Les débats autour des questions de l'éducation sont revenus à l'Assemblée nationale à travers les requêtes en interpellation sur le sujet introduites par les députés Saadou Dillé et Nassirou Halidou. Le ministre de l'Enseignement primaire, de l'Alphabétisation, de la Promotion des langues nationales, M. Daouda Mamadou Marthé, qui a répondu à la tribune de l'hémicycle, aux différentes questions contenues dans les deux requêtes des députés. Ces questions en interpellation ayant touché à l'aspect négociations avec les organisations syndicales du secteur de l'éducation, le ministre d'Etat Mohamed Bazoum, en sa qualité de président du Comité de négociation est venu y répondre. Nous publions dans cette 3ème partie de son intervention.
«C'est avec un plaisir renouvelé que je me retrouve devant vous, désigné par le Premier ministre, en tant que président du Comité interministériel de dialogue avec les partenaires de l'école, pour répondre à cette interpellation. Je répondrais par conséquent à certains aspects des questions posées par le député Nassirou Halidou.
M. le Président, Mesdames et Messieurs les députés
L'année scolaire 2016-2017 s'est très tôt signalée par des perturbations et la très forte mobilisation des syndicats des enseignants sur la mise en place d'une coordination avec comme fonction créer un bon rapport de force de nature à faire avancer leurs revendications. Face à la récurrence des grèves perlées le Président de la République m'a fait l'honneur , avec la permission bien sûr du Premier ministre , Chef du Gouvernement, de prendre la direction du Comité interministériel, d'avoir une discussion sérieuse et avoir des engagements de fond de nature à rassurer les enseignants et à faire en sorte que ces perturbations cessent. Ces revendications sont au nombre de sept à 8 qui n'ont pas toutes le même statut. Il y a la question d'apurement des arriérés de pécules des enseignants ; le paiement des pécules et salaires des enseignants à termes échus ; l'adoption d'une grille spéciale pour les enseignants et enseignantes ; la finalisation des recrutements 2012-2013-2014 ; l'ouverture des recrutements pour les années 2015-2016 ; le rappel des incidences financières dont certaines datent des années 90 ; le problème des concours spécial A et spécial B ; la mise à disposition des enseignants à la section H du Ministère des Finances.
Ces points de la plateforme ont fait l'objet de discussions d'accords signés le 13 décembre dernier. Il y avait un préalable à la discussion qui était l'affectation de leurs camarades syndicalistes pour faits de grèves sur laquelle nous avons fait des concessions nettes et claires applicables sur le terrain. Lors de nos rencontres suivantes ils nous ont dit que ce n'est pas appliqué partout. Nous avons essayé de vérifier ce qu'ils ont avancé et donné les instructions nécessaires au règlement du problème de ces affections qu'ils ont trouvées arbitraires. En un mot cette question a été réglée. Sur les arriérés, les engagements que nous avons pris c'était que nous les apurions à la fin du mois de décembre.
A partir du 25 décembre tous les mandatements ont été faits. Si au 31 décembre les enseignants n'avaient pas touché la totalité des arriérés qu'ils accusaient c'était dû à des situations purement administratives et techniques mais nullement à la non disponibilité des fonds. Nous avons également pris l'engagement que les pécules soient payés aussi régulièrement que les salaires et à termes échus comme disent les syndicalistes. Nous avons dit que nous veillerons scrupuleusement pour qu'il en soit ainsi. Je n'ai pas pris ces engagements juste parce qu'il faut que ce mouvement prenne fin, mais sur l'honneur qu'ils seront respectés.
Sur la question de la régularité et en temps convenu du paiement des pécules là également le ministre des Finances m'a donné toutes les garanties. Sur le point concernant la grille spéciale pour les enseignants et les enseignantes nous avons fait un statut spécial des enseignants auquel doit concorder une grille spéciale. Cette concession du statut a été faite, je parle sous le contrôle de l'ancienne ministre de l'Education nationale au cours, me semble-t-il de l'année 2015-2016. Donc à ce statut-là concorde une grille spéciale c'est-à-dire il y a des avantages qui vont être induits par l'adoption de ce nouveau statut spécial.
A l'époque déjà, le Gouvernement leur avait dit que beaucoup d'augmentations avaient été consenties au profit des enseignants, à l'instar des autres fonctionnaires sur les indemnités. C'est un gage de notre volonté de doter les enseignants d'un statut qui leur confère des avantages ; c'est un autre gage de notre volonté que de le signer que de l'adopter de façon formelle mais on le met pour le moment en stand-by. Il reste cependant un acquis, c'est un acquis nominal, théorique, ses effets se feront ressentir le jour où, ensemble, nous considérerons que les conditions existent pour qu'il soit mis en application. Ils nous avaient demandé que le Ministère des Finances fasse une évaluation de l'incidence de l'application de la nouvelle grille des enseignants pour qu'on sache de quoi nous parlons. Cette simulation a été faite et l'incidence uniquement sur la masse salariale des enseignants sera de 2 milliards 900 millions par mois.
Dans le contexte actuel de nos finances publiques, ce n'est pas possible de prendre un tel engagement. Ils ont dit sur ce point qu'ils en prennent acte. Je vous le disais, certaines des revendications des enseignants avaient un caractère supportable et d'autres à caractère trop lourd pour l'Etat et dont la mise en œuvre peut prendre un certain temps. C'est le cas notamment de la revendication sur l'octroi des matricules aux contractuels dont les noms avaient été retenus en 2012, 2013 et 2014. Après des années sans recrutement à la Fonction publique nous avons décidé, comme nous l'avons fait pour d'autres secteurs de la Fonction publique, d'octroyer des numéros matricules à certains contractuels. Des noms ont en effet retenus, au nombre de 4700, mais les numéros n'ont pas été attribués.
Nous avons eu la discussion la plus difficile sur cette question-là. Nous avons dit que nous allons remplir cet engagement mais d'une manière progressive en commençant par les premiers contingents. Nous avons même fixé la date de fin 2017, mais ils l'ont rejetée. Face à ce refus notre proposition a été de le faire à la fin du 1er trimestre 2017. Nous nous sommes donc entendus sur cet engagement. Ils exigent aussi la modification du décret qui permette qu'on recrute un contractuel à la Fonction publique. Nous nous sommes convenus avec eux que l'ancien décret porte des insuffisances en ce sens qu'il donne plus de chance à des contractuels n'ayant pas duré dans le statut d'être recrutés que ceux qui y ont accompli une durée de plus longue. Nous leur avons dit que c'est une situation injuste. Il y a lieu de revisiter ce décret et nous leur avons dit que nous sommes tout à fait engagés pour cela. Ils nous ont demandé le paiement des arriérés des incidences financières. C'est là une question récurrente.
Des enseignants ont en effet avancé, changé de catégorie ou de grade et que pour des raisons purement administratives n'en bénéficient pas durant les premiers mois. Beaucoup de fonctionnaires ont de tels arriérés gelés. Il existe un service spécial qui est chargé de la gestion de ces incidences et qui, selon un protocole déterminé, programme chaque mois de payer tel montant au titre des avancés. Cette question étant donc prise en charge dans le cadre des revendications des centrales syndicales il n'y a pas de raisons que nous prenions des engagements pour vous et que nous ne pourrions pas faire pour les autres fonctionnaires. Tant que c'est spécifique nous vous répondrons de façon spécifique.
Mais lorsque vos revendications sont celles des autres fonctionnaires, nous ne pouvons pas prendre des engagements qui nous mettent dans une situation de deux poids deux mesures. On s'est compris par rapport à ce point. Concernant la question des concours spécial A et spécial B qui permettent à des instituteurs d'entreprendre des études supérieures dans les filières de certaines Facultés de l'Université de Niamey. Beaucoup d'instituteurs l'ont fait mais cela a l'inconvénient non seulement de ne pas être une formation programmée par la Fonction publique mais très souvent c'est une sorte de sortie des meilleurs enseignants du primaire. Au cours de l'année 2013 le Gouvernement a décidé de mettre fin à cela.
A l'époque nous avons sommé ceux qui se sont inscrits de renoncer et de retourner à leur poste. Certains nous ont entendus et ont regagné mais d'autres se sont obstinés et nous les avons radiés de la Fonction publique à l'époque. A la rencontre les syndicats nous ont reposé la revendication de leur réintégration nous leur avons répondu que les intéressés avaient porté l'affaire de leur radiation au Conseil d'Etat qui leur a donné tort. Il y a donc dans cette affaire l'autorité de la chose jugée par une juridiction suprême et ce n'est pas un Gouvernement qui va y porter atteinte.
Il y a le point de revendication sur la mise à disposition de la section H du Ministère des Finances d'avantages d'enseignants. Nous avons pris l'engagement de le faire. Mais il se trouve que le Ministère des Finances a informatisé tout son système et cela rend du coup sans objet la présence de ces enseignants à la Section H du Ministère des Finances. Maintenant pour plus de détails, par rapport à l'octroi des matricules après investigation le Ministère a découvert que parmi les 476 qui doivent avoir droit au matricule de la Fonction publique seuls 337 remplissent les critères parce que certains sont déjà fonctionnaires tout en étant contractuels ils sont passés par d'autres circuits pour être recrutés à la Fonction publique tandis que d'autres ont quitté le secteur de l'Education nationale et il y a même des cas de ces personnes décédées.
Au cours du mois de mars la liste des 337 a été envoyée à la Fonction publique pour le processus de leur intégration. C'est malheureusement une mesure très lourde administrativement et qui donne l'impression que sur ce point nous n'avons pas respecté nos engagements. Sinon pour le reste nous avons montré toute notre bonne volonté à satisfaire ces revendications mais il y a des petits retards liés à la lenteur de notre Administration ou a des déficits de ressources dans certaines régions qui doivent prendre en charge le paiement des pécules et qui ne remettent pas fondamentalement en cause nos engagements. Malgré cette bonne volonté et notre disponibilité au dialogue ils nous ont répondu en débrayant en grève donc la guerre totale nous pensions qu'il n'y avait plus lieu de leur dire de revenir puisqu'on avait rien à leur sinon que de réaffirmer ce que nous leur avons dit. Les rappeler pour leur mentir ? Ça ne nous ressemble pas.
En partant en grève le syndicat s'est mis à faire des déclarations qui ne sont pas tout à fait correctes par rapport à nos discussions. Nous avons à notre intervenu pour donner des explications et c'est à cette occasion, M. le Député Nassirou Halidou que j'ai dit « que le statut juridique des contractuels est très précaire » et vous vous dites que mes propos sont irresponsables. Ce n'est pas irresponsable ! Si en vous dévisageant, M. le Député, je dis que Nassirou Halidou est un député aujourd'hui, qu'il est de taille moyenne, qu'il porte une tenue de couleur grise. C'est un constat, ce n'est pas un jugement de valeur. Peut-être que vous ne comprenez pas bien le sens du mot statut juridique et vous faites la même erreur que les autres. Il est juridiquement précaire parce que c'est des contractuels ce ne sont pas des fonctionnaires. Leur aspiration est de devenir des fonctionnaires pour avoir plus de droits. Un contractuel par définition reste un contractuel. Le jour où je décide que je mets fin au contrat je te donne un préavis de 3 mois et je dis que j'ai mis fin au contrat. Cela est très précaire à mon avis. Je n'ai pas dit plus grave que ça.
Et j'ai dit au syndicat attention, vous êtes en train d'engager des jeunes gens dans des grèves qui les exposent à des situations qui ne sont pas compatibles avec leur statut qui les rend très vulnérables au plan du droit. Leur employeur l'Etat peut leur faire du mal. Ne le faites pas. Par cette attitude ils sont en train de tuer le syndicat. Donc, M. Nassirou Halidou, en disant ce que j'ai dit, je n'ai pas insulté les syndicats. Je n'ai pas à le faire. Il n'y a que ceux qui ne comprennent pas le français qui peuvent dire que moi j'ai insulté les enseignants. Mais ils ont l'excuse de leur ignorance.
Intervention orale scriptée par Mahaman Bako(onep)