Depuis le 18 juillet dernier, le Complexe des Douanes de la Rive-Droite a été le théâtre de plusieurs soulèvements et altercations. A l'origine de ces contestations, la prise en main par le Groupe Bolloré de la gestion des magasins sous douanes, qui naguère, relevaient de l'Etat du Niger. Cependant, au courant de ces deux (2) dernières semaines, des séries de négociations ont permis de désengorger le site, et surtout de suspendre la grève du Syndicat National des Agents de Transit (SYNAT), qui a paralysé le secteur des importations durant environ un (1) mois.
« Effectivement nous enregistrons une accalmie méritée, dans la mesure où, lors de la prise en main par le Groupe Bolloré de la gestion des magasins, il y avait de la désinformation et de l'intoxication. Il faut aussi notifier qu'à l'époque, les missions qui étaient allouées à Bolloré demeuraient floues » soutient le Chef de bureau des Douanes de la Rive-Droite, l'Inspecteur principal des douanes, le Lieutenant-Colonel Oubandawaki Abou.
Il précise qu'en termes de convention, Bolloré est reconnu en tant que gestionnaire des magasins sous douanes.
En ce sens, il n'a pas la possibilité de taxer les marchandises, à plus forte raison d'imposer des droits. Ainsi, malgré les spéculations, Bolloré ne va pas se substituer aux services des douanes. Certes, de ces incompréhensions ont amené les syndicats concernés à déclencher une grève qui a duré une trentaine de jours et, toutes les activités étaient bloquées depuis les frontières. Dès lors, une véritable offensive de négociations, de mise à disposition d'informations, et de sensibilisations a été déclenchée pour amener les diverses parties à comprendre les missions réellement assignées au groupe Bolloré.
Le Chef de bureau des Douanes de la Rive-Droite a rappelé qu'avec quelques centaines de camions qui convergent chaque jour vers notre pays, et bloqués des dizaines de jours, ajoutés à cela les importateurs, les transitaires et, les chauffeurs qui se pressent, il était difficile d'éviter les différentes altercations. «Nous avons pris des dispositions pour faire face à la situation, en travaillant les weekends et les nuits, ce, sans suspension.
C'est aussi grâce aux trois (3) à quatre (4) réunions par jour avec tous les acteurs que nous avons pu relever ensemble toutes les défaillances, les anomalies, et les irrégularités. Des interventions rapides sont survenues afin de palier cette situation de crise. Bolloré a toujours été à nos côtés pour que les questions les plus épineuses puissent être étudiées ensemble, pour trouver des solutions» relève le Lieutenant- Colonel Oubandawaki Abou.
En ce qui concerne le Pont-Bascule qui demeure encore un élément de litige, il précise que les résultats fournis par le Pont Bascule de Bolloré, divergent effectivement de ceux des ponts Bascules de Lomé et de Makalondi. Les contestations persistent et certains importateurs ont d'ailleurs saisis les tribunaux. Ainsi, les reçus de Lomé et de Makalondi démontrent une nette différence d'avec les poids affichés sur les reçus de Bolloré, qui font cas d'une différence de dix (10) à onze (11) tonnes par camion. Pour certains importateurs qui ont jusqu'à cent (100) camions à peser cela représente un réel manque à gagner qui s'élève à des dizaines de millions de Francs CFA à payer. « D'après Bolloré, c'est le poids même des camions qui est faux. Car la pièce d'identité du camion, qui est la carte grise, donne des poids à vide du camion qui ne sont pas réels. Au niveau des autres ponts basculent, ce sont les essieux des camions qui sont pesés, et la procédure de pesage au niveau de Bolloré est différente. Certes, Bolloré à une certification attestant le bon fonctionnement de son pont-bascule, néanmoins le principe de partenariat aurait dû permettre d'impliquer lors de ce processus, toutes les parties prenantes que sont les représentants de la Douane Nigérienne, les syndicats des importateurs, des transporteurs et des transitaires. Cette démarche aurait permis de certifier aux yeux de tout le monde que ce pont-bascule n'a pas de problème» souligne le Chef de bureau des Douanes de la Rive-Droite. Il dit avoir soumis une doléance de contre-expertise du pont-bascule auprès de Bolloré, et cette fois avec toutes les parties prenantes, dans l'optique d'aboutir à une accalmie réelle et qui va perdurer dans le long terme. De surcroît, la législation douanière impose qu'une certification des ponts bascules soit opérée chaque année ; or la dernière certification du pont bascule de Bolloré date du 14 août 2015.
Relativement au sous-effectif des agents de Bolloré qui a été décrié par les différentes parties, le Lieutenant Colonel Oubandawaki Abou indique que pour avoir géré à trois (3) reprises des magasins sous douanes, il y a effectivement une insuffisance de main d'œuvre pour efficacement mener à bien les différentes activités du Complexe des Douanes de la Rive-Droite. Il ajoute avoir brossé la situation au ministre de tutelle et à Bolloré, qui ont promis d'y remédier. En attendant, il y a une coexistence entre les manœuvres de Bolloré et ceux de la Ville, même si cela est contraire à la convention. « Nous invitons les acteurs au dialogue pour l'accalmie et dans l'intérêt supérieur de tous. Les zizanies sont stériles. La modernisation s'impose à tous les pays du monde au regard de la mondialisation. La douane nigérienne est partie prenante de la modernisation. L'avantage que nous tirons de l'arrivée de Bolloré, c'est d'avoir le poids exact des marchandises et cela améliore nos recettes et les conditions de travail. En outre, le fait de disposer désormais de statistiques fiables, est un avantage pour le gouvernent dans le cadre des prises de décisions. Certes, il y a toujours eu de la résistance face aux chargements mais, il faut pourtant réformer, du moment où, le Code des Douanes nigérien est devant le parlement, il nous faut tout harmoniser car, certaines dispositions sont devenues caduques» a conclu l'inspecteur principal des douanes.
Pour le Secrétaire général adjoint du Syndicat National des Agents de Transit (SYNAT), M. Habibou Gado, qui se prononçait relativement à l'accalmie observée au Complexe des Douanes de la Rive-Droite, il est tout d'abord question de l'aboutissement de plusieurs échanges avec la Commission Nationale de Dialogue Social. Pour eux, Bolloré reste encore en porte à faux par rapport à la convention signée en 2014 avec l'Etat du Niger. En effet, souligne le syndicaliste, l'article 4.4.1.1 stipule que Bolloré ne serait concessionnaire des magasins sous douane de la Rive Droite que dans la mesure où le port sec de Dosso sera terminé et opérationnel. A ce niveau, il souhaite une publication officielle de cette convention étant donné qu'elle concerne tous les consommateurs.
«Malgré notre vocation de défendre nos intérêts matériels et moraux, nous avons aussi décrié la concurrence déloyale, et surtout les trois casquettes que porte Bolloré en étant transitaire, commerçant, et gestionnaire des magasins sous douanes. Notre lutte avait jadis été étiquetée de politique. Pourtant, nous avons toujours souhaité la mise en place d'un forum qui sera chargé de remédier à tous les litiges qui nous opposent» affirme M. Habibou Gado. Il ajoute que l'UDTN a été approchée par la Commission Nationale de Dialogue Social, afin que le SYNAT puisse fournir sa plate-forme revendicative.
Il a également soulevé des problèmes de formulations et de différence de poids dans l'écriture des factures et de reçus fournis par Bolloré, comparativement à celles qui sont produites au niveau des autres ponts bascules. Pour le Secrétaire général adjoint du Syndicat National des Agents de Transit, tout cela aura des incidences sur les prix des marchandises importés. A titre d'exemple, il explique qu'avant l'avènement de Bolloré, cinquante (50) tonnes de sel provenant du Sénégal donne 142.300 Francs CFA de droit de douane à l'Etat, et présentement Bolloré tire 234.000 Franc CFA de droit de douane. Et, l'impact se fera certainement sentir par les consommateurs.
«Notre combat va continuer» a réitéré M. Habibou Gado, tout en affirmant que la loi impose au Groupe Bolloré de s'en tenir aux différents ponts bascules installés par la CEDEAO et l'UEMOA dans le cadre des traités que ces institutions ont signé avec le Niger.