Le père David Gnadouwa est insistant, alarmiste même, au téléphone : « Sylvia n’est pas arrivée, elle est morte. On l’a repêchée au large de Lampedusa. » Assis dans la pénombre du presbytère catholique de Sfax, grosse ville marchande du littoral oriental de Tunisie, le prêtre issu de la Société des missionnaires d’Afrique (pères blancs) tente de dissuader son interlocuteur au bout du fil, un jeune Camerounais, de rejoindre l’Europe via la Libye.
Alors, il lui rappelle le sort dramatique de Sylvia. L’Ivoirienne avait quitté Sfax trois mois plus tôt, des rêves d’Europe plein la tête. Grâce à des passeurs, elle avait pu s’introduire en Libye, d’où elle a embarqué sur un esquif précaire. Pour ne jamais atteindre Lampedusa, île au large de la Sicile, la porte de l’Europe pour les migrants arrivant de Libye. « L’Europe n’est pas ce que vous croyez ! Si vous avez un peu d’argent, investissez-le plutôt au pays », conseille le père David, originaire du Togo, à son interlocuteur.