Dans une déclaration publiée le 12 août dernier, le Syndicat autonome des magistrats du Niger (SAMAN) dit dénoncer « La tendance rampante et inquiétante à vouloir transformer les magistrats du parquet à tous les niveaux de la pyramide judiciaire en des simples agents d’exécution ». Le lendemain, samedi 13 août 2016, le bureau politique national du MNSD-Nassara se réunit pour annoncer « répondre favorablement à l’appel du Président de la République » qui lui demandait de participer à la formation d’un gouvernement d’union nationale. Comment un parti politique qui a dirigé le pays pendant plus de 10 ans peut-il se permettre de s’associer à un régime qui menace l’indépendance de l’institution judiciaire proclamée par la loi fondamentale ? Voilà la question qui intrigue Le Monde d’Aujourd’hui …
« L’intérêt général » ! C’est le leitmotiv mis en avant par la direction du MNSD-Nassara pour justifier, expliquer, excuser sa décision de rallier le camp présidentiel. Peut-on parler d’intérêt général lorsque la justice, rempart contre l’abus et l’arbitraire est menacée dans son caractère vital à savoir son indépendance ?
Tout le monde sait que le président Issoufou trône au sommet du Niger de par des élections que l’opposition – dont fait partie le MNSD jusqu’à preuve du contraire – a qualifiées de tous les noms d’oiseaux pour leur manque de transparence, d’équité et de démocratie. Aujourd’hui, c’est à un régime issu de telles élections que ce parti politique décide de s’arrimer.
C’est un secret de polichinelle, le Niger est en carence de ressources financières. Pour débloquer une dizaine de millions au Trésor national, c’est un véritable combat des jeux olympiques. Voilà qui doit ralentir les ardeurs de ceux qui pensent que le MNSD-Nassara voudrait se mettre au « vert » avant les prochaines élections générales de 2021. Cet argument, donc, même s’il est plausible, n’est pas la raison ultime de ce choix.
L’administration publique travaille au ralenti. Le front social s’embrase au fur et à mesure. Tantôt ce sont les opérateurs économiques qui s’insurgent contre Bolloré, tantôt les contractuels qui sont outrés par le transfert de la gestion de leur carrière aux municipalités dont même la plus importante, à savoir, la Ville de Niamey, peine à payer ses propres employés. Les agents de la Ville de Niamey totalisent près de trois mois d’arriérés de salaire. Et s’il faut ajouter aux charges des 266 communes du Niger, les quelques 5 milliards FCFA que coûte la paie des contractuels de l’éducation chaque mois sur le budget national, les problèmes risquent de s’empirer.
Les médecins spécialistes eux sont en grève depuis plus de 2 ans. Bref, aucun secteur important de notre pays n’est épargné par la décadence nationale dans laquelle la Renaissance du président Issoufou plonge le Niger depuis plus de 5 ans maintenant. Alors, pourquoi le MNSD-Nassara accepte-t-il de s’associer à la raison du mal-vivre quasi généralisé dont souffrent les Nigériens ?
A moins que la promesse d’un passage de témoin ne soit mise dans la balance des négociations, il est difficile de trouver une logique à ce choix périlleux. Un passage de témoin ? Oui ! On se rappelle qu’au temps de « l’amitié » Tandja – Issoufou, le premier étant président de la République et le second chef de file de l’opposition, le bruit a beaucoup couru que Tandja voulait faire de Issoufou son successeur à la tête de l’Etat. Cette hypothèse est maintenue jusqu’à la décision du président Tandja de prolonger son dernier mandat constitutionnel. Aujourd’hui, l’on sait que nombre d’observateurs soutiennent que le parti au pouvoir PNDS-Tarayya ne survivra pas à l’après deuxième mandat du président Issoufou. Les rancœurs, les frustrations, les ‘’guerres’’ de clans jusque-là étouffées par Issoufou Mahamadou éclateront au grand jour aux prochaines joutes électorales, avance-t-on. Ce qui pourrait peut-être inspirer le chef de l’Etat à songer au MNSD-Nassara pour assurer la relève avec à la clef des « garanties » d’une immunité officieuse pour le sortant et ses proches relativement à tous les crimes qui auraient été commis sous les deux mandats. Cela peut se comprendre dans la dynamique d’ôter toute chance à la bête noire de Mahamadou Issoufou et ses proches, en l’occurrence Hama Amadou, d’accéder au pouvoir. Mais qui a dit que le président Issoufou voudra s’arrêter au bout de ses deux mandats ? C’est vrai qu’il l’a promis mais Tandja Mamadou n’avait-il pas dit « la table est desservie, il faut partir» avant de faire volte-face ?