Cette semaine, le Hérisson reçoit le Coordonnateur du RODADDHD, Laoual Sayabou. Avec lui, nous avons abordé plusieurs questions touchant à la vie de la nation, la gouvernance actuelle du pays, la grogne sociale dans les secteurs sociaux de base notamment l’éducation et la santé, la lutte contre la corruption, la sécurité et les menaces terroristes et l’avenir de la société civile nigérienne.
Bonjour Mr Laoual sayabou. Membre de la Société Civile Nigérienne, Coordonnateur du Réseau des Organisations de Développement et des Associations de Défense de Droit de l’Homme et de la Démocratie (RODADDHD), vous êtes actuellement expert en Droits Humains pour l’UA au Burundi.
Je rappelle également, que, leader estudiantin des années 1990, vous avez été un des grands acteurs des mouvements historiques de qui ont conduit à la tenue de la Conférence Nationale Souveraine à laquelle vous avez activement participé. Récemment, sous la première mandature de Mahamadou Issoufou, vous étiez Conseiller au Haut-commissariat à la Restauration de la Paix. Et puis, vous étiez au Mali et en RCA. C’est là un résumé succinct d’un parcours riche d’expériences. On peut donc dire valablement que vous êtes un parfait connaisseur de l’évolution socio politique et économique du Niger.
Le Hérisson : Quelle est votre appréciation générale de la gouvernance actuelle du Niger ?
Laoual Sayabou : la gouvernance est malade. Elle souffre des deux maux : le manque de fermeté et l’incohérence. Depuis la mise en place du premier gouvernement de la deuxième mandature du Président, j’ai bien attiré l’attention du Président sur l’architecture du gouvernement, sa taille et ses objectifs. Oui, je l’ai fait comme d’habitude par facebook. Et ensuite, le président n’est pas tenu de se plier au diktat d’une coalition du moment où il détient son suffrage du peuple et que c’est son dernier mandat. Voilà un président libre pour agir qui s’engouffre dans le partage des postes et en crée pour satisfaire des politiciens. Je le dis haut et fort, qu’il a les mains libres pour agir et restituer à l’Etat sa dignité, mettre les nigériens au travail, arrêter toutes sortes de recréation au niveau de l’Etat. Je l’avais cru quand il annonçât l’opération « maiboulala », mais hélas, son manque de fermeté et son humanisme béant l’aurait certainement bloqué !
Venons-en à la deuxième entrave. Comment peut-on raisonnablement justifier un gouvernement de 43 membres face un trésor public en récession financière dans un pays le plus pauvre du monde. Quand le gouvernement est nommé, mes collègues du bureau à Bujumbura ont tous crié « c’est quoi Laoual, c’est çà le socialisme, le partage des postes » ? Cette incohérence freine toutes initiatives en faveur du développement. A ce niveau, je pense qu’il faut revoir la taille du gouvernement et s’attaquer au train de vie de l’Etat. Nous n’avions point besoin des injonctions extérieures pour nous ajuster, il faut impérativement mettre en place des mesures d’austérité et aussi de les discuter avec les partenaires sociaux.
En ce début du 2ème mandat du Président de la République, Mahamadou Issoufou, on assiste à une grogne sociale avec des grèves perlées dans les secteurs sociaux de base, notamment l’éducation et la santé. Selon vous qu’est–ce qui explique cette levée de boucliers ?
Oui, les grèves sont la suite logique de la mal gouvernance. Il faut tout simplement changer de paradigme de gouvernance. Lever le voile sur certaines démarches officielles et discuter ouvertement avec les partenaires sociaux. Sceller des accords raisonnables, tenables sans langue de bois.
Aujourd’hui, de nombreux indicateurs économiques de performance sont au rouge. Du reste, même les autorités affirment que les caisses de l’Etat sont vides. Comment principale raison de la déliquescence des finances publiques, les gouvernants évoquent la chute des cours des matières premières. Selon vous, cette raison à elle seule peut expliquer la situation de trésorerie difficile ? Si non sur quoi par exemple peut-on jouer pour redresser la barre de l’économie nigérienne ?
La situation de trésorerie, certes traduit le malaise financier au niveau de la zone CEDEAO mais aussi l’impact de la gestion de l’aide par l’ex- ministre d’Etat du plan qui se trouve aujourd’hui conseiller du président de la Centrafrique. Ce Mr a semé du désordre et a désaxé l’économie et les finances du Niger, mais comme je l’ai souligné plus haut, la tolérance extraordinaire du Président Issoufou laisse passer tout ! Aussi, notons le comportement peu orthodoxe de nos régis financières et surtout la corruption et la concussion qui font perdre au Niger plus de 35% de recettes domestiques.
Pour redresser la barre, il faut changer de paradigme de gouvernance basée sur la transparence, la redevabilité et la réédition des comptes. L’Etat c’est le citoyen, il faut combattre l’incivisme fiscal, chaque citoyen doit impérativement payer son impôt et c’est ce qui lui conféra des Droits. La société civile doit aider à éveiller les consciences à construire la citoyenneté qui est le socle de la démocratie et de l’Etat de droit.
Ces derniers temps, le Niger a subi de nombreuses attaques attribuées à l’activisme des groupes terroristes au Sahel. Malgré les dispositions prises par le gouvernement au plan militaire, la menace persiste. Que doit faire de plus le Niger et au-delà les pays de la sous-région, pour atténuer voir éradiquer les risques d’attaques terroristes ?
Merci, la sécurité fait partie des priorités du gouvernement. Je salue cette priorisation, cependant, il fallait l’orienter vers la citoyenneté. Dans une république, les citoyens doivent impérativement avoir les reflexes sécuritaires. Mettre en place des comités mixes de sécurité dans tous nos village avec à l’appui une campagne de sensibilisation permanente afin de dénicher l’extrémisme et la radicalisation religieux. La sécurité ne saurait être le monopole des armées, il faut un alliage stratégique et opérationnel entre les civils et les militaires et surtout dans les renseignements.
Le dimanche 4 décembre 2016, plusieurs organisations de la société civile nigérienne ont décidé de la création d’un large front pour combattre ce qu’elles ont appelé les « dérives du régime ». Ce n’est pas la première fois qu’on assiste à la création d’un mouvement de ce genre mais qui n’ont malheureusement pas abouti. On constatera d’ailleurs que depuis la marche historique du 15 mars 2005, la grande famille de la société civile nigérienne est divisée à l’interne. On parle de société civile proche du pouvoir et société civile proche de l’opposition. Que faut-il faire pour réaliser l’union de toute la société civile nigérienne ? Autrement dit, comment peut-elle retrouvée sa crédibilité si durement entachée au sein de l’opinion ?
Je pense que c’est simple ! Il faut poser citoyennement le problème sans considération politique ou partisane et sans passion. Moi, je suis de la famille de gauche ! Cependant, je me donne ma liberté citoyenne de dire que ça ne va pas !!! Et donc, je formule des propositions pour avancer. Le tout c’est le Niger qui nous intéresse, alors travaillons dans nos diversités pour faire avancer le navire Niger à un bon port. Je pense que nos amis d’en face seront sensibles aux critiques positives et accepterons de changer de paradigme. Abandonner la logique du partage et s’inscrire dans l’amitié avec le peuple.
Nous sommes dans une démarche scientifique et de dialogue. Notre peuple est fatigué des épreuves de force et ridicules ! Construisons et disons-nous la vérité en face. Oui, je sais que les faucons ne vont pas désarmer, ils trouveront des formules charlatanesques et sataniques à toujours dérouter le Président de la République.
Je lance un appel à la société civile à se mobiliser pour que l’Etat réoriente sa stratégie vers la satisfaction des besoins sociaux de base. Ne touchez pas aux acquis du peuple.