Le gouvernement post-coup d’Etat électoral de Brigi Rafini ou si vous voulez Géo Trouve tout, multiplie les subterfuges, manèges et autres artifices pour trouver le remède qui ressuscite. Ces derniers temps, face à l’asphyxie financière qu’ils ont eux-mêmes provoquée, il multiplie les initiatives et les inventions pour trouver les moyens d’éviter le clash. La première trouvaille a été cette fameuse lettre que Brigi Rafini a adressée à tous les membres du gouvernement et dans laquelle il a parlé en demi-mots comme s’il s’agissait d’un gourou à des membres d’une secte secrète. Assurément, ceux à qui il s’est adressé ont parfaitement compris les propos sibyllins du sieur Brigi puisqu’ils étaient au séminaire gouvernemental. Pour une lettre d’initiés, c’en était une, comme l’a si bien relevé notre confrère Le Courrier.
Et puisque les agents de l’Etat à qui la missive était destinée ne doivent, en tant qu’agents de l’Etat, que l’impôt unique sur le traitement indiciaire (IUTS) et que cet impôt est coupé à la source, il y a lieu de chercher à savoir à quoi le gourou Brigi faisait allusion. Car, il n’a pas eu le courage de leur rappeler les conclusions du séminaire gouvernemental. Ces conclusions sont-elles belles à entendre ? De quelles obligations fiscales parle-t-il ? Voudrait-il insinuer que les agents de l’Etat ne paient pas l’IUTS ? Non, bien sûr. Et puisque le sieur Brigi a préféré user d’un discours d’initiés, nous n’avons d’autre alternative pour comprendre que de faire des hypothèses. A moins, bien entendu, qu’il publie les fameuses conclusions que les ministres, instruits, n’ont pas d’autre choix que d’étaler face à leurs collaborateurs. Curieuse façon de gouverner !
Bon, partons pour le moment pour les hypothèses. La première vérité à dire est que l’Etat court vers une asphyxie financière certaine. En partant du constat désolant que l’Etat financier du Niger est catastrophique et que la gestion chaotique de Mahamadou Issoufou est l’unique explication de cette situation, il est aisé de comprendre que lors du séminaire gouvernemental, Brigi et les siens ont dû se dire des vérités amères. Les raisons de la banqueroute financière étant connues, il s’agit de se regarder en face et de reconnaître que ce qui n’existe pas dans les caisses de l’Etat se trouve ailleurs, dans des comptes bancaires privés ou dans du béton, un peu partout aux quare coins de Niamey ; et comme tout le monde s’est enrichi grâce au système et sur le dos de l’Etat ; que chacun connaît chacun et ce que chacun possède ; que si l’Etat est asphyxié, c’est le système qui s’écroule ; que personne de ceux qui appartiennent à ce système ne veut d’une telle éventualité, alors… Il faut que les membres du système, dans une démarche anonyme de citoyenneté, s’acquittent des impôts qu’ils doivent nécessairement verser à l’Etat afin d’éviter le clash. Il y va de la survie du système et c’est mieux pour les membres du système.
Si vous sortez de cette hypothèse osée mais pleine de bon sens, vous ne trouverez aucune explication à la lettre de Brigi Rafini. Car pour faire rentrer dans ses droits en matière d’impôts, c’est la direction générale des impôts (DGI) qui a cette prérogative et il n’y a aucun besoin de demander si poliment à des agents de l’Etat, si jamais ils sont des propriétaires de baux à louer, d’aller vers les services fiscaux. Pourquoi Brigi Rafini s’adresse-t-il à des ministres et à leurs collaborateurs alors que l’essentiel des impôts est ailleurs ? .
Pourquoi ne laisse-t-il pas la DGI faire correctement son travail de fouille, d’investigation et d’imposition ? Est-ce un aveu du genre : « chacun de nous sait où se trouvent les milliards que l’Etat peine aujourd’hui à trouver. Alors, faisons un effort pour restituer une partie de cet argent. » ? En tout état de cause, la Lettre de Brigi Rafini est un véritable pavé dans la mare dans la mesure où l’exécution des instructions qui y sont contenues ne mènera nulle part alors qu’elle a déjà mis à nu la situation financière dans laquelle patauge l’Etat. Imaginez un ministre réunir ses collaborateurs pour leur demander d’aller s’acquitter de leurs obligations fiscales. Il lui faudra bien expliquer par rapport à quoi. La seconde trouvaille est contenue dans cet appel à soumission pour des logements sociaux. Les souscriptions sont d’ores et déjà ouvertes et cela permettra à l’Etat, même si le site n’est pas encore connu, d’engranger quelque chose qui pourra toujours donner un souffle supplémentaire à un agonisant. Les déposants, sur la promesse d’un logement pour lequel ils ne connaissent ni le promoteur ni les garanties d’acquisition, deviennent ainsi une sorte de souscripteurs à une sorte d’emprunts obligataires. La différence est qu’il s’agit de logements sociaux non déterminés pour une date d’acquisition non plus déterminée. Il faut reconnaître que, pour une Etat en déconfiture financière, l’idée est pleine de promesses puisqu’il permet à de piètres gestionnaires de sortir la tête hors de l’eau. Le temps d’espérer des jours meilleurs. Seulement, le problème principal est que l’argent est introuvable dans le pays. Les rares personnes qui en ont se recrutent dans des milieux dont Brigi Rafini a parfaitement connaissance et c’est ce qui explique probablement cette lettre pleine de non-dits. Je fais le pari que la démarche sera vouée à l’échec. Les dix milliards du Fonds monétaire international (Fmi) qu’agite bruyamment le ministre des Finances, ont été accordés justement au Niger pour apurer une partie de la dette intérieure et éviter le naufrage. Une goutte d’eau dans un océan dont le Fmi ignore totalement l’étendue.
Tous ces saupoudrages ne pourront pas continuer. La machine tourne encore, mais dans un ralenti proche de l’arrêt total. Ceux qui ont soutenu cette façon de gouverner le Niger, en donnant aux gouvernants la licence de disposer des ressources et des deniers publics comme bon leur semble auront bientôt l’occasion de constater ce qu’ils ont contribué à faire du Niger. Ce jour-là, point d’hypocrisie car on a beau être ministre ou conseiller de Mahamadou Issoufou, député ou porteur de serviettes d’une des premières dames, fonctionnaire zélé ou juge, on subira les contrecoups de cette banqueroute financière. Vous pouvez le vérifier déjà autour de vous, vous remarquerez que ceux qui dépensaient 50 000 FCFA par jour n’en sont plus, dans le meilleur des cas possibles, qu’à 10 000 FCFA. En vérité, la crise est là. Nous n’en attendons plus que la manifestation la plus catastrophique, c’est-à-dire lorsque Brigi Rafini reconnaîtra publiquement qu’ils sont à bout de souffle et qu’ils n’en peuvent plus. Comme l’explique notre compatriote Abdou Gado Maliki, le Niger, encore une fois, n’a pu respecter ses engagements et a dû demander une dérogation. Il est clair que pour nous autres, connaisseurs de la situation politique nationale, le clash est juste différé. Mahamadou Issoufou, pour les raisons que seul le Fmi ignore encore, ne peut mobiliser les recettes internes dans les proportions attendues.