Au mois d’Avril dernier, le groupe Jeune Afrique basé à Paris a organisé un forum à Abidjan (RCI). En marge de ce forum dénommé Africa CEO Forum beaucoup de thématiques ont été débattues dont le FCFA, monnaie commune à plusieurs pays africains du sud du Sahara.
Le Franc CFA qui veut dire Franc de la Communauté Financière d’Afrique de l’ouest et le Franc de la Coopération Financière pour les pays situés en Afrique centrale, devient de plus en plus controversé et divise les esprits avec d’un côté, ceux qui militent pour son rejet pur et simple et de l’autre, ceux qui le défendent arguant son rôle de stabilisateur des ‘petites économies locales’ et l’assurance qu’elle suscite au niveau des investisseurs étrangers.
En Afrique 14 pays dont le Niger utilisent le FCFA. Cette monnaie dévaluée en Janvier 1994 est arrimée à l’Euro depuis Janvier 1999, continue d’être problématique parce-que toute politique économique et tout développement économique d’un pays sont tributaire de beaucoup des facteurs dont sa monnaie. Conscient de cela, beaucoup d’intellectuels africains arguent aujourd’hui que nous ne pouvons pas faire une politique économique digne de ce nom sans véritablement la maîtrise de la monnaie. Ils insistent sur la nécessite de la zone FCFA de se doter de sa propre monnaie surtout qu’à leur entendement « Franc CFA » voulait tout simplement dire « Franc des Colonies Françaises d’Afrique (CFA) ».
Rappelons à prime abord que l’histoire du FCFA est intimement liée à l’ère de la colonisation française des vastes espaces ouest africaines et de l’Afrique centrale. Certains intellectuels et grand économistes de la zone FCFA très farouches contre cette monnaie voient véritablement un mécanisme mis sur pied pour permettre à la France de tirer profit non seulement des richesses naturelles, mais aussi du travail des africains. Ce qui est certain, c’est que le franc CFA a été créé le 25 décembre 1945 par le général De Gaulle.
D’ éminents spécialistes en la matière comme l’économiste camerounais Joseph Tchuidjang Pouemi dans son livre intitulé « Monnaie, Servitude et Liberté » n’hésitait pas à affirmer déjà que le Franc CFA n’est qu’un instrument de « répression monétaire de l’Afrique ». Ceci est d’autant plus vrai que les institutions de la zone Franc CFA, notamment le Conseil d’Administration des trois banques centrales, les français y sont présents et disposent du droit de véto. Aux yeux des détracteurs de cette monnaie la présence très notoire de la France et de son veto posent problème.
Ils assertent que le simple fonctionnement du CFA appartient à la France qui l’utilise pour ses propres intérêts et donc contre les intérêts des africains. Que ça soit au niveau de la Banque des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) qu’au niveau la Banque des Etats d’Afrique centrale (BEAC) et la Banque centrale des Comores (BCC), la France nomme des représentants qui disposent d’un droit de véto. En termes clairs, si les africains présents aux conseils d’administration de ces différentes banques décident de prendre des décisions qui défendent les intérêts de l’Afrique en touchant aux intérêts de la France, ces décisions ne pourront pas être validées puisque les français voteront « contre ».
Ce d’autant plus qu’il est clairement mentionné dans les textes régissant ces trois banques centrales que « les décisions se prennent à l’unanimité ».
Le Franc CFA est une monnaie qui rend nos économies peu compétitives et gare au dirigeant africain qui oserait défier la France.
Le mode opératoire et fonctionnement du FCFA sont conçus pour servir la France. Voyons comment. Il y a grosso modo 4 principes de fonctionnement de la monnaie. Et tout semble être ‘formaté’ de la sorte à favoriser la France. D’abord le FCFA existant dans 14 pays africains (une grande zone qui devient un atout pour la France) il y avait lieu de créer une centralisation des réserves d’échanges qu’on appelle le compte d’opérations. Deuxièmement le principe de la libre convertibilité des francs CFA en Euros. Troisièmement, le principe de la fixité des parités et enfin quatrièmement, le principe de la libre transférabilité des capitaux de la zone franc CFA vers la France.
En ce qui est du compte d’opérations, il est d’inspiration nazi disait un détracteur africain du FCFA. Ce senior nigérien, nous explique que le compte d’opérations a été appliqué à la France par les nazis et après la ‘Libération’, le général De Gaulle a décidé de l’appliquer ce même système aux africains depuis 1945. Techniquement et conformément aux accords monétaires entre la France et l’Afrique, le principe de la centralité des réserves d’échanges fonctionne de la manière suivante : les Africains doivent déposer, l’intégralité de leurs recettes d’exportation dans des comptes ouverts à la banque centrale de France.
De 1945 à 1973, quand les Africains exportaient par exemple les matières premières pour 100 milliards de dollars, ils déposaient tous les 100 milliards de dollars dans le Trésor français. De 1973 jusqu’en 2005, s’ils exportaient pour 100 milliards de dollars, les Africains étaient obligés de déposer 65 milliards au Trésor français dans le fameux compte d’opérations. Et Depuis le 20 septembre 2005 jusqu’à aujourd’hui, on est passé à 50%. Ce qui veut dire que si les africains exportent à hauteur de 100 milliards de dollars ou d’Euros ils sont tenus de déposer 50 milliards en France.
Il y a certes eu une petite évolution dans le principe des accords mais force est de constater qu’aujourd’hui encore nous payons jusqu’à 50% c’est qui est énorme et engendre des conséquences pour les africains utilisateurs du FCFA.
Première conséquence majeure : puisque le compte d’opérations est d’origine nazie, la France s’en est servie et s’en sert encore pour s’approvisionner gratuitement en matières premières africaines. C’est-à-dire que si la France dit aux Africains d’exporter les matières premières dont elle a besoin pour 100 millions d’euros par exemple. Lorsque les Africains exportent, au lieu de les payer, la France retire un large pourcentage. Elle ne débourse aucune devise. Or si ce sont les Nigérians ou les Ghanéens qui exportent (avec le Naira ou le Cedi), la France est obligée de sortir 100 millions d’euros des coffres forts pour les payer (avec ce même exemple).
Ce qui revient à dire que le jour où les africains vont se débarrasser du franc CFA, la France sera obligée de débourser de l’argent pour payer directement et immédiatement l’intégralité de la facture des exportations. Puisque les africains déposent des devises en France, celle-ci s’en sert pour combler son déficit budgétaire ou pour amortir, c’est-à-dire payer sa dette. L’Autre conséquence est qu’en en contrôlant leurs devises, la France met les dirigeants africains au pas. Si un dirigeant de la zone CFA n’obéit plus aux ordres de la France, Paris bloque ses réserves de devises et mieux, il ferme les banques dans ce pays devenu « rebelle ».
Des exemples font légions et si un dirigeant africain lève le petit doigt pour dénoncer, ses jours sont comptés aux affaires. C’est ce que nous avons vu tout récemment en Côte-d’Ivoire avec Laurent Gbagbo. En réalité ne pouvant plus prendre des devises à la France, Mr Laurent Koudou Gbagbo a décidé de créer la monnaie ivoirienne et hop la décision a été prise par le gouvernement de Sarkozy pour le bombarder. Dans des cas moins graves ce sont des banques qui sont fermées, aucun ménage, aucun chef d’entreprise ne peut sortir de l’argent pour nourrir sa famille ou payer les employés. En un mot, en fermant les banques, la France organise le chaos socio-économique. Et toute la population se rebelle contre le dirigeant en question.
Sylvanus Olympio premier président du Togo indépendant est un autre exemple. M. Olympio créa une monnaie qui devrait être mise en circulation le 15 décembre 1963. Deux jours avant, exactement le 13 janvier 1963, il a été froidement assassiné lors d’un coup d’état auquel participait un certain Eyadema qui revint avec un deuxième coup d’état en 1967 qui le propulse au pouvoir cette fois ci, (et avec l’aide de la France) il y resta jusqu’à sa mort en Février 2005.
Comme on le voit, les conséquences majeures de l’utilisation du FCFA pour l’Afrique sont plutôt des avantages pour la France ; à savoir l’approvisionnement gratuit en matières premières africaines, l’utilisation des devises africaines pour son propre développement, et une arme de mise au pas des dirigeants africains qui constituent un puissant instrument utilisé par la France pour bloquer l’industrialisation de l’Afrique.
Ainsi comme nous le constatons l’émergence des économies africaines n’est que des propagandes politiciennes, une véritable chimère en somme. Comment peut-on réellement amorcer un développement économique digne de ce nom sans une véritable main mise sur sa politique monétaire ? Aucun pays ne peut être émergent avec le Franc CFA. Tant que les pays africains continueront à payer un « impôt » de 50% de leurs revenus extérieurs à la France, l’émergence socio-économique avec laquelle les politiciens nous rabattent les oreilles ne sera que du bla bla bla !!!