Dès le retour du président Issoufou de ses vacances à Dan Daji, son village natal, beaucoup d’observateurs s’attendaient, dans les premiers jours qui ont suivi, à une recomposition du gouvernement pour faire de la place au MNSD Nassara, le nouvel allié autour de la table du banquet. Les semaines s’égrènent, la liste du nouveau gouvernement tarde à tomber, l’attente se prolonge. Doit-on être surpris de cette nonchalance du président Issoufou à satisfaire le désir ardent du président Seïni Oumarou et ses camarades du parti à participer à la gestion de l’Etat, désir qui les a conduits à s’agripper à la main présidentielle aussitôt qu’il la leur a tendue le 2 août dernier, à l’occasion de célébration de la fête de l’indépendance ?
Doit-on être surpris de cette stratégie des guristes consistant à faire languir d’impatience des gens qui croient qu’on ne peut pas participer aux efforts de développement d’un pays lorsqu’on est dans l’opposition ? Pourquoi le président Issoufou s’empressera-t-il à changer un gouvernement composé de personnes qui l’ont aidé à reconquérir le pouvoir dans des conditions frauduleuses contre la volonté de per- sonnes qui l’ont combattu durant tout le processus électoral ? Pourquoi ? Pourquoi aura-t-il subitement confiance à des personnes qui n’ont jamais reconnu ses talents et ses mérites jusqu’au jour où elles ont décidé de se rallier à lui ? Toute la question est là ! En vérité, tout le problème réside à ce niveau. Certes, Issoufou a tendu la main à l’opposition, comme il a toujours eu à le faire depuis 2013 pour embarquer des opposants aux ventres mous dans sa barque. Avec invariablement les mêmes arguments, en l’occurrence les menaces sécuritaires multiformes auxquelles se trouve confronté notre pays et les efforts de développement à consentir qui nécessitent la mobilisation de tous. Pour un leader politique qualifié d’opposant historique qui a, durant toute la période qu’il faisait l’opposition, considéré l’idée d’un gouvernement d’union nationale comme une escroquerie contre le peuple, Issoufou Mahamadou, président de la République, a eu même le scrupule de soutenir qu’une opposition n’était pas indispensable dans nos Etats fragiles et sous développés. Comme on peut le constater à travers cette affirmation, sa perception de la démocratie a radicalement changé au contact du pouvoir qu’il exerce depuis 2011. Qu’est-ce qui a pu le métamorphoser si profondément à telle enseigne qu’il perde de vue l’importance d’une opposition dans une démocratie de type libéral ? Est-ce véritablement le souci de fédérer toutes les fils et fils du pays autour des causes communes où une volonté sournoise d’ériger la formation politique qui l’a porté au pouvoir le seul véritable coq dans la basse-cour ? La première fois qu’il avait tendu la main, c’était en lien avec les mena- ces sécuritaires qui quadrillent notre pays. Et son principal allié de l’époque, à savoir le président Hama Amadou du Moden Fa Lumana, était d’accord sur le principe. Le clash entre eux est intervenu à l’occasion de la mise en place du gouvernement d’union nationale et autour précisément du partage des portefeuilles ministériels. Cela a donné lieu à des dissidences ouvertes au sein des principaux partis d’opposition, où des hauts cadres ont décidé de ne pas suivre le mot d’ordre de leurs bureaux politiques nationaux. Mais les inconditionnels du régime défendent aujourd’hui encore l’argument selon lequel Hama Amadou voulait mettre le président Issoufou Mahamadou en cohabitation et c’est cela qui expliqua son départ de la mouvance présidentielle. A la lumière des élections générales de février - mars 2016, tout le monde a finalement compris le jeu. La motivation pro- fonde, c’était tout simplement de créer les conditions de fragilisation des principaux partis d’opposition pour permettre à Issoufou de rempiler dès le premier tour. Le fait de demander aux leaders de la Mouvance pour la renaissance du Niger (MRN) de ne pas se présenter aux élections présidentielles au profit de Mahamadou Issoufou et d’appeler leurs militants à voter dès le premier tour le président - candidat Issoufou ne procède-t-il pas de cette logique ? Assurément oui ! Le président de l’UDR Tabbat, Amadou Boubacar Cissé, n’a-t-il pas été victime de son refus catégorique d’obtempérer à l’injonction du camp présidentiel ? Il l’a personnellement dit dans le magazine ‘’Jeune Afrique’’ en ligne et cela lui a valu des critiques très acerbes par certains membres du pré carré du président Issoufou. Les élections sont désormais derrière nous même si leur page restera longtemps ouverte au regard des conditions lamentables dans les- quelles elles ont été organisées pour assurer ‘’la victoire’’ au président Issoufou, qui a été crédité de près de 93% des suffrages exprimés va- lables. Lorsqu’on remporte des élections avec un tel score fleuve, a-t- on encore réellement besoin de recruter d’autres nouveaux alliés dans l’opposition ? S’il n’y a pas d’intentions cachées derrière la manœuvre, nous ne voyons pas pourquoi chercher à grossir davantage les rangs de la majorité, qui compliquera le partage du gâteau. Du reste, le fait que la composition du gouvernement dite d’union nationale tarde à tomber est certainement lié à cette problématique. Faut-il mécontenter les premiers alliés pour satisfaire le nouvel allié, qui compte une vingtaine de députés à l’Assemblée nationale ? Comment procéder à un partage équitable des postes sans frustrer certains alliés en tenant compte de la taille du gouvernement qui est déjà jugé pléthorique ? Comment remercier des ministres qui ont à peine 5 mois de fonction ? Issoufou Mahamadou est confronté à cette équation difficile à résoudre. En définitive, tous ces paramètres combinés concourent à retarder la formation du nouveau gouvernement pour faire des places au MNSD Nassara.