’un projet. Le contexte s’illustre par une baisse des recettes fiscales de près de 30% pour le premier trimestre 2016, alors que cette période rime avec le paiement des premiers acomptes des impôts sur les bénéfices par les sociétés et autres taxes par les contribuables. Depuis 17 ans, Le Niger n’a pas connu un pareil écart entre réalisations et prévisions fiscales, à fortiori en cette période de l’année où on devrait enregistrer une entrée suffisante de recettes fiscales dans les caisses de l’Etat.
Enfin, la gestion des finances publiques a toujours révélé ses limites au Niger, particulièrement avec le gouvernement de Guri. L’Etat s’est endetté à une proportion importante (près de 50% du PIB), or aucun investissement productif «immédiat» n’a été réalisé comme le barrage de Kandaji, les centrales solaires, le tronçon de rail Dosso- Parakou (au lieu de Parakou-Dosso) alors que ces infrastructures peuvent apporter une bouffée d’oxygène pour l’économie. Mal exploitées, les sommes empruntées ont été investies dans des actifs non prioritaires. Selon des sources de l’assemblée nationale, plus de 300 milliards de dettes sont venus à terme, c’est-à-dire le Niger doit s’acquitter obligatoirement et immédiatement, et 171 milliards de dettes arriveront à terme dans les prochains mois. Sauf que les recettes douanières et fiscales, déjà en baisse, sont loin de couvrir le paiement de la dette extérieure des salaires et des dépenses de fonctionnement. Economiquement, la situation financière du Niger parait inquiétante. En effet, la mauvaise gestion de la dette et des finances publiques est en train de rattraper le gouvernement. Parmi celle-ci, on peut citer les surfacturations des marchés publics (l’avion d’occasion Mont Greboum à 20 milliards, le premier échangeur de 800 mètres à 14,5 milliards, les achats d’armes,...), la pléthorique de conseillers de la république, etc. On aurait espéré à tout le moins un début de gestion saine des finances publiques avec la renaissance II, mais de manière de plus criarde, elle a commencé avec une pléthorique de 42 ministères, augmenté le nombre de députés de 113 à 171, etc. Des charges supplémentaires qui viennent ainsi s’ajouter à celles déjà existantes, et qui aggravent la situation de la trésorerie de l’Etat. En effet, le Niger présente une situation financière préoccupante face à ses obligations juridiques et financières, notamment le paiement de la dette, la masse salariale, les dépenses de fonctionnement ou encore les dépenses de guerre, dans un environnement régional où la croissance économique est peu prometteuse pour l’année 2016.
En somme, d’une part l’évolution économique actuelle de la CEDEAO n’est pas très favorable pour insuffler une croissance vigoureuse permettant au Niger consolider au mieux son économie, d’autre part les conséquences de la mauvaise gestion des finances publiques refont surface, et nous mènent vers une cessation de paiement du trésor public de l’Etat, il est donc impératif d’adopter une gestion orthodoxe de la chose publique.