La barque Kishin Kassa, le tout jeune parti lancé par Ibrahim Yacoubou après son exclusion tonitruante des rangs du PNDS Tarayya à la veille des élections générales de février-mars 2016, commence déjà à prendre l’eau de toutes parts. Il vient aussi d’être atteint par le syndrome de la division, ce virus communément appelé dissidence, qui fragilise gravement les partis qu’il infecte.
Le phénomène est apparu au cours de la décennie 2000, mais il a surtout pris de l’ampleur sous la 7e République, avec l’avènement du président Issoufou Mahamadou au pouvoir à partir de 2011. Lorsqu’on scrute le passé, un seul cas emblématique de dissidence, qui a donné lieu à un long feuilleton judiciaire, vient à l’esprit : celle du parti Sawaba qui a finalement débouché sur la création d’un nouveau parti par l’aile qui a perdu la bataille judiciaire.
Mais depuis que le PNDS Tarayya a accédé au pouvoir, le nombre de partis touchés par le phénomène ne fait qu’augmenter. Et tout laisse croire que cette tendance va se poursuivre, la dissidence interne étant devenue le mode de règlement par excellence des contradictions internes qui apparaissent au sein des formations politiques. Concernant les partis d’opposition ayant vécu l’épreuve, il est aujourd’hui un truisme de dire que le PNDS a joué un rôle moteur dans les dissidences qu’ils ont connues.
Le cas du CDS Rahama, qui a donné aussi lieu à un long feuilleton judicaire entre le camp du président Mahamane Ousmane et celui du chef de fil de la dissidence Abdou Labo, illustre éloquemment cette triste vérité. L’épilogue de l’histoire : le parti a finalement été arraché à Ousmane pour être confié au dissident Labo et ses partisans, qui ont décidé en 2011 de soutenir le président Issoufou Mahamadou, contre la volonté du bureau politique national.
Aujourd’hui ce grand parti d’antan n’est plus que l’ombre de lui-même sur l’échiquier politique ; il s’est progressivement effrité avec le départ de certains camarades de lutte de Labo et des nombreux militants restés fidèles au camp du président Ousmane. Le cas de Moden Fa Lumana de Hama Amadou est également illustratif du projet de «concassage des partis d’opposition» pour emprunter l’expression du président Mahamane Ousmane mis en œuvre par le président Issoufou et son parti en prélude aux élections de 2016.
Sauf que dans ce dernier cas, les dissidents à la tête de qui se trouvait Ladan Tchiana n’étaient pas parvenus à leurs fins, à savoir arracher le parti au président Hama Amadou. Et Dieu seul sait qu’ils avaient pourtant tenté en initiant notamment quelques actions en justice, mais ils ont vite abandonné la bataille sachant certainement qu’elle était perdue d’avance. Tous ces deux cas de dissidences ouvertes sont intervenus au sein de partis d’opposition.
L’on dira probablement que c’est de bonne guerre, la prudence et la stratégie en matière politique commandent qu’un parti au pouvoir protège ses arrières contre d’éventuelles surprises désagréables, en cherchant notamment à fragiliser le camp de l’opposition pour se renforcer. Aujourd’hui, les élections générales de 2016 en prélude desquelles la cohésion au sein des principaux partis d’opposition a été mise à rude épreuve sont loin derrière nous.
Et c’est curieusement aujourd’hui que Kishin Kassa, un parti de la mouvance présidentielle, se trouve confronté à une velléité de dissidence conduite par des notables de son bureau politique national. Pour essayer de sauver les meubles, les membres dudit bureau politique, fidèles au président Ibrahim Yacoubou, se sont précipitamment réunis la semaine dernière à Niamey, pour prononcer l’exclusion pure et simple du parti des têtes de pont de la dissidence.
L’argument avancé par ces derniers se résume essentiellement à la gestion patrimoniale du parti par son président, qui ne consulterait plus le bureau pour prendre des décisions engageant leur structure. Aussi, ont-ils entrepris de mettre en place un comité de redressement pour rectifier le tir afin d’éviter, soutiennent-ils, le naufrage de la barque. Cette démarche isolée a été perçue comme un acte d’indiscipline vis-à-vis des textes du parti, susceptible de mettre à mal la cohésion au sein Kishin Kassa.
La première vague d’exclusion a concerné 13 membres et non des moindres, car ayant du monde derrière eux. Parmi ceux-ci figure l’opérateur économique Sani Atiya, par ailleurs député national, qui a pignon sur rue dans la région de Maradi. Nombre d’autres parmi les exclus sont aussi influents dans leurs régions respectives pour mettre en sérieuse difficulté le parti de Yacoubou par rapport à la mobilisation des militants. Décision surprenante, les dissidents ont indiqué attendre la notification écrite de leur exclusion du parti et se sont engagés à ne pas entreprendre une quelconque action judiciaire contre la lourde sanction qui leur a été infligée.
Pourquoi cette option sans tiraillement ? Au sein de l’opinion, l’on pense qu’ils ont probablement un projet en tête pour faire très mal au parti, lequel projet sera actionné une fois qu’on leur aura notifié par écrit l’exclusion du parti. Ou bien ils cherchent un nouveau point de chute avec armes et bagages ou ils lancent une nouvelle formation politique, contrôlant les fiefs où le parti est bien positionné en termes de bases populaires comme Maradi et Dosso. Pour sûr, le parti Kishin Kassa est désormais dans la tourmente, à travers l’exclusion de ses 13 cadres.
D’aucuns pensent que c’est encore une manœuvre souterraine du PNDS visant à casser définitivement les ambitions du principal leader de Kishin Kassa, accusé à tort ou à raison certains milieux politiques de vouloir monter rapidement sur la première marche du podium.
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