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Dans l’est du Niger, un programme d’amnistie qui divise
Publié le vendredi 10 fevrier 2017   |  Libération


Visite
© AFP par ISSOUF SANOGO
Visite du Ministre de l`Intérieur Mohamed Bazoum dans un camp de populations déplacées près de Diffa
Ministre de l`Intérieur du Niger Mohamed Bazoum a visité un camp pour les populations déplacées près de Diffa le 16 Juin 2016 suite à des attaques par des combattants de Boko Haram dans la région .


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Les habitants de la ville de Goudoumaria, qui va accueillir un camp de déserteurs, sont partagés sur cette initiative gouvernementale. Le 4 × 4 accélère et vole sur le sable fin. Dans un rugissement de moteur, il bondit en haut de la dune et plonge dans une cuvette, pour s’arrêter sur une portion de sol plus dur. Ibrahim Hassan, le préfet de Goudoumaria (dans l’est du Niger) s’extirpe de la place passager. Il désigne quelques toits de tôle neufs : «Voilà, on se trouve sur le site réservé à accueillir les repentis de Boko Haram.» Au milieu, une borne-fontaine abrite une colonie de scarabées attirés par l’ombre et l’humidité.

Initialement, le site devait accueillir des déplacés, mais personne n’est jamais venu. Trop éloigné de l’épicentre de la crise. Précisément l’une des raisons pour lesquelles il a été retenu pour les repentis. Il esquisse du bras les contours du futur camp : «Le gouvernement va d’abord mettre les moyens pour une clôture, puis un poste pour les forces de défense et de sécurité. Les hangars en tôle vont être transformés en logements. Nous avons un forage à côté.» Il a tout en tête. «On va leur faire une rééducation, leur apprendre des métiers et ils vont être instruits - parce que la religion qu’ils pratiquent n’est pas celle que nous connaissons. Ensuite, ils seront réinsérés.»

«Egarés.»

En juillet 2016, le Niger, le Tchad et le Nigeria ont lancé des opérations de ratissage contre les fiefs de Boko Haram. Désormais, selon le ministre de l’Intérieur, Mohamed Bazoum, les combattants de Boko Haram «sont totalement en déperdition». Le 28 décembre, il s’est déplacé dans la zone pour annoncer le lancement du programme d’amnistie. Pas de doute : «Nous aurons des ralliements très importants.»

Quatre-vingts personnes ont saisi l’opportunité. Elles sont logées dans trois maisons étroitement gardées, à Diffa. Le temps que le camp de Goudoumaria émerge des dunes. Chez ces repentis, le jeune gouverneur de Diffa, Dan Dano Mahamadou Laouali voit «des Nigériens égarés. Je crois qu’il n’y a pas d’autre chemin [vers la paix], on ne peut pas tuer tout le monde».

Les redditions «font mal» aux insurgés, dit-il. Elles permettent aussi de glaner des informations sur les complicités dont bénéficie Boko Haram pour s’approvisionner et écouler le fruit de ses rapines. Combien participeront à ce programme d’amnistie ? «On mise sur beaucoup : 500, 1 000», espère le gouverneur. «Ils veulent venir. Il y en a beaucoup qui m’appellent. Je ne sais pas comment ils ont eu mon contact. Je leur dis : "Venez".» Mais l’équation n’est pas simple et il le sait. La région de Diffa abrite plus de 200 000 déplacés qui ont fui les exactions de Boko Haram. Comment accepter le retour des agresseurs d’hier ? Le gouverneur a approché dans un premier temps «les chefs religieux et coutumiers», pour les sonder. Selon lui, «pratiquement tout le monde a adhéré à l’idée». Des comités ont été créés pour sensibiliser les populations. «S’ils décident de revenir, on doit pardonner, on n’a pas le choix», estime le gouverneur qui souligne que les déplacés attendent le retour de la paix pour rentrer et reprendre leurs activités.

Dans la région, les habitants sont partagés. Fanta, une réfugiée dont le fils a été tué, ne sait «pas vraiment quoi penser de cela. Je crois que je suis bien obligée de pardonner, car je ne suis pas la seule à avoir perdu un enfant». Mady Adji Gana, acteur de la société civile de Diffa, comprend la nécessité d’une «réconciliation». Mais il glisse qu’il est «difficile pour la population de digérer ça». Beaucoup doutent de la sincérité du repentir. «Il faut une cure totale avant la réinsertion», s’inquiète Fantami, un commerçant de Diffa. Hadja Magaram Tchiroma, qui vend des piments à Goudoumaria, ne cache pas qu’elle a «peur de ces criminels qui ont détruit et tué leurs propres pères et mères». Elle préférerait que le camp soit ailleurs. Un sentiment murmuré dans la commune, selon le journaliste local Mahamadou Mado. Les habitants craignent «qu’on amène le problème ici».

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