La semaine dernière, votre journal indiquait, dans un article intitulé « Les rails de Mahamadou Issoufou : Un imbroglio judiciaire pour le Niger », que le chemin de fer tant vanté est non seulement impraticable, mais qu’il est à la base, aujourd’hui, d’un imbroglio judiciaire dans lequel le Niger va perdre beaucoup de plumes. Poursuivi dans un contentieux judiciaire par le groupe GETFARAIL devant la Chambre internationale d’arbitrage de Paris, le Niger a dû demander un règlement amiable qui s’est concrétisé par des négociations directes à Niamey et une déclaration commune en dix points dont le terme est arrivé à échéance le 10 août 2016. Des sources bien au fait de ce dossier brûlant sur lequel le gouvernement issu du coup d’Etat électoral du 20 mars 2016 essaie de garder l’omerta indiquent que juste avant l’expiration des délais consentis au Niger pour payer les factures transmises par le groupe Africarail, une délégation nigérienne a séjourné à Parais.
Objectif : désamorcer la crise en obtenant un prolongement du gel de la procédure judiciaire qui a été mise au frigo le 31...2016. Dans l’intervalle, le Niger s’était engagé, non seulement à communiquer les résultats des concertations de Niamey avec Africarail au Bénin, concerné par l’affaire, mais également à apurer, de concert avec les autres Etats parties au Protocole, les dettes dûment constituées du Comité de pilotage d’AFRICARAIL envers la société GETFARAIL et ce à réception des factures et de leurs justifi- catifs, et à prendre à sa charge tous ses coûts directs dûment établis ». Dans ce communiqué surréaliste, « Le Niger réaffirme que le groupe Bolloré reste son seul partenaire crédible pour la réalisation du chemin de fer entre Cotonou et Niamey. Il dispose pour cela de tous les droits que lui confèrent les concessions de construction et d’exploitation dûment signées par l’Etat du Niger ».Ils sont allés plus loin que ça, précisant que « le but des négociations avec le groupe Africarail était de trouver un accord amiable pour mettre fin au protocole signé le 15 janvier 1999 par lequel quatre Etats avaient confié au groupement Geftarail la mission de mobiliser des ressources, de réaliser des études et de construire et exploiter certains tronçons de la grande boucle ferroviaire ». Pourquoi alors ont-ils signé, au nom du Niger, un document qui stipule en son point 3 que « L’Etat du Niger réaffirme que AFRICARAIL est toujours concessionnaire du droit de construire et d’exploiter les ouvrages d’art et les infrastructures ferroviaires sur l’axe Kaya (Burkina Faso) – Niamey (Niger) – Parakou (Bénin), Aného (Togo) – Ouidah (Bénin), ainsi que sur l’axe Blitta (Togo) – Ouagadougou (Burkina Faso) constituant la grande boucle ferroviaire de l’Afrique de l’Ouest, conformément au Protocole du 15 janvier 1999 et au Protocole additionnel du 31 août 2000 ». Soit, nous avons affaire à un dialogue de fous ; soit, Mohamed Moussa et Cie se foutent des Nigériens. Qu’est-ce qui est faux ? La déclaration commune qu’ils n’ont contestée en aucun point ou le discret communiqué qu’ils ont publié sans signature ? Toujours est-il que les responsables d’Africarail ne se sont pas outre mesure émus d’un tel désordre. Ils ont tranquillement attendu l’échéance fixée par la déclaration commune.
L’heure de vérité a sonné
Alors qu’ils ont pollué l’atmosphère avec un communiqué non signé mais qui sème le doute dans l’esprit de tous ceux qui ne sont pas suffisamment renseignés sur ce dossier, les missionnaires de l’Etat du Niger, Gandou Zakara, Mohamed Moussa et Ibro Zabeye ont discrètement pris l’avion pour se rendre à Paris en vue de chercher un sursis avec Africarail. La délégation nigérienne qui a reçu mission d’aller éteindre le feu qui couve était conduite par le ministre des Finances et composée, entre autres, de Gandou Zakara, secrétaire général du gouvernement, Ibro Zabaye, directeur du contentieux de l’Etat, et Mohamed Moussa, secrétaire permanent de la cellule d’appui au partenariat public-privé du cabinet du Premier ministre. Selon nos sources, la mission a été un cuisant échec et les raisons sont toutes simples. D’abord, la partie adverse s’est dite déçue et choquée par le comportement peu responsable de Niamey qui a diffusé un communiqué contestant les termes clairement libellés de la déclaration commune. Si ledit communiqué n’a pas pu être authentifié parce que ne comportant aucune signature officielle au bas du document, il a été toutefois publié dans le journal gouvernemental, Le Sahel- Dimanche du ...2016. Ce qui indique que le communiqué émane, soit de Mohamed Moussa qui est le chef de file des négociations qui ont con- duit à la déclaration commune ; soit de Ibro Zabaye, directeur du contentieux ou encore de Gandou Zakara qui s’est déci- dément spécialisé dans la gestion des contentieux à relents d’argent comme ce fut le cas avec les sociétés de téléphonie cellulaire. L’heure de vérité est pourtant arrivée. Le 10 août 2016, les engagements contractés par le Niger dans le cadre de cette déclaration commune arrivent à échéance. Ce point 10 stipule que « la présente déclaration deviendra caduque si elle n’entre pas en vigueur et/ou si les parties ne s’y conforment pas avant l’expiration de la suspension de la procédure d’arbitrage le 10 août 2016 ». Or, un des engagements forts de cet accord est que « L’Etat du Niger s’engage, de concert avec les autres Etats parties au Protocole, à apurer les dettes dûment constituées du Comité de pilotage d’AFRICARAIL envers la société GETFARAIL et ce à réception des factures et de leurs justificatifs, et à prendre à sa charge tous ses coûts directs dûment établis ». Le Niger et le Bénin ont-ils pu apurer ces dettes ? N’est-ce pas trop pour le Niger qui croule sous le poids d’un endettement inconsidéré depuis cinq ans ? C’est en tout cas sous condition du règlement prévu à l’article 5 et de la déclaration prévue à l’article 8, que les parties sont convenues de mettre un terme à la procédure d’arbitrage CCI N°21451/MCP/ DDA initiée par les sociétés AFRICARAIL et GETFARAIL à l’encontre des Etats du Niger et du Bénin. Les difficultés ne sont pas uniquement liées à ce communiqué. Le Niger, selon les mêmes sources, n’aurait pas réussi à entrainer le Bénin dans cette logique suicidaire, le pays de Patrice Talon ayant émis des réserves sur certains engagements contractés par Niamey. En outre, même liés par ce dossier d’Africarail et de Bolloré, les deux pays n’ont pas les mêmes problèmes, Bolloré ayant été arrêté net par du côté du Bénin. Une décision de la Cour d’appel du Bénin qui a ordonné l’arrêt immédiat des travaux de Vincent Bolloré sur l’axe de l’OCBN (Bénin-Niger), sous astreinte de 100 millions de F CFA [152 000 euros] par jour de résistance. Le dossier, déjà complexe pour le Niger, va se corser davantage dans la mesure où Africarail aurait catégoriquement refusé l’offre de Niamey de reconduire les termes de la déclaration commune pour un délai ultérieur. Ce fiasco est d’autant plus grave pour le Niger que selon les termes de la déclaration commune, notamment en son point 10, la procédure d’arbitrage, suspendue à la demande de Niamey depuis le 30 mai 2016, reprendra automatiquement son cours normal. Pour le moment, c’est l’omerta à Niamey. Mais les langues finiront bien par se délier car la Chambre d’arbitrage de Paris, elle, ne gardera pas le silence sur l’aboutissement judiciaire du dossier. Affaire, donc, à suivre.