ONG et pays donateurs se retrouvent jeudi et vendredi à Oslo pour lever une aide humanitaire d’urgence aux millions de personnes menacées par la famine dans le nord-est du Nigeria où sévit le groupe jihadiste Boko Haram.
L’objectif des Nations unies est de réunir dans la capitale norvégienne jusqu’à 1,4 milliard d’euros d’engagements pour la région du lac Tchad, bordé par le Nigeria, le Niger, le Cameroun et le Tchad.
Déshéritée et aride, la région est ravagée par huit ans de violences. Les écoles, les dispensaires, l’agriculture sont en ruines. Des populations doivent fuir les jihadistes à pied sans aucune ressource.
Dans ce coin du Sahel, la pénurie alimentaire a atteint des niveaux inquiétants, avec 5,1 millions de personnes manquant de nourriture et plus de 500.000 enfants souffrant de malnutrition aiguë.
Le ministre norvégien des Affaires étrangères Børge Brende, en ouvrant une réunion de la société civile jeudi, a évoqué "un des conflits oubliés" de la planète.
"La crise des déplacements de populations dans le nord-est du Nigeria et la région du lac Tchad est vraiment devenue hélas une très grave urgence alimentaire et nutritionnelle", a-t-il souligné.
Selon lui, "plus de dix millions de personnes ont besoin d’assistance (...) Certaines parties du nord-est du Nigeria pourraient malheureusement déjà connaître la famine".
- Lac asséché -
La situation médicale a été décrite par Médecins sans frontières comme "la pire du monde".
Les organisations humanitaires ne peuvent accéder aux populations en danger qu’à mesure de la progression de l’armée. Dans les zones où sévissent les jihadistes, les routes ne sont praticables que sous escorte des soldats nigérians. On accède à certains endroits uniquement par hélicoptère, pour y constater des "taux horribles de malnutrition" parmi les enfants.
"Dans toute la région du lac Tchad nous avons vu le combat contre Boko Haram avoir la priorité sur tout le reste, avec des objectifs militaires et politiques dirigés vers lui. Nous nous trouvons maintenant au milieu d’une crise humanitaire immense", a déploré la directrice de l’urgence dans l’État de Borno pour MSF, Natalie Roberts.
Le coordinateur humanitaire de l’ONU pour la région du Sahel, Toby Lanzer, a appelé à répondre à "l’un des groupes extrémistes que l’on peut classer parmi les plus meurtriers", Boko Haram.
Les habitants "survivent avec à peine un repas par jour", a-t-il insisté. "Et nous savons qu’avec la saison des pluies qui arrive, les maladies progresseront, le paludisme deviendra plus prévalent, et il y aura encore plus besoin d’abris".
Un représentant de la société civile du nord-est du Nigeria, Ahmed Shehu, a parlé du besoin à plus long terme de développement. "Je le dis aux donateurs ici: si nous voulons nous attaquer au problème de Boko Haram, réfléchissons aussi au problème sous-jacent de pauvreté".
"La deuxième question que nous ne relions pas à Boko Haram est le changement climatique (...) Le lac Tchad s’est asséché. Quel est le problème maintenant? Une majorité (des agriculteurs et pêcheurs) ont perdu leur moyen de subsistance", a-t-il souligné.
Le lac Tchad a perdu 90% de son étendue en quelques décennies.
Sont attendus à Oslo le ministre allemand des Affaires étrangères Sigmar Gabriel, co-organisateur de la conférence avec son homologue norvégien, les chefs de la diplomatie nigérian Geoffrey Onyeama, tchadien Hissein Brahim Taha, et des ministres camerounais et nigérien, ainsi que le Haut-Commissaire aux réfugiés Filippo Grandi, ou encore la directrice exécutive du Programme alimentaire mondial, Ertharin Cousin.
Vendredi à la mi-journée, les délégations doivent détailler leurs engagements respectifs en s’exprimant trois minutes chacun.