Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) vient de rendre public son rapport annuel sur le classement des nations de la planète selon le fameux Indice de Développement Humain (IDH).
Ce rapport aura surpris plus d’un Nigérien, car il classe notre pays à la dernière place, ex aequo avec la RD Congo ; Aussitôt après la publication de ce document, des réactions nationales fusent, les passions se déchaînent, la presse nationale en fait ses choux gras. Un proverbe du terroir enseigne d’imaginer la joie d’une personne habituée à cuisiner avec de l’eau simple qui trouve un ergot de poulet, c’est tout simplement la fiesta ! Ça y est, l’occasion idéale étant trouvée, on saisit celleci pour clouer au pilori la Septième République, déjà malmenée dans l’opinion et la presse nationale par une certaine politique politicienne.
Mais au-delà de ces réactions, somme toutes spontanées, parfois épidermiques et purement subjectives, se pose la problématique des méthodes et des outils choisis pour mesurer les progrès réalisés par une nation donné, tant le champ d’une telle étude reste complexe et extrêmement diversifié incluant tous les aspects de la vie de cette nation. C’est ce qui amena les Nations Unies au début des années 90 à créer l’IDH qui reposait essentiellement sur trois grands critères pour évaluer les progrès enregistrés par les nations du monde : un critère intellectuel (taux d’alphabétisation), un critère économique (répartition du PIB par habitant) et enfin, un critère social (l’espérance de vie).
Ce sont donc ces trois critères qui constituent l’instrument de mesure des performations des nations pour les Nations Unies. Chacun de ses trois critères est encadré par un intervalle de chiffres calculés à partir des données statistiques disponibles sur le pays en question par rapport à une moyenne mondiale. Ainsi, par exemple, pour le Niger, l’IDH est de 0,275, par contre, il est de 0, 463 pour l’Afrique et 0,682 pour le monde. Comme on le voit bien, cet IDH de 0,275 du Niger a été obtenu sur la base de données statistiques recueillies en 2011. Or, en toute logique, ces donnée statistiques ne pouvaient être celles de cette année 2011, car il y a toujours un temps d’intervalle entre la collecte et la transmission des données et leur traitement par les services du PNUD.
Vous l’aurez donc sans doute constaté, le rapport du PNUD sur l’IDH au Niger qui vient d’être publié se base sur des données statistiques remontant à la période 2009- 2010, des données qui avaient été recueillies et transmises en 2011. Or, le régime de la Septième République n’a démarré ses batteries qu’à partir d’avril 2011 et ne pouvait par conséquent être concerné par les données d’une période qui lui est antérieure. Comme on le voit, à l’analyse approfondie de ce rapport, l’on peut se rendre compte que les données statistiques sur lesquelles repose celui-ci datent de la dernière année de la Cinquième République et de la transition militaire du Conseil Suprême pour la Restauration de la Démocratie (CSRD). Alors, la question que tout observateur attentif se poserait est la suivante :
comment expliquer, objectivement, ce décalage entre les données statistiques sur lesquelles se base le rapport du PNUD et la réalité présente ? Avant de tenter de répondre à cette pertinente question, il nous paraîtrait judicieux de rappeler que depuis l’institution par les Nations Unies de l’IDH à la fin des années 80, le Niger a toujours occupé dans ce classement des rangs peu enviables. Mieux, dans la décennie 2000, notre pays avait même occupé la dernière place, ce qui avait d’ailleurs amené Hama Amadou, à l’époque Premier ministre, à imputer la faute aux services de la Statistique qui n’auraient pas, selon lui, réactualisé les données statistiques sur le Niger.
Hama Amadou avait en partie raison sur ce point, l’administration publique nigérienne actuelle est un véritable désastre national, se caractérisant la plupart du temps par une lenteur inadmissible frisant la paresse, mais surtout par l’absence de ressources humaines compétentes à volonté et désireuses de travailler pour l’Etat par-dessus le marché. La création récente d’un Institut National de la Statistique a-t-elle définitivement résolu la question de la réactualisation des données statistiques concernant le Niger ? La publication du dernier classement des Nations Unies avec des données statistiques anachroniques donne la réponse à cette question.
Dans l’impossibilité de disposer de données statistiques à jour portant sur le Niger, les services du PNUD ne pouvaient que se contenter de celles qu’ils pouvaient trouver par-ci par-là, de façon sectorielle et surtout parcellaire. Au bout du compte, on peut se demander d’où le PNUD tire ses chiffres sur le Niger pour la simple raison que dans un pays donné, aucun service, aucune entité administrative ou territoriale ne peut communiquer des données statistiques à l’extérieur sans passer par les services de la Statistique de cet Etat ! Fermons donc cette petite parenthèse pour revenir au classement du Niger, un classement qui ne rend pas compte de toute la réalité, car basé sur des données statistiques tronquées comme nous avions eu déjà à le souligner plus haut.
D’autres critères de classement.
Les scientifiques du monde entier le savent, il n’ y a pas un exercice intellectuel plus difficile à réaliser que de tenter d’opérer un classement dans une multitude de facteurs souvent disparates, parfois enchevêtrés, sans sacrifier au principe de l’objectivité scientifique. C’est peut-être le propre de toute discipline qui ambitionne de cerner le réel dans toutes ses manifestations concrètes. En fait, l’IDH du PNUD n’est pas une méthode infaillible en soi, il est simplement un instrument pour mesurer non pas tous les progrès réalisés dans tous les domaines, mais certains d’entre eux sous la triple dimension sociale, économique et intellectuelle. A l’instar de l’IDH du PNUD, d’autres critères plus pertinents et plus réalistes de classement existent.
En effet, la Banque mondiale, pour mesurer les performances économiques de ses clients que sont les Etats, recourt à ce que les Anglosaxons appellent le ‘’doing busness’’ (climat des affaires, en français). Cette méthode combine à la fois des critères matériels, humains et environnementaux pour évaluer le potentiel de croissance chez un Etat donné. Car, comme vous le savez déjà, pour faire de la croissance dans un Etat donné, il faut d’abord créer les conditions optimales pour cela, c’est-à-dire le cadre propice pour faire des affaires et générer du profit. Cela suppose un Code d’investissements novateur et surtout incitateur, un environnement économique favorable et un esprit d’entreprise avéré.
Le FMI et la Banque mondiale sont très sensibles à ces critères d’évaluation des performances des Etats. Or, si l’on devait tenir compte de ces normes standards établies par les institutions de Brettons Woods pour classer les nations de la planète, sans doute que le Niger y occuperait un rang plus respectable que celui de l’IDH du PNUD. En effet, lors de sa visite au Niger au printemps dernier, la Directrice Générale du FMI, Christine Lagarde, avait salué les progrès économiques réalisés par notre pays qui présageaient de belles perspectives de croissance dans l’avenir. Ce constat de la patronne du FMI se fondait sur les réformes courageuses apportées au cadre macroéconomique, le retour à l’assainissement des finances publiques par l’application rigoureuse des textes et la surveillance accrue de la chaîne de dépenses publiques.
A tout cela il fallait ajouter les perspectives miniè minières et énergétiques (Imourarem, SORAZ, Kandadji) qui s’annonçaient pour le Niger. Comme on le voit, l’économie nigérienne est en pleine mutation dans le sens d’une croissance soutenue. On prévoit d’ailleurs un taux de croissance à deux chiffres (11 à 12%) pour les années à venir. Or, si l’économie générale du pays s’améliore nettement, il va sans dire que les autres indicateurs de développement vont à leur tour être dans le vert. Ainsi, de son installation à nos jours, le régime de la Septième République a recruté plus de médecins (environ 400) que tous les autres gouvernements qui se sont succédé depuis l’indépendance en si peu de temps ;
il a construit plus de 2000 classes et recruté des enseignants en quantité ; il a organisé des concours de recrutement à la Fonction Publique au terme desquels de jeunes fonctionnaires ont été engagés ; il a rehaussé, de façon significative, le niveau des salaires des fonctionnaires, accru certaines indemnités de sujétion et de responsabilité ; il a aussi mis en place un programme d’urgence efficace pour contenir les affres de la crise alimentaires de l’année 2011. Or, si tout cela avait été pris en compte par les données statistiques sur lesquelles s’était appuyé le rapport du PNUD, très certainement que le Niger aurait mérité un meilleur classement. Voilà donc, pourquoi, nous pouvons estimer que le classement du PNUD ne reflète pas souvent la réalité quotidienne, particulièrement dans le cas du Niger où les situations évoluent rapidement !
Au regard des critères des institutions de Bretton Woods, le Niger a acquis une grande capacité d’endettement, car plus la crédibilité d’un Etat est avérée, plus sa marge d’endettement sera élevée. En tout état de cause, au-delà de l’émotion sincère et civique que la dernière place du Niger pourrait susciter chez les et les autres, ce classement pourrait se révéler un puissant plaidoyer pour notre pays auprès des partenaires au développement pour améliorer de façon substantielle ses indicateurs de développement grâce à la solidarité et la coopération internationales. Car, il est évident que le Niger ne peut progresser sans l’aide de la coopération internationale à cause de la vulnérabilité et la fragilité de son économie.
La pauvreté n’a rien de honteux ou d’humiliant, c’est une situation inhérente à la condition humaine dans son vacillement tel que la Providence l’a décrété dans son infinie sagesse. Seuls les orgueilleux refusent de demander l’aide des autres et Dieu Le Tout-Puissant n’aime pas les orgueilleux.