J’ai lu avec intérêt votre éditorial intitulé « Confiance et Responsabilité », et suis d’accord avec vous sur votre condamnation des propos des personnes voulant diviser l’unité de notre pays. Je suis très loin des messages de haine, de va-t-en-guerre,… que nous lisons parfois sur le web. Cependant, je reste favorable pour le débat, les critiques et les analyses du fait qu’ils nous permettent de montrer la pertinence d’une situation, de dénoncer les limites ou encore de relancer la discussion.
Cet aspect touche naturellement au rôle des intellectuels, car il y a engagement dans la sphère publique pour faire part de ses analyses. L’intellectuel fait des efforts de réflexions ou touche des domaines de création, de médiation, etc. Sans rentrer dans la complexité de l’appréhension du mot intellectuel, on remarque que le qualificatif intellectuel n’est pas exclusif aux universitaires, aux énarques, aux diplômés de grandes écoles et peut aussi concerner le sujet lambda.
Sauf que nos jours les universitaires et les diplômés des grandes écoles occupent de plus en plus la sphère. Et pour cette raison, j’ai décidé de répondre au directeur général de l’ONEP, qui semble jouer le rôle d’un des intellectuels du régime, d’autant plus que Jean-François Revel (2000) affirme que l’intellectuel ne détient pas, de par son étiquette, aucune prééminence dans la lucidité. (…) il peut se distinguer pas son aveuglement, son impartialité, sa fourberie, sa sincérité…
Lorsque vous soulignez que de nombreux pays sont dans une situation économique difficile du contexte mondial, oui je vous le concède. En revanche, à tout le moins, il serait intéressant de noter également que nombreux pays n’ont pas connu une gestion opaque des finances publiques comme le Niger. En 2010, nous étions à un taux d’endettement d’environ 18%, en 2016, nous sommes à peu près à 52%, et sommes en train de devenir un pays très endetté.
Oui, vous pourriez me dire que tous les pays s’endettent, mais une hausse de près de 35 points en 5 ans doit nous interpeller, d’autant plus qu’aucun investissement immédiatement productif ou prioritaire n’a été réalisé. J’aurais ou dirais-je, nous aurions (car je ne suis pas le seul à le penser) voulu avoir des actifs pour booster notre économie — tels que le barrage de Kandaji, la construction d’une centrale solaire dans la région de Tahoua, le tronçon de rail Dosso-Parakou car actuellement celui de Niamey-Dosso n’est pas opérationnel, et loin d’avoir un impact sensible sur l’économie qui plus est.
Le choix de quelques investissements du premier mandat du Guri fait défaut vis-à-vis de l’analyse keynésienne quant au profit qui serait escompté. Selon Keynes, les investissements les plus rentables doivent être réalisés en premier. Visiblement certains choix d’investissements restent problématiques et suscitent beaucoup de débats. Par ailleurs, nous avons constaté avec le plus grand spleen le coût de l’aéronef d’occasion à 20 milliards, le premier échangeur de 800 mètres à 14,5 milliards, les dossiers de « sur-surfacturation » de marchés publics…., ceux-ci font parties des causes de la crise de trésorerie de notre Etat.
Nous aimerions souligner au directeur général de l’ONEP, si le gouvernement a bien géré nos dépenses publiques dans la plus grande transparence dans le plus grand respect des règles de finance publique et des lois économiques, notre pays résisterait mieux à la conjoncture économique mondiale.
Nous soutenons nos forces de défense et sécurité car elles garantissent l’intégrité du territoire, et par ailleurs luttent contre la secte boko haram. Pour nos frères et sœurs militaires et civiles tombés, que la terre leur soit légère Amin Ya Allah.
Monsieur, vous avez affirmez que l’Etat consacre plus de 10% de son PIB aux dépenses de défense et sécurité. A vous en croire, en se basant sur le PIB du Niger qui est de 8,169 milliards de dollars USA en 2014[1] et de 8,04 milliards de dollars USA 2015[2], le Niger aurait dépensé 473 milliards de FCFA en 2014 et 466 milliards de FCFA en 2015 pour les dépenses de défense et sécurité.
Si celles-ci sont réalisées et justifiées comment expliqueriez-vous qu’en 2014 lors de l’attaque de la prison de Ouallam, notre seul avion de reconnaissance nocturne était en panne. Les militaires étaient dans l’impossibilité de faire des survols nocturnes pour repérer l’itinéraire des insurgés. Du moins, ils l’ont effectué avec un aéronef normal — résultat : les militaires n’ont rien vu et sont rentrés sans informations probantes. Récemment, le ministre de la défense affirme que les avions sont en panne. Selon certains, ces appareils l’étaient, il y a plusieurs mois et les autorités le savent bien!
Toujours, d’après certaines sources, les militaires sur le front ont besoin davantage d’équipements tels que d’engins blindés et de moyens aériens. Nous pensons que si 10% du PIB sont investis dans les dépenses de défense et sécurité, nous n’aurions pas d’insuffisances aussi criardes dans le dispositif militaire face à boko haram et autres bandits armés. Monsieur, en tant que citoyens nous sommes tout à fait légitimes de poser ce débat pour inciter le gouvernement à prendre plus de mesures contre cette secte satanée et surtout d’obtenir des réponses sur l’effectivité, l’efficacité et la pertinence de plus 450 milliards FCFA qui seraient dépensés chaque année dans la défense et la sécurité.
Etant d’accord pour la coopération militaire avec la France, les Etats Unis, l’Algérie… prônée Monsieur Mahamadou Issifou, mais il faut tout de même rappeler que ces puissances militaires ne peuvent pas se substituer à notre armée. Pour cela, nous devons investir davantage et d’une manière effective dans notre sécurité.
En d’autres termes, vous avez parlé de la politique d’emploi de Mahamadou Issifou, je vous l’accorde car je l’ai toujours souligné : c’est l’un point fort de la gouvernance de Guri. Beaucoup de jeunes ont été recrutés dans l’administration publique, ce que d’autres mandatures n’ont pas fait. Sont pris en compte dans les statistiques, les emplois du secteur privée et autres, tels que les emplois dans le cadre de la résilience (le cash for work ou le food for work des organisations internationales), les recrutements des sociétés Orange, SDV, etc.
Le chiffre serait de 37 651 emplois jeunes crées d’après le « Bilan des 4 ans de Mise en Œuvre du Programme de Renaissance Avril 2011- Mars 2015 ». D’aucuns observateurs et économistes craignent même une dérive de la masse salariale ou dénoncent certains recrutements peu efficaces en termes d’apport positif pour l’administration, ou ayant des caractères partisans. En revanche, ce que j’estime être une dérive pour nos finances publiques, est la pléthorique de 43 ministres, les conseillers de la république, la hausse des députés de 113 à 171 et d’autres.
En 12 mois, chaque ministère couterait, hors budget d’activité, en moyenne 1,2 milliard de FCFA, chaque député[3] (sans indemnité de logement et de téléphone, sans les couvertures sanitaires,….) couterait 67 millions, à comparer à un médecin qui couterait 3,6 millions FCFA sur la base d’un salaire indicatif de 300 000 FCFA/mois.
Monsieur, vous parlez de « Confiance et Responsabilité », nous souhaiterions que le gouvernement soit plus responsable dans la bonne gouvernance, dans le choix des investissements productifs, dans l’effectivité des dépenses de défense et de sécurité pour inspirer notre confiance, car celle-ci est partielle pour le moment.
[1]http://donnees.banquemondiale.org/pays/niger consulté le 24 juin 2016.
[2]http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays?langue=fr&codePays=NER&codeTheme=2&codeStat=NY.GDP.MKTP.KD.ZG consulté le 24 juin 2016.
[3]http://www.nigerdiaspora.net/les-infos-du-pays/politique-niger/politique-niger/item/65727-projet-de-loi-en-gestation-les-deputes-veulent-encore-plus-d-argent consulté le 24 juin 2016. Nous nous sommes basés sur un salaire d’environ 2 millions/mois ; une indemnité pour frais de session de 10,5 millions FCFA/an, des frais de déplacement de 110 000 FCFA/jour sur l’hypothèse de 20/an en interne et de 450 000 FCFA à l’étranger sur l’hypothèse de 3/an ; 200 000 FCFA de frais de transport en raison de 150 sessions/an, 7 millions de frais d’établissement.