Inauguré le 12 novembre 2014 par le Président Issoufou Mahamadou, le Marché Central de Maradi, décrit à l’époque comme un « joyau architectural » et « poumon de l’économie régionale et nationale » est aujourd’hui, désespérément vide. Sur les 1400 boutiques, à peine une cinquantaine d’entre elles sont occupées. Presque deux ans après, cette infrastructure qui devrait pourtant contribuer à renflouer les caisses de la municipalité, est une machine totalement à l’arrêt. Pire, « le joyau » est en train de se dégrader et se transforme peu à peu en aire de repos pour SDF errants et en raccourci pour … motocyclistes !
Bras de fer entre « petits » et « grands » commerçants
Pour rappel, le marché central de Maradi a été démoli en 2010, sur proposition des commerçants eux-mêmes, pour à la place, construire une nouvelle infrastructure répondant aux ambitions économiques de la ville. Deux laborieuses années ont été nécessaires pour mettre en place l’ingénierie financière capable de mobiliser les fonds nécessaires à sa reconstruction. Deux autres années ont été utilisées pour ériger sur 7 ha une « mégastructure commerciale » inaugurée en grande pompe par le Président Issoufou Mahamadou un mercredi 12 septembre 2014. Au dernier décompte, ce marché aura couté la bagatelle de plus de 7 milliards de FCFA, financés par l’Etat du Niger, la Banque Mondiale, la Ville de Maradi et la BISIC.
Mais depuis cette inauguration, les « petits commerçants » refusent obstinément de l’occuper. Au début, ils trouvaient les frais de location des boutiques exagérément élevés (de 40 000F à 50 000F) par rapport à ceux pratiqués au Grand Marché de Niamey qu’ils citent en exemple (10 000F). Les actionnaires de la SOGEMMI (Société de gestion du marché de Maradi), pour l’essentiel constitué des « grands commerçants », leur brandissaient l’argument bancaire. Il fallait, disaient-ils, payer les prêts de la BSISC. Mais les « petits commerçants » conscients de leur force et soutenus ouvertement par la Société Civile locale et des politiciens, ont continué à exiger des « prix raisonnables ». Devant l’entêtement des actionnaires de la SOGEMMI, certains à Maradi n’ont pas hésité à les soupçonner de tenter une « OPA hostile » sur le marché.
Après plusieurs rounds de négociation, la situation a relativement évolué, pourrait-on dire. La SOGEMMI a accepté de revoir ses prix. Désormais les boutiques internes seront louées entre 15 000F et 22 500F et les boutiques externes à 30 000F et plus. Les maradawas pensaient alors définitivement enterré, ce bras de fer fratricide qui a duré deux ans. Mais c’est mal connaitre les protagonistes. Ils donnent l’impression de s’être entendus, mais en réalité, le problème reste entier. Les commerçants n’ont toujours pas intégré le marché et aucun mouvement ne montre que cela se passera dans une brève échéance.
« Bourbier politico-économique … ? »
« Selon toute vraisemblance, nous sommes face d’une autre forme de « scandale économique », où l’économie de la ville de Maradi est prise en otage par deux « cartels », celui des actionnaires de la SOGEMMI et celui des petits commerçants ; Le tout sur fond de manipulations politiques », s’indigne un observateur local. En effet, la rumeur dit que certains hommes politiques continuent d’encourager les petits commerçants à bouder le marché central, malgré les « compromis ». Pendant ce temps, que de pertes sèches pour les caisses de la Mairie, que des centaines d’emplois sacrifiés, que des milliers d’autres opportunités économiques gâchées !
Le 12 septembre prochain, cela fait donc deux ans que les 7 milliards de FCFA, injectés dans l’affaire, continuent de ressembler à de l’argent jeté par la fenêtre. Sous d’autres cieux, la population allait se révolter et crier scandale. Mais les maradawas continuent de les observer. Parce que, à tors ou à raison, ils continuent de croire que cette affaire de marché central est purement politique. Ils s’en tirent tous avec cette phrase laconique : « C’est entre eux les commerçants … !».
Même son de cloche du côté des officiels. « Ce n’est plus notre affaire ! », disent-ils en cœur, histoire de laver leurs mains de ce « bourbier politico-économique ».
En effet, le marché central de Maradi a déjà fait une victime de taille : Kassoum Moctar, débarqué en plein midi de son « perchoir » de Président du Conseil de Ville, accusé d’avoir manœuvré pour que la gestion de cet outil revienne à la municipalité et non aux commerçants. Depuis cet incident retentissant, aucun homme politique, tant à Maradi qu’à Niamey, n’ose regarder du côté de ce dossier, de peur de subir les courroux des commerçants de Maradi dont l’une des spécialités, est de comploter pour qu’on dégage tout celui qui lorgne dans leurs « affaires ».
Aujourd’hui devant le statut quo qui perdure, beaucoup de voix s’élèvent pour réclamer une « intervention musclée » des pouvoirs publics, pour redonner au marché central de Maradi son rôle de poumon de la capitale économique du Niger.