Dans quelques jours, plaise à Dieu, le régime de la 7ème République franchira le cap de deux ans de la première mandature du Président de la République Issoufou Mahamadou. Ce serait certainement l’occasion pour les acteurs de la Renaissance de rivaliser d’ingéniosité pour présenter aux Nigériens et, certainement, à la communauté internationale un bilan des plus alléchants.
Sans démagogie aucune, et en attendant le bilan des concernés, votre journal ouvre le débat sur les forces, les faiblesses et les contraintes objectives qui ont plombé l’envol du programme du Président de la République. En clair, faut-il rester réaliste ou verser dans la politique politicienne ?
Il est difficile d’apprécier le bilan de l’action d’un régime après seulement deux ans sur un mandat de cinq ans. Toutefois, il est possible, en y mettant une dose d’objectivité, de fixer quelques repères en tenant compte de certains paramètres contextuels. C’est en procédant ainsi que ces contraintes placeront le devenir de notre pays, pas seulement celui des hommes et des femmes qui le dirigent, au coeur de l’histoire.
Sur le plan national, plusieurs contraintes vont plomber le régime de la Renaissance puisque la victoire a plusieurs pères au contraire de l’échec. En effet, très le syndrome CFDR va constituer un goulot d’étranglement pour l’efficacité de la gestion. Tous les acteurs politiques, sociaux et syndicaux ayant participé d’une manière ou d’une autre à la victoire, cachés la plupart de temps derrière le label valorisant de combattant pour la démocratie et les principes républicains, vont donner libre cours à leurs égoïstes calculs. Ceux qui n’obtiennent pas le profit envié pour une raison ou pour une autre deviennent des aigris, des frustrés qui alimentent la galerie de tout ce qui va mal dans le pays. Ils attisent d’autres impatiences dans un cycle infernal de « rien n’est fait pour les populations ou pour le pays ». Les pires sont ceux qui ne sont pas contents de ce qu’ils ont obtenu. Ombres sinistres, ils courent, à gauche et à droite, répandant l’ire de la révolution contre un régime ‘’ingrat’’ qui n’a pas su récompenser leur mérite.
Ensuite, il y a la coalition politique hétéroclite qui s’est emparée du pouvoir à l’issue des élections du second tour de mars 2011. Cette mouvance est composite dans sa structure formelle comme dans ses aspirations qui se contredisent à la limite. Il est difficile de mettre ensemble un combattant qui a fait une quinzaine d’années de traversée de désert avec quelqu’un qui garde encore le goût du lait du pouvoir dans la bouche. Tout comme ne vont pas ensemble l’honnête homme et le traîneur de casseroles !
La sortie du Niger d’un régime de transition militaire consécutif à un autre régime décrié par la communauté internationale devient de facto une gêne qu’il faut surmonter sur le temps. La confiance de cette communauté avec les espèces sonnantes et trébuchantes qui s’en suivent se crée pas à pas, acte après acte. Hé, oui ! Il faut mériter leur retour en allant dans le sens de leurs exigences.
La contrainte la plus difficile à maîtriser est ce contexte chargé d’insécurité qui nous impose des ajustements tous azimuts sans jamais arriver à son bout. De la crise libyenne à celle du Mali, le Niger l’a échappé belle. D’abord, grâce au professionnalisme de notre armée dont la vision nous a mis à l’abri de mauvaises surprises ; ensuite grâce à la prévoyance des autorités de la 7ème République. Donc, l’implication du Niger, en première ligne, dans la résolution de la crise malienne est une vision à saluer. Notre sécurité, notre devenir étant étroitement lié à la manière dont ce conflit sera réglé nous oblige à être entreprenant. Le résultat est que le Niger ressemble à un îlot de paix dans un océan d’insécurité. Du reste, on ne le dira jamais assez, la paix n’a pas de prix puisqu’il faut la perdre pour savoir en apprécier la valeur !
Enfin, les contraintes socioéconomiques et climatiques sont d’autres paramètres qui imposent des réorientations constantes des plans économiques. A l’exemple des réfugiés maliens accueillis en terre nigérienne ! A présent voyons quelques exemples de réussite du gouvernement actuel en commençant sur le plan institutionnel qui reste le socle sur lequel repose tout système politique. On peut se réjouir des efforts consentis pour mettre en place les différents dispositifs d’encadrement de notre jeune processus républicain. A l’exception de quatre institutions dont le parachèvement est imminent, le reste fonctionne bien jouant sa partition pour la mise en branle du progrès dans notre pays. Un autre élément fort de la gouvernance est l’acquis sur le plan du dialogue. Peut-on parler de démocratie sans mécanisme de dialogue pour la prévention et le règlement des conflits ? Difficile, mais malgré la subsistance de quelques problèmes, le dialogue social et politique n’est pas en reste pour donner à la gouvernance du pays une allure à visage humain.
Sur le plan du retour du Niger sur la scène internationale, il faut reconnaître les avancées significatives enregistrées. La voix du Niger reste assez forte pour exprimer notre différence, notre apport au concert des Nations. Il faut se souvenir du premier discours du Président Issoufou Mahamadou à la tribune des Nations Unies en tant que Chef d’un Etat. Il a bousculé les préjugés et les idées figées, il a revendiqué la démocratisation des institutions de l’ONU, réaffirmé le soutien du Niger à la Palestine, fait un cours d’islamologie qui se distingue du terrorisme international… Ce jour là, le Niger a surpris. Agréablement. Il faut savoir s’en souvenir ! Plus concrètement, le retour de la communauté des bailleurs des fonds assure au Niger le financement de plusieurs actions de grande envergure en faveur des populations rurales, surtout. L’exemple à citer est la mobilisation de plusieurs milliers de milliards de francs pour le financement du PDES.
Dans le domaine de la démocratie et du respect des droits de l’homme, les points positifs sont nombreux. Toutefois, ces quelques repères ne doivent pas nous faire perdre de vue que des difficultés assaillent notre pays et sa gouvernance. Et à l’heure du bilan, il vaut mieux rester réaliste afin de booster le rêve auquel aspirent les Nigériens. La politique politicienne, le bilan trop mirobolant ne fera que nourrir le nigéro –pessimisme en creusant davantage le fossé de crédit accordé au gouvernement. En effet, la détérioration du dialogue avec les enseignants du C/PRASE et le dernier crash du dialogue politique sont des indicateurs qui assombrissent le paysage de la gouvernance. L’éducation est si chère aux citoyens qu’elle a bien été le prétexte rêvé pour renverser des régimes. L’école publique doit retrouver ses lettres de noblesses sous ce régime puisque les propositions de campagne du Président Issoufou Mahamadou sont là pour le rappeler à la mémoire collective.
De l’autre côté, le dialogue politique avec l’opposition doit rester permanent même si il peut connaître quelques moments de pic et de chute ! Rien ne vaut le renforcement des liens nationaux dans ces instants où les perspectives sécuritaires nous interpellent tous.
L’assainissement, goulot d’étranglement du régime. C’est le domaine où les résultats engrangés restent mitigés surtout qu’entre les aspirations du citoyen lambda et les actes du régime, c’est comme la nuit et le jour ! Le gouvernement a, certes, fait des efforts pour permettre l’indépendance de la justice mais il reste que la lutte contre l’impunité butte à des obstacles politiques qui lestent son envol. L’affaire des fausses factures au ministère des finances et la solution théâtrale qui lui a été trouvée donne une large idée de ce que le gouvernement n’a pas les coudées franches en la matière.
Comment peut-il en être autrement lorsque la coalition au pouvoir ne garde pas souvent dans la même direction en ce qui concerne la gestion des affaires publiques. Engluée dans des luttes de positionnement, son hétéroclite apparaît plus important que le reste. Les dissensions entre le PNDS et le LUMANA de ces dernières semaines sont là pour rappeler aux uns et aux autres que l’avenir du pays dépend de l’humeur des deux protagonistes. Alors, attention, rien n’est gagné à l’avance ! Le salut du pays réside dans la capacité des dirigeants à faire la part des choses. Le peuple n’est pas toujours dupe. Sur la base de ses valeurs intrinsèques, de ses repères ancestraux, il juge et condamne, alors là, avec ténacité les dirigeants d’un moment qu’il a eus. Il ne faut pas perdre de vue cette donnée tangible pour aspirer réussir le parcours de combattant qu’impose la gestion d’un pays comme le Niger, classé encore à la dernière place.