Vous l’aurez remarqué, le mot qui revient le plus ces derniers temps dans les colonnes de notre confrère L’Evénement est l’adjectif « funeste ». « Funeste Renaissance », « funeste régime du Guri », etc. Funeste signifiant « qui apporte le malheur », on imagine très élevé le niveau de désenchantement, de spleen et de déception des animateurs de L’Evénement, journal brusquement passé d’encenseur à pourfendeur n°1. De la position de chantre de la Renaissance, L’Evénement a soudainement rejoint le camp de tous ceux qui, sous des bannières politiques, des oripeaux de la société civile, ou au micro de « medias de la haine », appellent les malheurs à pleuvoir abondamment sur leur pays. Peu importe s’ils n’en survivront pas eux-mêmes…
Si le bihebdomadaire n’a aucun mal à virer à moult degrés et à renier aujourd’hui tout ce qu’il adorait hier, les lecteurs non avertis eux, ont du mal à comprendre.
Au Niger, le public des medias n’a pas pour habitude de demander des comptes à ceux-ci, ni même à s’interroger sur leurs comportements, et surtout leurs écarts. Mais là où les sociologues des medias restent pantois et cherchent des explications dans la déontologie, les raisons sont souvent plus triviales, bien loin de la morale professionnelle qui autorise un media à changer radicalement de ligne s’il change de propriétaire ou si le système pour lequel il se bat dévie.
De 2013 à la fin du premier mandat du Président Issoufou, quelques journaux privés qui en avaient fait la demande ont reçu des appuis de milieux proches du pouvoir. Tout le monde le sait et des medias l’ont dit et dénoncé. Ce que l’on sait moins, c’est que L’Evénement recevait plus que les autres…
En avril 2016, débute le second mandat, entraînant une remise à plat du système, notamment la collaboration avec les medias privés qui devrait se fonder uniquement sur leur engagement. C’est donc la fin du versement des subsides, et c’est tout le problème de L’Evénement qui, on l’a souligné, en était le principal bénéficiaire. En résumé, dans son revirement, le journal n’est mû que par des intérêts bassement matériels, la perte de subsides. Lui qui aime tant parler de « soupe rose » n’est en colère que pour en avoir perdu une tasse !
Voilà la raison pour laquelle depuis quelques temps, L’Evénement s’acharne contre le Président Issoufou Mahamadou et le parti PNDS Tarayya, et s’échine à peindre le Niger actuel en noir, avec des perspectives encore plus noires. Leur tort est d’avoir quelque peu noirci, assombri les perspectives de L’Evénement, en disant non au mercenariat journalistique et aux sangsues tapies dans la presse. En mettant fin au chantage d’un media dit indépendant, mais dont chacun sait qu’il est vendu au plus offrant. A L’Evénement, la morale n’est guère considérée.
Mais les temps changent. Et L’Evénement doit enfin se faire une raison et choisir de vivre décemment : en respectant ses lecteurs d’abord (à qui il tente de faire croire une chose quand les subsides tombent et son contraire quand ils ne tombent pas), les Nigériens ensuite, qualifiés de « bêtes sauvages » dans un numéro récent, alors qu’une autre livraison du même journal saluait il y a peu leur sursaut patriotique lorsqu’ils ont renouvelé leur confiance à Issoufou Mahamadou.