Il y a trois semaines, nous faisions part d’un rebondissement dans l’affaire AFRICARD qui a abouti au gel des avoirs du Niger , notamment plus de 22 milliards auprès du groupe Areva ainsi que de l’avion présidentiel, mystérieusement disparu du tarmac de l’aéroport international Diori Hamani avant de réapparaître comme par miracle à la veille des « vacances présidentielles ». Ce retour du Mont Greboun à Niamey et la réponse de Mahamadou Issoufou à ses compatriotes qui l’ont interpellé à ce propos sur Twiter à l’occasion de la fête de l’indépendance ont davantage poussé la curiosité de votre journal qui a finalement réussi à percer le secret :
il y a eu finalement mainlevée de la société AFRICARD au terme d’un accord amiable partiel signé le 30 juillet 2016 entre Dany Chaccour, son représentant et Saïdou Sidibé, le ministre des Finances nigérien, sous la supervision juridique du fameux Gandou Zakara, Secrétaire général du gouvernement du Niger. Cette découverte, qui met à nu tous les mensonges entretenus sur la disparition momentanée du Mont Greboun qui serait en révision, confirme toutes les informations publiées à ce jour à propos de ce dossier judiciaire qui étouffe davantage le pouvoir issu du coup d’Etat électoral du 20 mars 2016. Il y a deux semaines, Le Courrier informait déjà que devant la douloureuse tournure de ce bras de fer judiciaire entre AFRICARD et l’Etat du Niger, la Renaissance dépêcha de toute urgence le ministre des finances, le secrétaire général du gouvernement, et le directeur du contentieux de l’Etat à Paris et qu’il s’agissait, à tous points de vue, d’une mission difficile. Eh bien, plus qu’une mission difficile, celle des Gandou Zakara a été un suicide pour le Niger.
Rappel des faits antérieurs
Petit rappel des faits, la société AFRICARD CO LTD poursuit l’Etat du Niger pour avoir annulé unilatéralement un marché qui lui a été régulièrement attribué. Ce divorce aurait pu se terminer à l’amiable moyennant une contrepartie d’à peu près trois (3) milliards au profit d’AFRICARD CO LTD. Mais c’était sans compter avec le personnage bouillant du secrétaire général du gouvernement. En effet, Gandou Zakara minimisa l’injonction du conseil d’Etat donnant raison à AFRICARD CO LTD et s’opposa à tout règlement. Face au déni qui lui était opposé, le patron libanais d’AFRICARD CO LTD porta l’affaire devant les tribunaux de l’Hexagone où il eut gain de cause. En témoignent la sentence arbitrale rendue le 6 décembre 2014 par Boubacar Dicko, arbitre unique, et l’ordonnance rendue par le président du Tribunal de grande instance de Paris, le 26 janvier 2015, régulièrement signifiée par voie diplomatique. C’est fort de ces décisions de justice qu’un cabinet d’huissiers parisien avait averti Areva, le 28 juin 2016, d’une saisie attribution des avoirs de l’Etat du Niger dont est détenteur le groupe nucléaire français. Cette saisie se base sur l’Accord de partenariat stratégique conclu le 26 mai 2014 entre Areva et la République du Niger. Par courrier en date du 1er juillet 2016, Areva informa le Niger de la gravité de la situation en soulignant que « D’ores et déjà, cette procédure gèle les fonds correspondants et interdit à Areva SA et Areva Mines d’effectuer tout versement au bénéfice ou pour le compte de l’Etat du Niger ». C’est donc devant cette mauvaise passe que le régime dépêcha illico presto à Paris une mission composée du ministre des Finances, du directeur du contentieux de l’Etat et du Secrétaire général du gouvernement. La mission assignée à ce trio était de tenter de ramener AFRICARD CO LTD à de meilleurs sentiments par le biais d’une mainlevée sur les avoirs du Niger.
Le Mont Greboun a été bel et bien saisi par AFRICARD
L’accord amiable partiel conclu entre AFRICARD et l’Etat du Niger est une catastrophe pour le Niger. Il est la preuve que Mahamadou Issoufou a trompé les Nigériens en prétendant personnellement que l’avion présidentiel serait en révision et qu’on le reverrait bientôt à Niamey. S’il a pu répondre avec assurance à une question aussi gênante, c’est parce qu’il avait, entre les mains, l’accord amiable partiel par lequel AFRICARD a accepté la mainlevée de la saisie pratiquée sur le vieil aéronef de 16 ans mais pour lequel le Niger aurait déboursé plus qu’il n’en faut pour s’acheter un neuf. L’article 2 dudit accord amiable partiel indique ainsi que « AFRICARD s’engage à donner instruction immédiate à son huissier de justice de donner mainlevée de la saisie qu’elle a pratiquée le 27 juillet 2016 sur l’aéronef Boeing 737 Next Gen-MSN 28976, immatriculé sous le numéro 5U-GRN, appartenant à la REPUBLIQUE DU NIGER (ci-après, l’aéronef) ». Voici ce qui a fondé Mahamadou Issoufou et tous ceux qui ont embouché la même trompette à prétendre que l’avion présidentiel était en révision et que la rumeur d’une saisie du Mont Greboun par un des très nombreux créanciers de l’Etat nigérien ne serait qu’une pure affabulation d’esprits malfaisants. Eh bien, la preuve est désormais là que le Mont Greboun a été bel et bien saisi dans un contentieux judiciaire. Pour retourner à Mahamadou Issoufou son aéronef et le contenter – que les conditions soient draconniennes pour le Niger n’a pas d’importance - la mission conduite par Saïdou Sidibé s’est formellement déclarée d’accord que « la République du Niger renonce à toute prétention et demande de dommages et intérêts relatifs à la saisie pratiquée par AFRICARD sur l’aéronef ». Et comme pour rassurer Mahamadou Issoufou qu’il peut continuer à promouvoir une image totalement fausse de l’état du Niger, l’alinéa 3 du même article 2 de l’Accord amiable partiel précise que « AFRICARD s’engage à ne pas pratiquer de nouvelles saisies à l’encontre de l’aéronef sous condition de réception effective de réception effective de l’acompte, au plus tard…le 20 août 2016 ». Signé le 30 juillet 2016, le Niger de Mahamadou Issoufou n’avait qu’une vingtaine de jours pour s’exécuter et empêcher toute nouvelle saisie de l’avion présidentiel. Or le montant déterminé comme acompte à payer est assez corsé : 3 3000 000 euros à débourser au plus tard le 20 août 2016. Un parcours de combattant pour un pays qui ploie sous le poids de l’encours de la dette et qui a des difficultés énormes à faire face à ses dépenses de souveraineté. Aujourd’hui, la question que tous les Nigériens risquent de se poser est de savoir où est-ce l’Etat, avec un Trésor public complètement asséché, a pu dénicher en si peu de temps (l’accord a été signé le 30 juillet 2016), si jamais il a pu honorer l’engagement pris à Paris, 3 300 000 euros, soit un peu plus de 2 milliards 200 millions de FCFA ? Question d’autant plus pertinente que ces derniers jours Niamey bruit d’une rumeur persistante : le COHO aurait prêté les milliards destinés au pèlerinage à l’Etat. Cette sale affaire, démentie par le Haut commissaire au hadj et à la Oumra, Bello Garba, mais finalement confirmée par le représentant officiel de Max Air, le député Boukari Sani dit Zilly, qui a affirmé, mardi 23 août dernier, par voie de presse, que le chèque délivré à Max Air par le COHO est un chèque sans provisions. Un délit sévèrement puni par la loi. L’argent volatilisé dans les comptes du COHO aurait-il un lien quelconque avec cette sommation d’AFRICARD ? En tout cas, c’est en connaissance de cause que le député et homme d’affaire – une autre violation de la loi – a déclaré que pas moins de 3 000 pèlerins nigériens risquent de ne pas effectuer le hadj, cette année. Tout compte fait, le mensonge n’a jamais permis d’effacer le mensonge. Au contraire, il entraine dans un engrenage dont on ne sort jamais indemne.
L’Accord amiable partiel n’a servi qu’à ramener à Mahamadou Issoufou son coucou qui lui manquait tant.
L’Accord signé par Saïdou Sidibé est une véritable catastrophe pour le Niger puisqu’enfin de compte, il n’a servi qu’à mettre un terme à la saisie de l’avion présidentiel. L’article 3 indique que « Indépendamment de l’engagement pris par la République du Niger à l’article 1 du présent Accord, la République du Niger accepte en outre, irrévocablement, qu’elle ne peut invoquer à compter de ce jour, ni pour elle-même, ni pour ses biens, avoirs et actifs, en quelque lieu qu’ils se trouvent, y compris pour tous les biens susceptibles d’avoir été atteints par les mesures d’exécution pratiquées par AFRICARD avant la date de signature du présent Accord, (ci-après, les « Biens »), un droit d’immunité d’exécution ou d’insaisissabilité dans le cadre de procédures légales (qui seraient susceptibles d’inclure notamment et que la liste soit limitative, les procédures judiciaires, saisies conservatoires ou saisie à l’appui d’un jugement ou toutes autres saisies, pendante ou à venir en France et à l’étranger, et à l’étranger, et l’obtention d’un jugement, l’exécution d’un jugement ou toute autre exécution), sur le fondement de l’immunité d’exécution de l’Etat, pour toute action découlant directement ou indirectement de ses obligations au titre du présent Accord et de la sentence, sous réserve, toutefois, que rien dans les présentes ne soit interprété comme une renonciation à l’immunité d’exécution sur tout bien utilisé pour les besoins de la République du Niger à des fins diplomatiques ». Autrement dit, en deux mots, que le Niger renonce à toute immunité d’exécution, irrévocablement, par rapport à toutes saisies, antérieures ou postérieures. Ce qui maintient intactes les mesures conservatoires qui frappent plus de 22 milliards du Niger dans le cadre de la sentence arbitrale rendue le 6 décembre 2014, revêtue de l’exequatur selon ordonnance rendue par le président du Tribunal de grande instance de Paris le 26 janvier 2015, mais également toutes autres saisies ultérieures décidées par AFRICARD, par la voie de son huissier. Et pour ne rien laisser au hasard, l’alinéa 2 précise les catégories de biens concernés par cette renonciation, quelle que soit leur date d’acquisition (qu’elle soit antérieure, concomitante ou postérieure à la date de signature du présent Accord) et leurs conditions d’acquisition. Il s’agit de :
tous biens meubles et immeubles utilisés ou destinés à être utilisés à des activités civiles et/ou commerciales ;
tous biens meubles et immeubles utilisés ou destinés à être utilisés à des fins de service public commercial ;
tous biens meubles et immeubles utilisés ou destinés à être utilisés à des fins de service public non commercial, y compris les créances fiscales et sociales.
Voici le bilan catastrophique de la mission de Sidibé Saïdou et de Gandou Zakara à Paris. Non seulement l’Etat a été contraint de chercher plus de deux milliards 200 millions pour contenter AFRICARD, mais il n’a pas pu débloquer les fonds gelés par la procédure conservatoire qui couvre d’ailleurs tous biens, quelle que soit la date d’acquisition, qu’elle soit antérieure, concomitante ou postérieure. L’unique faveur consentie par AFRICARD au Niger est la mainlevée sur la saisie de l’avion présidentiel. Peut-être, est-ce là le seul point qui a motivé la mission de Paris ?