Les autorités nigériennes viennent de retirer l’accréditation de la journaliste française Nathalie Prevost, actuelle correspondante de TV5 au Niger.
C’est à travers une lettre datée du 21 juin et adressée à l’intéressée, que la ministre de la Communication Amina MOUMOUNI, l’informait, « avec regret », du retrait de l’autorisation de tournage qui lui a été accordée pour servir et valoir sur une période d’une année à compter du 25 octobre 2015.
« Aussi, à compter de ce jour, vous n’êtes plus autorisée à couvrir l’actualité du Niger en tant que correspondante de TV5 » lit-on également dans le document.
Les motifs invoqués par le ministère de la Communication tiennent à « non respect de l’esprit et de la lettre des textes » régissant la presse au Niger.
D’après le parcours de la journaliste dressé par Djibril Saidou, spécialiste en communication, Nathalie Prévost est une journaliste professionnelle, diplômée de Paris-Sorbonne et auteure de plusieurs articles et documentaires sur le Niger. Elle fréquente le Niger depuis une quinzaine d’année, d’abord en tant que consultante-formatrice et a ainsi contribué au renforcement des capacités de plusieurs professionnels des médias nationaux. Puis, elle a servi en tant qu’assistante technique de l’association française Contrechamps, avec laquelle elle a accompagné le parachèvement de la formation de plusieurs promotions d’étudiants et élèves de l’IFTIC. Elle a par la suite été correspondante au Niger de plusieurs médias, particulièrement français, surtout après sa décision de s’installer durablement dans le pays à partir de 2003.
« A Niamey qu’elle considère comme sa ville, Nathalie Prévost compte de nombreux amis et aura contribué à faire enrôler beaucoup de jeunes dans le métier du journalisme » se console Djibril Saidou qui tient à faire remarquer que depuis quelques temps déjà, il était loisible de percevoir que sa « couverture » de l’actualité nationale sur les élections et la crise Boko Haram hérissait certaines « têtes » de l’establishment nigérien.
Même si cela n’apparait pas clairement dans la correspondance officielle, le lien est assez évident entre cette décision des autorités et ses récents articles sur la dernière attaque de Boko Haram à Bosso ainsi que sur la situation sur le front de la lutte contre le terrorisme.
Dans un article qu’elle a publié sur le site internet du quotidien français Le Monde version Afrique, elle titrait que l’attaque de Bosso a révélé « la faiblesse de l’armée » avant de remettre une couche dans un autre article sur le même support en rapportant, sur la base des déclarations de sources locales, que « faute d’intervention aérienne venue les tirer d’affaire, les militaires, souvent de très jeunes soldats tout juste sortis de l’école, ont pris la fuite, laissant derrière eux une ville livrée au pillage ainsi qu’un important arsenal de guerre».
Dans la même lancée, la journaliste a pris le contrepied du gouvernement en faisant état de la présence du drapeau noir de Boko Haram à Bosso, ce que contestait à l’époque des faits le gouvernement et elle avait annoncée l’arrivée des troupes tchadiennes au Niger, se basant sur des confirmations des sources sécuritaires tchadiennes comme c’est le cas pour plusieurs médias internationaux. «Une imagination particulièrement débordante de certains journalistes » selon l’expression consacrée en guise de réponse par le ministre d’Etat en charge de l'Intérieur, Mohamed Bazoum, au terme d’une visite dans la région sinistrée en fin de semaine dernière.
Elle a, de ce fait, eu droit à une véritable levée de boucliers de la part des thuriféraires du régime de Niamey sous forme de droit de réponse des plus acerbes et largement relayé par les médias proches du pouvoir.
Aussitôt la décision connue, la communauté des hommes des médias du pays ainsi que les membres de la société civile ont vigoureusement condamné cet acte qui est loin de redorer l’image du pays.
Il faut dire que ces derniers temps, la liberté de la presse est mise à rude épreuve au Niger. Plusieurs journalistes ont été interpellés et incarcérés avec des condamnations pour certains, pour « avoir juste exercé leur métier » selon Reporters Sans Frontières (RSF) et Amnesty International qui ont d’ailleurs tenus à interpeller les autorités nigériennes sur la détérioration progressive de la liberté de presse et d’expression au Niger.