Trafic de devises et d’or à l’aéroport international Diori Hamani de Niamey : Ces fuites massives de capitaux ne sont-elles pas à l’origine des déboires financiers actuels de l’État ?
Trafic de devises et d’or à l’aéroport international Diori Hamani de Niamey Ces fuites massives de capitaux ne sont-elles pas à l’origine des déboires financiers actuels de l’État ? À la tête d’un pays qui tient depuis cinq ans consécutifs la queue du peloton dans le classement IDH du Pnud alors qu’il a bénéficié d’un contexte favorable et d’énormes potentiels, Mahamadou Issoufou s’est illustré par une gestion calamiteuse des ressources publiques et la prééminence de passe-droits qui l’ont progressivement dépouillé de toute crédibilité.
Ainsi, les 20, 22 puis 24 août 2016 suivant, des douaniers en poste à l’aéroport international Diori Hamani de Niamey appréhendent des trafiquants de devises. Deux Nigériens et trois Nigérians. Ils transportaient au total par devers eux, pour les trois saisies, 13 563 630 dollars, 967 775 euros et 147 500 livres, soit près de neuf milliards de nos francs. Le premier, Ahmad Yahaya, de nationalité nigériane affirme être un passeur et que l’argent qu’il transporte est la propriété du sieur Dan Ladi Awouyo, citoyen nigérian résident à Lagos, au Nigeria. Le deuxième trafiquant, un certain Saïdina Sanimi, commerçant de nationalité nigérienne, se déclare propriétaire des établissements Ahmet Sanimi et des 69 500 dollars qu’il avait dans un petit sac en cuir avec lequel il allait embarquer à bord de l‘avion. La troisième saisie a concerné trois individus, deux Nigérians et un Nigérien du nom d’Elh Idi Abdou, né à Sabon Gari, dans le département de Mirriah, localité d’origine d’un certain Boukari Sani Zilly. Dans les trois cas, la tentative de fraude est manifeste et l’histoire à l’eau de rose racontée aux douaniers ne tient pas la route. D’ailleurs, la saisie du 24 août est intervenue dans des conditions éloquentes. Non seulement on les a fait passer par le salon VIP, mis ils avaient carrément essayé de se dérober au contrôle douanier. Sortis du salon pour embarquer, ils ont rebroussé chemin aussitôt qu’ils ont aperçu les douaniers au pied de la passerelle de l’avion. Leur interpellation allait révéler le pot aux roses. Interrogés sur la provenance de tout cet argent, les trafiquants déclarent être des cambistes informels au Nigeria et qu’ils auraient choisi de passer par le Niger pour aller à Dubaï pour deux raisons : d’une part, les autorités nigérianes ont rendu le trafic des devises impossible à partir du Nigeria ; d’autre part, ils bénéficient, à Niamey, de l’aide d’un intermédiaire dénommé Boukari Sani Zilly.
Ce sont tout de même près de neuf milliards qui s’évaporaient ainsi pour finir peut-être dans … les comptes bancaires de quelques notables politiques insoupçonnés
Contrevenant aux dispositions du règlement 09/2010/CM/UEMOA, notamment en son article 23, les trafiquants ont reconnu leurs forfaits et admis les sanctions qui s’imposent en de telles circonstances, notamment la confiscation de 28% de la somme au profit du Trésor public et la rétrocession des 4% du montant versé au Trésor aux agents des douanes à titre de gratification.
Mais, c’est sans compter avec la protection dont jouissent en général de tels trafiquants ! Des autorités politiques de premier rang s’y mêlent rapidement, comme s’il s’agissait de leurs affaires personnelles. Au lieu de se tenir à carreau, histoire d’éviter toute interrogation de l’opinion sur les motivations de leur vif intérêt pour des trafiquants, Mohamed Bazoum et les siens se lancent dans un véritable ballet diplomatique. Au bout de ce déploiement de pouvoirs pour dérober des trafiquants à l’application de la loi, le ministre des Finances, le même Saïdou Sidibé, probablement instruit par une autorité supérieure, signe, par lettre n° 1222/MF/CAB en date du 27 août 2015, une main levée ordonnant aux services des douanes de restituer les devises saisies aux trafiquants. Ils expliquent, au mépris de la loi, qu’il s’agirait de commerçants nigériens et de tradition, ces individus se baladeraient de par le monde avec tant de milliards. Sans aucune gêne pour des personnalités investies d’une mission d’État, de grands ténors du régime, dont Mohamed Bazoum, affirment que c’est une faveur que le régime a voulu faire à des opérateurs économiques nigériens afin de ne pas les pénaliser dans leurs activités commerciales. La réalité est certainement ailleurs. L’aide révélée de Boukari Sani, sur lequel il y a tant à dire, ne cacherait-elle pas des complicités politiques dans une probable fuite de capitaux nigériens ? À l’époque des faits, beaucoup d’observateurs ont d’ailleurs relevé que la levée de boucliers enregistrée dans le camp au pouvoir cachait mal le malaise de ceux qui s’égosillaient à outrance pour défendre l’indéfendable. Ce sont tout de même près de neuf milliards qui s’évaporaient ainsi pour finir peut-être dans … les comptes bancaires de quelques notables politiques insoupçonnés. Défendus becs et ongles par des gens qui n’ont jamais convaincu l’opinion de leur désintéressement, les trafiquants se sont tranquillement envolés avec leurs butins. Quant à Boukari Sani Zilly, il a fait la démonstration de l’efficacité de son aide. Cette aide est-elle désintéressée ?
Les trafiquants et leurs commanditaires courent toujours tandis que l’État nigérien patauge dans de grosses difficultés financières.
Ce n’est pas la première ni la seconde fois que l’aéroport international est le théâtre de tels trafics. Rhissa Ali Mohamed, surnommé Rimbo, du nom de sa compagnie de transport, a été le premier gros poisson arrêté alors qu’il transportait 10 milliards de francs CFA en devises. Ce cas est-il la toute première évasion de capitaux nigériens sous Mahamadou Issoufou ? Ce n’est pas évident. Par contre, un deuxième cas va rapidement se présenter. Quelques jours après le forfait de Rhissa Ali Mohamed, un autre gros poisson sera pris dans les mailles du filet des douaniers. Le député du Pnds Tareyya, Boukari Sani Zilly, relais au Niger du sulfureux opérateur économique nigérian Tahirou Mangal, est appréhendé également avec 4 milliards de francs CFA en devises, Plus tard, c’est Dan Dijé, un autre député, de l’Andp Zaman Lahiya cette fois-ci, et opérateur économique de son état, qui se fera épingler avec 90.000 dollars américains, soit l’équivalent d’à peu près cinquante cinq millions et demi de nos francs (55 520 000 FCFA). Pour sévir et faire comprendre aux douaniers, d’une part, à qui ils ont affaire, d’autre part, que, quelque part on en a ras le bol, ceux qui ont saisi les devises de Dan Dijé et qui ont déposé sur le bureau du procureur les dollars saisis et le passeport du contrevenant, ont été relevés de leurs fonctions par les autorités de tutelle. Ce n’est pas tout. Il y a eu également du trafic d’or. Quelque temps après une mystérieuse disparition de 15 kg d’or de la Société des Mines du Liptako (SML), 12 kg d’or ont été saisis à l’aéroport international Diori Hamani. « Ont-ils un lien avec les 15 kg de Samira volatilisés dans la nature ? Cet or, d’une valeur estimée à plus de 200 millions de nos francs, était en partance pour Doubaï. Encore Doubaï :
Toujours Doubaï !
Un autre dossier sulfureux sur lequel la Halcia, l’Inspection des finances et l’inspection d’État sont attendues.
Le vendredi 10 juin 2016, le ministre des Finances, Saïdou Sidibé, a formellement déclaré devant l’Assemblée nationale que les caisses de l’État sont vides et qu’ils sont obligés d’appliquer une politique d’austérité dont la caractéristique principale est que tous les investissements prévus en 2016 passent à la trappe. Les arriérés de salaires et de pécules des contractuels s’entassent, le courant électrique fait défaut, l’eau manque, 2,1 millions de personnes sont en insécurité alimentaire, l’administration est ankylosée et la sécurité des Nigériens est dangereusement menacée, dans le Sudest du pays, par Boko Haram. Au centre de tous les problèmes, l’argent. Mahamadou Issoufou court le monde, à la recherche de cet argent. Mais partout, il bute à un mur de refus poli. Lorsqu’on ne lui oppose pas un refus diplomatique, on lui donne des miettes. Selon un article paru sur la page face book de Paris Match, il n’aurait engrangé, à l’issue de son séjour en France et en Allemagne que 8% des fonds escomptés. Une grosse déception pour Mahamadou Issoufou qui a pensé qu’il lui suffirait de jouer la carte de l’insécurité et de l’immigration clandestine pour voir François Hollande, l’ami de l’Internationale socialiste, et Angela Merkel, la «banquière» d’Europe, lui ouvrir les coffres de l’Union européenne. Une illusion qui a vite tourné au vinaigre. De fait, Il ne pouvait convaincre. Rien que lors des saisies d’août 2015, ce sont près de neuf milliards de nos francs qui sont en cause. À l’heure où, pour faire le plein de ressources qui lui éviteraient le naufrage, l’État a dû mettre sur pied une équipe-choc composée de la Halcia, de l’Inspection d’État et l’Inspection des finances dans une opération coup de poing qui, prétend-on, ne fait pas dans la dentelle, il y a lieu de revenir sur ces scandales pour voir clair dans la provenance de ces milliards qui pourraient bien appartenir à l’État. Comme l’a relevé l’opposition politique à l’époque des faits, « Si, en l’espace d’une semaine, une dizaine de milliards de francs CFA a été saisie sur la seule plate forme aéroportuaire de Niamey, combien de milliards ont été dissipés en quatre ans de gestion de Mahamadou Issoufou ? ». Une enquête du trio commis pour rechercher l’argent de l’État là où il se trouve s’impose par conséquent pour cerner les contours véritables de ces fuites de capitaux. La situation financière de l’État l’impose. Comment comprendre que dans un pays classé dernier en Indice de Développement Humain — c’est le cas encore cette année comme depuis cinq ans — et qui a besoin de ressources financières pour faire face aux besoins sociaux essentiels et faire face aux menaces persistantes de Boko Haram, que des fonds considérables soient frauduleusement sortis du pays, sans que la Halcia, créée pour lutter contre la corruption et les infractions assimilées, ne mette en branle toutes ses batteries pour démanteler ce réseau mafieux qui a saigné les finances publiques ? Déjà pris dans les filets des douaniers de l’aéroport Diori Hamani et clairement cité par les trafiquants nigérians de fin août comme étant leur intermédiaire au Niger, Boukari Sani Zilly est un bon bout dans une enquête que le Nigeria de Buhari va certainement faciliter. Vivement, donc, que la Halcia ouvre cette enquête pour démasquer l’origine de ces fonds, leur provenance, leurs expéditeurs, leurs destinations, voire leurs destinataires ? Les plaintes déposées par le ROTAB relativement à ces affaires de sortie de devises étrangères offrent à la Halcia un point d’appui supplémentaire pour sauter du bon pied. Quant au journal, Le Courrier, il poursuivra sa traque des délinquants à col blanc. Au nom de la République, de la justice et du peuple nigérien.