YAOUNDE -- Le haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), Filippo Grandi, a plaidé vendredi à Yaoundé pour un soutien accru de la communauté internationale en faveur du Nigeria, du Cameroun, du Niger et du Tchad, en vue de les aider à surmonter la crise sécuritaire et humanitaire due à Boko Haram dans le bassin du lac Tchad, leur région commune.
M. Grandi, ex-commissaire général de l'Office de l'ONU pour les réfugiés de Palestine, de nationalité italienne, effectuait au Cameroun la troisième et avant-dernière étape d'une visite dans cette région entamée le 9 décembre par le Niger et poursuivie au Tchad deux jours après, avant de mettre le cap pour la clôture samedi au Nigeria.
Ce périple est le premier depuis son entrée en fonction début janvier, en remplacement du Portugais Antonio Guteres, qui s'apprête quant à lui à remplacer le Sud-coréen Ban Ki-moon à la tête de l'ONU en janvier.
"Le point d'attention de ce voyage est le déplacement de populations causé par la situation de Boko Haram au Nigeria et dans les trois pays voisins", a-t-il expliqué.
"Cette crise, a-t-il ajouté, a surgi dans un vide de développement. Donc, il faut que la réponse à cette crise soit sécuritaire, mais elle doit également inclure un élément du développement essentiel, dans le domaine de l'environnement et du soutien aux institutions".
Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) tente de mobiliser l'aide de la communauté internationale pour permettre de relever ce défi crucial.
C'est l'objectif recherché par le "plan de réponse régionale 2017 pour les réfugiés nigérians", lancé vendredi à Yaoundé, en présence du ministre camerounais de l'Administration territoriale et de la Décentralisation, René Emmanuel Sadi.
Il s'agit d'un programme destiné à fournir l'assistance humanitaire dans les trois pays voisins du Nigeria dans le bassin du lac Tchad, touchés par les exactions de Boko Haram. Ses besoins de financement sont estimés à 241,2 millions de dollars.
Une population totale de 457.833 personnes est ciblée, comprenant 183.226 réfugiés nigérians et le reste étant des déplacés internes.
Environ la moitié de ces réfugiés est recensée au Cameroun, dont près de 60.000 dans le camp de Minawao dans la région de l'Extrême-Nord visité jeudi par la délégation de Filippo Grandi composée en outre de Toby Lanzer, coordonnateur humanitaire régional de l'ONU pour le Sahel, et de Liz Ahua, représentante régionale du HCR pour l'Afrique centrale et de l'Ouest.
Le Niger totalise aussi près de 85.000 réfugiés et le Tchad, 8.000. "Cet effort [d'accueil] doit être soutenu", a plaidé M. Grandi dans un appel à la solidarité internationale où il a aussi exhorté à "faire plus pour les déplacés internes et les populations locales".
Au total, quelque 340.000 personnes en besoin d'assistance humanitaire, dont environ 184.000 déplacés internes, sont prises en compte par le nouveau plan du HCR.
Un chiffre de 320.633 dont près de 200.000 déplacés internes est annoncé au Cameroun, contre 102.980 dont 82.260 déplacés internes au Tchad.
"Tous ces pays accueillent depuis de nombreuses années des ressortissants de pays voisins, qui sont toujours malheureusement dans l'instabilité, a-t-il rappelé citant en outre la présence de réfugiés maliens au Niger, soudanais et centrafricains au Tchad puis centrafricains au Cameroun.
Le Niger devra recevoir plus de la moitié des financements, à hauteur de 154,29 millions de dollars, contre 67,25 millions pour le Cameroun et 19,61 millions pour le Tchad.
L'appel de fonds se chiffrait à 198 millions de dollars pour 2016 et le taux de financement aujourd'hui déclaré est de 43%, dont 20% pour le Tchad, 31% pour le Cameroun et 39% pour le Niger, une énorme baisse par rapport à 2015 où ce taux avait été respectivement de 42%, 41% et 60%.
Le nombre de partenaires est toutefois en augmentation constante, passant de 23 en 2015 à 28 en 2016 et 36 en 2017.
Le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés a appelé à "accélérer les efforts de soutien" pour aider à réduire l'impact de la crise. Le concours de la Banque mondiale, de la Banque africaine de développement (BAD) et d'autres institutions financières internationales est surtout sollicité.
L'éducation, selon lui, doit être privilégiée pour les actions envisagées, d'où une réflexion annoncée au sujet de "la possibilité de lancer une initiative régionale à l'éducation des enfants, bastion futur d'un cycle de reprise de l'insécurité".
Le coordonnateur humanitaire régional de l'ONU pour le Sahel, Toby Lanzer, lui, a estimé qu'un "engament politique plus fort" est nécessaire pour favoriser la croissance économique et la création d'emplois dans les trois pays affectés par la menace de Boko Haram.
"Les enjeux de la situation qui se passe aujourd'hui dans le lac Tchad sont énormes en particulier pour l'Europe", débordée par une émigration africaine clandestine incontrôlable, a-t-il averti.
Car, a-t-il souligné, cette région est marquée par "la convergence d'une pauvreté aiguë, d'une violence extrême, d'un changement climatique qui frappe de plus en plus (et) une croissance démographique très importante".
"Certaines parties du bassin du lac Tchad deviennent des zones d'exclusion militarisées, l'accès est limité", y compris pour les organisations humanitaires, a renchéri Liz Ahua, la représentante régionale du HCR en Afrique centrale et de l'Ouest.
"La réponse humanitaire doit rapidement s'améliorer (...) avant que la crise devienne plus dangereuse", a alors préconisé Andrew Pugh, représentant de l'International Rescue Committe au Cameroun, un forum d'ONG.
Au Cameroun, les autorités annoncent avoir consacré une enveloppe de 4 milliards de francs CFA (environ 8 millions de dollars) pour la mise en œuvre dans l'Extrême-Nord d'un programme infrastructurel d'urgence traduit par la construction de salles de classe et de centres de santé, avec le renforcement des personnels enseignants et des équipes médicales.
Une dotation de 10 milliards (20 millions de dollars) est également allouée pour la gestion des situations d'urgence incluant l'encadrement et le soutien aux réfugiés, lesquels seront autorisés dès janvier 2017 à recevoir des soins de santé dans les formations sanitaires nationales, a par ailleurs indiqué le ministre de l'Administration territoriale et de la Décentralisation.