A travers sa rubrique «Le Nigérien de la semaine», Nigerdiaspora, vous fait découvrir dans ce nouveau numéro, une Nigérienne vivant en France, en la personne de Madame Rakia Moulaye, Docteur en Sciences-Biotechnologies et Santé-Environnement, Enseignante à l’Académie de Paris. Dans l’entretien qu’elle a bien voulu nous accorder, Mme Rakia Moulaye accepte volontiers de parler aux Internautes de Nigerdiaspora, de sa personne, son parcours académique, ses expériences de la vie, tant au plan national qu’international ; les difficultés auxquelles elle avait fait face dans sa vie professionnelle pour être là où elle est aujourd’hui, mais aussi de ses projets et visions pour son pays le Niger et pour sa jeunesse estudiantine. Lisez plutôt.
Comment voudriez-vous vous présenter aux Internautes de Nigerdiaspora ?
Je m’appelle Rakia Moulaye. Je suis nigérienne, née à Zinder et mère de trois enfants.
Après mes études primaires et secondaires à l’école élémentaire Mission Fille de Zinder, puis au collège du Centre 1 à Niamey, et le Lycée Kassai de Niamey, j'ai obtenu une bourse d’études pour 5 ans à l'Institut de santé publique en Algérie. Cette période fut sanctionnée par un diplôme de technicienne supérieure de la santé en Assainissement et Entomologie médicale. De retour au Niger dans le cadre du service civique national, j'ai assuré en 1990, des cours à l'Institut de santé publique (ISP) de Niamey. Les enseignements que j'ai assurés ont porté sur la microbiologie, la parasitologie, l'Assainissement et l'Entomologie médicale. Cette période a marqué un véritable tournant dans l'élaboration plus personnelle de mon projet.
Dans la même période, j'ai été sollicitée pour faire partie d'une mission sur la lutte contre le paludisme en collaboration avec ORSTOM, et l’Institut de Sante Tropicale d'Atlanta (USA). La mission nous a conduit notamment à Intuila, Dakoro, Tessaoua, Tanda et Niamey. Ensuite, j’ai décidé de m’inscrire en troisième cycle de santé publique et développement à l'Université Aix Marseille, jusqu’à l’obtention de mon diplôme en 1991. Cette période s'inscrivait dans la mise en place de mon projet personnel en vue de me lancer dans les études doctorales.
Après l'obtention de mon diplôme, je voulais encore approfondir mes connaissances. Je me suis encore inscrite au diplôme de troisième cycle de Médecine et Epidémiologie à l’Université Paris 6. En 1992, j’obtins un diplôme d'Université de troisième Cycle de Médecine et d'Epidémiologie tropicale. Mes travaux de recherche ont été axes sur une enquête des espèces anophéliennes, vecteur du paludisme au Niger. En plus de s'inscrire dans la continuité et l'enrichissement de mes études doctorales, cette période a été marquée par un changement profond de l'environnement de travail et par la mise à jour d'une capacité d'adaptions aux nouvelles situations. Cette recherche a été réalisée et financée par l'USAID et les travaux publiés par l'institut de médecine Tropicales d'Atlanta aux USA. Décidée à poursuivre mes études, j’ai sollicité une inscription en DEA et mes études doctorales au Museum National d'Histoire Naturelle de 1995-2003 m’ont conduit à l'obtention d'un Doctorat en Sciences de l'Homme et de la Nature.
Mes travaux de recherches ont porté sur la contribution à l'étude des nouveaux médias dans la lutte contre le Sida en Afrique Subsaharienne. Ce projet s'inscrivait dans la continuité de mes études antérieures de DEA sur la communication médicale. Cette thèse au carrefour de l'anthropologie, de l'ethno médecines de la muséologie et de la sociologie nous a permis de mettre en évidence les liens étroits existant entre les différents acteurs de la prévention de la médecine hyppocratique à la médecine traditionnelle, dirigée par le professeur Yves Girault , et présidée par le Professeur André Bourgeot, Directeur de recherche CNRS Collège de France. Le jury était composé de Paul Rasse, Directeur de recherche à l’Université de Nice ; du Professeur Hamidou Sekou, Agrégé de Médecine à la Faculté de Médecine de Niamey (Niger), du Docteur Eric Gonthier, Maitre de Conférence au Museum et du Docteur Françoise Boudarias, Sociologue, Maitre de conférences à l’Université de Tours.
Rakia Moulaye 2Pouvez-vous nous parler de vos expériences au plan international?
Durant toute la période de ma formation, j'ai cumulé des petits jobs, reprenant le langage étudiant, jusqu'en 2001 où le rectorat de l'Académie de Paris m'a proposé des heures d'enseignements en Sciences Medico, et depuis l'obtention de mon Doctorat de Professeur de Sciences-Biotechnologies, Santé-Environnement, j’ai été engagée au Ministère français de l'éducation nationale et de l’enseignement supérieur.
En Parallèle, j’anime des conférences sur diverses thématiques, plus ciblées sur la Santé publique, l'épidémiologie, l'environnement, les sciences de l'éducation pour plusieurs catégories d'étudiants, notamment ceux en Master 1 et 2 ; voir d'autres profils. Dans le cadre des travaux de recherche, j'ai eu l'occasion de travailler avec l'Université de Tunis, la Chair de l'UNESCO, et l'Institut de Santé Publique France, ainsi que le Museum National d'histoire Naturelle avec à l’appui, plusieurs Publications scientifiques.
Quelles ont-été les difficultés et les éléments facilitateurs que vous avez rencontrés dans votre carrière professionnelle en France?
Durant toutes ces années en France, je ne peux pas dire que tout a été facile ; bien attendu il y a eu des hauts et des bas, mais dès lors qu’on se fixe un objectif et surtout quand on sait ce qu'on veut et pourquoi on le veut vraiment, alors on est prêt à surmonter tous les obstacles. Mais, il faut vraiment être déterminé, car au passage, il peut y avoir des situations imprévues qui peuvent nous anéantir et voir nous pousser à l'abandon. Il faut savoir tenir et se relever, croyez moi, ça a été les pires moments de ma vie et je me suis sortie toujours avec la détermination et l'aide de Dieu.
Rakia Moulaye 3Qu’est-ce qui vous a poussé vers l’enseignement?
J'ai toujours été attirée par l'enseignement, son contenu, ses objectifs et sa finalité. J’ai une sacrée chance de pouvoir faire ce dont j'ai toujours eu envie. Je m'épanouis pleinement à chaque fois que je me retrouve en face de mes étudiants ; ces moments d'échanges, de complicité bien sûr. Il y a des moments durs, mais en générale, ce ne sont que du bonheur.
Quel rôle le Niger a joué dans votre carrière et votre parcours d’enseignante?
Le Niger est le centre de ma réussite. À une période, j’ai bénéficié de la bourse de l'enseignement supérieur et du soutien de mes responsables hiérarchiques. Je cite à l'époque le ministre Abdourahamane et le Ministre Baré (paix à son âme) qui m'ont fait confiance en signant ma mise à disponibilité pour poursuivre mes études.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes nigériens qui voient en vous un modèle ?
Si j'ai un conseil à partager avec mes jeunes frères nigériens, c’est d'être toujours dans une dynamique de persévérance. Prendre le temps pour réfléchir, pour construire un projet professionnel solide. Ne jamais céder face à l'échec, au contraire aller toujours de l'avant.
Rakia Moulaye 6Quel constat faites-vous aujourd’hui sur l’enseignement au Niger ? Avez-vous des solutions, des plans… ?
Je ne me permets pas d'apporter un constat sur mes collègues nigériens, mais je suis persuadée qu’ils ont les mêmes objectifs que moi, faire réussir nos étudiants.
Avez-vous des projets pour le Niger ?
J’espère que les autorités académiques de la Faculté de Sciences de l’Université de Niamey et bien d'autres de la sous région prendront connaissance de mes travaux de recherche. En effet, Je reste disponible pour intervenir dans la formation des étudiants dans des domaines de compétences comme en Histopathologie, (Parasitologie et Analyses cellulaires humains), mais aussi sur les techniques d'analyses Bactériologiques et physico chimiques de l'eau, sur les nouvelles stratégies communicationnelles en santé publique et sur le Développement durable et l’Epidémiologie. J'espère qu’un jour, j’aurais cette opportunité de partager et d’échanger les expériences avec mes collègues Nigériens et Africains dans nos différents domaines de compétences. Je souhaite également travailler en partenariat avec mes étudiants en France et surtout me rendre utile au Niger, car le Niger m'a tout donné et appris.