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Analyse du contenu du discours du Président Mahamadou Issoufou à l’occasion de la 56ième fête de l’indépendance
Publié le lundi 8 aout 2016   |  actuniger.com


Le
© AFP par BOUREIMA HAMA
Le président nigérien Mahamadou Issoufou
Dimanche 22 février 2015. Niamey.


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Nous pouvons souligner une augmentation des salaires de fonctionnaires allant jusqu’à 25%, une création sensible d’emplois dans la fonction publique : cela constitue, entre autres, des résultats spécifiques et irréfutables du premier quinquennat. Tout comme les autres quinquennats, notamment la gouvernance de Tanja, de Baré… le Niger a également bénéficié de la construction de salles de classes, d’infrastructures routières, sanitaires et sociales.


L’Etat est une continuité, en effet, tous les gouvernements ont réalisé des infrastructures. Actuellement, sur le terrain, nous avons constaté la construction de classes, de centres de santé…Guri affirme créer en 5 ans plus de salles de classes que durant les 10 ans de Tanja -- sans rentrer dans cette discussion, je laisse le soin à l’opposition de continuer le débat contradictoire qu’elle a déjà engagé sur le nombre exact de salles de classe, de centres de santé créé par Guri.

Le taux de croissance moyen est de 6% pendant le premier mandat de Guri : doit-on rappeler que le Niger est un pays producteur de pétrole, d’or, d’uranium, à cela s’ajoute une activité économique qui va logiquement en crescendo étant donné que c’est un pays en développement et une production agricole souvent bonne -- de ce fait le Niger peut naturellement enregistrer une croissance économique sensible. Cette dernière n’est pas due exclusivement aux actions du gouvernement mais reste aussi liée à la disponibilité des ressources naturelles et des actifs économiques à fortiori dans un contexte où on n’a besoin d’être un expert en sciences de l’administration pour décrocher une telle croissance.

En ce qui concerne la pauvreté, la mandature de Tanja l’a réduite sensiblement, son gouvernement a hérité d’une situation sociale et économique sans précédente comme les arriérés de salaires, l’atrophie des ressources fiscales et financières. En 2000, la pauvreté touchait 62,61% de la population[1]. En 2005 et 2010, elle était respectivement de 59%[2] et 63% à comparer en 2011 où elle concernait 48,2%[3] de la population. Incontestablement, Guri a réduit la pauvreté, en revanche il faut retenir qu’elle est fluctuante et s’aggrave particulièrement en période de mauvaise récolte agricole. De plus, la baisse de la pauvreté semble plus liée qu’au chiffre à la réalité sur le terrain. Dans un intervalle d’un an, soit de 2010 à 2011, il est très difficile de baisser la pauvreté de près de 15%, manifestement il y a un problème d’actualisation des statistiques, cela permet noter qu’en 2010, les 63% de seuil de pauvreté évoqué par le Président Issoufou dans son discours doivent être relativisés. Un autre point non moins important est que pendant la renaissance I, le Niger occupait la dernière place d’IDH sur 4 années successives, ceci pour dire que nous devons encore travailler pour améliorer le bienêtre de la population.

Ayant noté avec attention l’objectif de mobiliser de plus de 8 000 milliards de FCFA pour les actions de la renaissance II. Etant aussi pour l’intérêt du pays, je souhaite que ces fonds soient mobilisés et surtout qu’ils soient efficacement investis pour le développement du Niger. Cependant, il conviendrait de distinguer les discours politiques et les discours des techniciens (administrateurs, financiers et économistes). Le volume de 8 000 milliards de FCFA est difficilement mobilisable pour les techniciens qui connaissent l’économie nigérienne, à cela s’ajoute un environnement économique régional et mondial peu favorable. Selon le budget de 2014[4], les ressources financières internes réellement mobilisées étaient de 560 milliards de FCFA. Sur la base de prévision réaliste, les recettes internes dépasseront difficilement 700 milliards/an, soit 3 500 milliards pour les 5 ans à venir. Il faudrait alors chercher la différence, soit 4 500 milliards pour compléter l’objectif de 8 000 milliards. D’autres leviers financiers existent tels que les emprunts, la privatisation et le don. Pour le premier, nous sommes déjà à un taux d’endettement élevé, 52% du PIB et surtout avons des dizaines de milliards de dettes arrivées à termes que nous avons du mal à rembourser. Son augmentation risque de basculer le pays dans l’incapacité totale d’honorer ses obligations et d’emprunter à nouveau, sans négliger les litiges juridico-financiers que cela peut engendrer en cas de défaut de paiement. En ce sens, selon la Lettre du Continent[5], une société de droit britannique AFRICARD CO LTD, par l’intermédiaire d’une agence spécialisée, aurait saisi les créances détenues par le Niger auprès d’AREVA. Le litige concernerait un emprunt de plus de 22 milliards de FCFA. En dépit, des risques évoqués plus haut, le gouvernement continue à emprunter, entre autres, par émission des titres obligataires jusqu’à 6,5% d’intérêt (Laboukoye, le Courrier). Quant à la privatisation des entreprises, le Niger n’a pas pratiquement pas d’actif à vendre à moins qu’on veuille liquider certaines stratégiques, notamment la NIGELEC. Enfin, le volume des dons reste encore modeste rapporté aux dépenses budgétaires.

Sur la bonne gouvernance, beaucoup d’insuffisances sont à noter, notamment les surfacturations, les achats de conscience (vote des députés, des électeurs,…), les enrichissements illicites, le blanchiment d’argent (saisies des fonds à l’aéroport,…), les investissements improductifs et non prioritaires. Les exemples sont loin d’être exhaustifs, de ce fait il faudrait que Guri évite d’employer l’expression « progrès considérable dans la bonne gouvernance » dans ses discours. Quant au droit de manifester, il reste problématique. Sur la corruption, on peut dire que la population ne l’est pas, contrairement à une bonne partie de la classe politique, des élites et des commerçants.

Le Niger a été sélectionné pour le Programme Compact des Etats-Unis (plus de 260 milliards de FCFA), ceci permet de lutter contre la pauvreté. Le programme se base sur trois volets pour retenir un pays, ceux-ci sont : l’investissement en capital humain [dépense éducation, dépense de santé…], la liberté économique [politique budgétaire, droit foncier, liberté de création d’entreprise, politique commerciale…] et la bonne gouvernance [liberté politique, liberté civile, liberté d’information, efficacité du pouvoir public…]. Chaque volet regroupe environ 6 critères, aussi comme les autres volets celui de la bonne gouvernance occupe le tiers de l’ensemble des critères. Ainsi, l’assertion selon laquelle le Niger aurait bénéficié du programme sur la base de sa bonne gouvernance doit être relativisée. Par ailleurs, 10 sur 20 critères suffissent pour qu’un pays soit sélectionné, sachant que ceux-ci sont choisis dans les trois volets (investissement en capital humain ; liberté économique ; bonne gouvernance). De plus, le volet gouvernance fait sans doute dilution additionnée aux deux autres volets. Enfin, en dernier ressort, les Etats-Unis disposent d’un pouvoir discrétionnaire pour décider de l’éligibilité d’un pays, d’où parfois le caractère subjectif dans le choix. Or, le Niger est un état de droit de fait, a un positionnement géopolitique intéressant, il reste stable sur le plan sécuritaire, ce qui constitue un atout pour la sous-région et les pays occidentaux. Dans cette configuration, il faudrait alors l’aider pour lutter contre la pauvreté pouvant entrainer l’extrémisme, le terrorisme ou l’implosion sociale. Ceci peut expliquer son choix pour être récipiendaire du Programme Compact. Quoiqu’il en soit, le Programme Compact fait partie des points positifs du bilan du Président Issoufou.

Le Président a su stabiliser le pays sur le plan sécuritaire, et personne ne peut lui ôter cette action. En revanche, la stabilité sécuritaire du pays est surtout du fait de l’intrépidité des forces de défense et sécurité (FDS), qui malgré leur limite en ressources matérielles, ont su en général circonscrire les terroristes (Boko Haram, Aqmi) et les bandits armés. Des entretiens sommaires auprès de certains FDS soulignent des besoins en moyens matériels tels que les engins blindés, les avions et les hélicoptères, les aéronefs de reconnaissance nocturne…). Etant donné que la mouvance présidentielle affirme qu’elle dépense depuis 2013 plus de 10% du PIB (plus de 450 milliards chaque année) dans la sécurité et la défense, nous nous interrogeons sur l’efficacité et surtout l’effectivité de ces dépenses au regard des besoins matériels exprimés par l’armée. Toutefois, il ne faudrait pas oublier que la stabilité sécuritaire du territoire vient aussi de l’apport de la France, des Etats-Unis, de l’Algérie, du Nigéria, du Tchad et du Cameroun.

Quant au secteur de la santé, le gouvernement a recruté des médecins et des infirmiers, a construit des centres de santé, mais il faudrait davantage investir dans ce domaine. Dans la continuité de la construction des infrastructures d’éducation, le gouvernement a construit 4 universités, et dans la même optique le Président Issoufou affirme faire de l’éducation une priorité, encourage les jeunes d’aller chercher le savoir où il se trouve, mettre des bourses d’excellence aux étudiants pour poursuivre leurs études dans les meilleures universités du monde. Sauf que, d’une part, les universités nigériennes ne disposent pas assez de moyens matériels, financiers et humains, ceci est souvent corroboré par les débrayages des enseignants-chercheurs et des étudiants ou la démission de certains recteurs d’université. D’autre part, les étudiants nigériens à l’étranger sont habituellement en grève à cause du non-paiement de leur bourse et frais d’inscription, notamment ceux du Maroc, de Benin et de France, d’où la contradiction sur le discours «…de mettre des bourses d’excellence aux plus méritants pour poursuivre leurs études dans les meilleures universités du monde…» et les réalités du terrain.

Ayant eu une visibilité que les deux premières années du programme, l’un des objectifs du 3N est de renforcer la sécurité alimentaire en assurant la disponibilité et l’accessibilité alimentaire via l’augmentation de la production des cultures pluviales et irriguées. Cela permet, ainsi, d’assurer un circuit court d’approvisionnement des marchés nationaux. Cependant, il s’avère que de mars à octobre, on note a une vraie pénurie de produits maraichers (salade, tomates, oignon, carotte…) sur les marchés nationaux. Cela nous oblige à importer ces légumes et fruits du Burkina, du Maroc ou de la France, et vendu souvent à des prix mirobolants aux consommateurs nigériens. Tels qu’une pièce de salade à 3 500 FCFA à Hadad Kahil, trois tomates à 500 FCFA ou encore deux oignons à 400 FCFA sur les marchés locaux. Visiblement l’apport du 3N sur la disponibilité et l’accessibilité des produits alimentaires ainsi que son aspect de lutte contre l’insécurité alimentaire sont loin d’obtenir un résultat pertinent et probant contrairement aux discours de la mouvance présidentielle. En effet, la pluralité des volets d’actions, l’écart entre l’intensité du tapage médiatique et les résultats obtenus, le manque de suivi expliquent pour l’essentiel les limites notoires du 3N.

Le bilan de la renaissance I montre des points positifs mais aussi beaucoup d’insuffisances au regard des ressources financières (internes et externes) obtenues, nous souhaiterons qu’elle tienne compte de ces limites pour mieux réussir la renaissance II. Les grands discours politiques doivent être laissés au profit des vraies actions de terrain, et surtout tenir compte de l’avis des techniciens pour l’exécution pour tout programme. Enfin, la réussite d’un programme politique est liée au concept de suivi et évaluation, à la libération totale du budget qui lui est affecté, et à l’intégrité et à la compétence des personnes censées l’exécuter.

LIAM DJIBO

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