''Les commerces de notre localité faisaient régulièrement l'objet de pillage par les éléments de Boko Haram. On était dans cet état de terreur quand un jour ils sont venus, en plein jour, assassiner un maçon et ses deux ouvriers qui construisaient une classe pour une école''.
L'auteur de ces propos, M. Keloumi Mai Moussa, n'a que 13 ans. Sa situation illustre celle de milliers d'enfants et d'adolescents vivant sur les sites d'accueil des déplacés et réfugiés de la Région de Diffa et pour lesquels l'UNICEF se mobilise, notamment pour subvenir à leurs besoins de protection à travers un programme financé par le Gouvernement du Japon.
Tout déplacement massif des populations, surtout s'il est dicté par la peur, comporte des risques, particulièrement pour les plus vulnérables que sont les enfants, les femmes et les personnes en situation de handicap.
Sabiou Dambaji, responsable Protection à l'ONG IRC, nous explique les mécanismes et
activités de protection. L'objectif, dit-il, ''est de prévenir et répondre à toute violation ou à tout abus des droits. Dès qu'il y a mouvement des populations, l'aspect protection intervient, car le changement de cadre de vie expose à des facteurs de toutes sortes de risques et d'abus. En un mot, et dans un sens humanitaire plus large, l'objectif de protection est de veiller à ce que les droits fondamentaux des populations soient respectés''.
''Le programme Protection de l'Unicef est exécuté au niveau des différents sites d'accueil des déplacés et réfugiés par ses ONG partenaires que sont COOPI, IRC et CARE. A cet effet, 62 bâtiments et abris servant d'espaces d'écoute, d'apprentissage non formel et de jeux, ont été construits. ''Ces centres ne remplacent pas l'école. Ils servent au contraire de passerelle pour préparer les enfants et les mettre dans les prédispositions pour pouvoir aborder le système scolaire'', précise Adama Cosimbo, coordinateur terrain de l'ONG COOPI.
Sur le site de Kitchendi où l'ONG a déployé ses équipes de psychologues, animateurs et encadreurs, l'essentiel des activités de protection vise à apporter des réponses à la détresse et au traumatisme vécus par les enfants et adolescents déplacés et réfugiés. Les activités ludiques et d'écoute pour les enfants à partir de 5 ans créent une atmosphère d'émulation morale et de soutien psychologique. Idem pour les adolescents qui sont, eux, accueillis dans des espaces d'apprentissage non formel. Beaucoup d'adolescents n'ayant jamais été scolarisés, ils participent aux activités des Diapado (dispositif itinérant d'apprentissage pour adolescents) et aux activités sportives. Il y a aussi des offres d'apprentissage comme la couture, la broderie etc. Il s'agit d'offrir à chaque enfant des espaces de socialisation afin de créer un sentiment de retour à la normale après le choc subi. Le mécanisme de protection sur le terrain prend également en compte l'identification des enfants présentant un trouble de comportement ou un handicap mental, et leur prise en charge. Mieux, le programme de l'UNICEF a formé, en 2016, plus de 200 enseignants et encadreurs aptes à déceler les enfants présentant des signes de détresse et à répondre en situation d'urgence.
Selon M. Consimbo Adama, ''quand la protection a pour cible l'humain, notamment les enfants, elle devient un domaine complexe. En cela, nos méthodes ne sont pas figées. Nous avons par exemple des rencontres régulières avec les membres de la communauté des déplacés et réfugiés pour discuter et prendre en compte les pratiques de protection traditionnelle qui reposent sur le socle culturel de leurs communautés d'origine''. Sur le site de Garin Wanzam où opère l'ONG IRC, le souci de prendre en compte les réalités communautaires dans les activités de protection est aussi pris en compte. A travers les comités de pairs éducateurs, ce sont les enfants eux-mêmes qui sont mis à contribution pour faire la sensibilisation au niveau communautaire et signaler les cas nécessitant de donner l'alerte. Sur un plan général, des structures communautaires comme les comités des mères éducatrices et les comités de gestion des établissements scolaires sont aussi associés par le programme aux questions de protection des enfants et personnes à besoins spécifiques comme ceux en situation de handicap, ou encore à la question du genre.
Au-delà des activités de protection mises en place sur les sites des réfugiés et déplacés, l'UNICEF finance dans la commune de Diffa un programme à destination des jeunes filles, réunies en clubs d'écoute autour d'un feuilleton radiophonique appelé Haské Maganin Douhou. Le but de l'expérience est de créer une plateforme d'éducation et de discussion entres jeunes filles à travers ce feuilleton qui traite des droits de la jeune fille. Le club d'écoute du quartier Diffa Koura par exemple rassemble, chaque dimanche, une vingtaine de jeunes filles membres. Leurs débats et discussions touchent à tous les thèmes sociaux se rapportant au genre, à la promotion et aux droits de la femme et à des aspects pratiques de leur vie comme les notions d'économie familiale, la lutte contre les pratiques traditionnelles néfastes, l'autonomisation des femmes, les questions d'hygiène et assainissement, de santé reproductive etc. Les jeunes filles membres des clubs d'écoute deviennent, après chaque débat, des relais sociaux qui vont sensibiliser les autres jeunes filles de la communauté.