M. Mahamadou Dan Dano Lawaly, gouverneur de la Région de Diffa : ’’On peut dire qu’en matière de sécurité, le plus difficile est derrière nous, et qu’il reste à consolider et à pérenniser la paix’’.
Monsieur le gouverneur, quelles sont les réalisations effectuées dans les différents secteurs de la vie socio-économique de la Région de Diffa?
Malgré la situation sécuritaire difficile qui constitue une entrave à toutes les activités dans la région de Diffa, la mise en œuvre du Programme de la Renaissance acte II se fait de façon assez bonne, comparativement aux autres régions. Ainsi, on peut retenir, dans les secteurs prioritaires, les actions suivantes : sur le volet agriculture, la région a reçu de l’Etat et de ses partenaires 396,86 tonnes de semences de cultures pluviales et irriguées; 13 800 fagots de boutures de manioc et 800 tas de patate douce accompagnés de 3 976,2 tonnes d’engrais à prix subventionné, positionnés dans 7 points communaux de vente, et 13,600 tonnes de compost.
Tout ceci est appuyé par 9 200 litres de pesticides pouvant protéger 15 200 ha contre divers ennemis des cultures, du verdox contre les rongeurs et des équipements pour le traitement (appareils de traitement, masques de protection, gants, lunettes, etc.).
De même, nous avons bénéficié de 6 143 kits de petits matériels de jardinage (râteaux, pelles, arrosoirs, dabas et brouettes) distribués gracieusement aux ménages agricoles. Le processus d’opérationnalisation de la Maison du paysan s’est aussi poursuivi avec la construction d’un magasin de stockage d’une capacité de 200 tonnes et la constitution d’un stock de sécurité alimentaire de 23,5 tonnes pour faire fonctionner ledit magasin. Sur le volet élevage, les actions conduites par l’Etat et ses partenaires ont permis la vaccination gratuite de 565297 UBT ; le déparasitage de 422834 UBT ; la distribution de 17688 têtes de petits ruminants aux ménages vulnérables; des opérations d’embouche ovine portant sur 200 têtes; la mobilisation de 3010 tonnes d’aliments de bétail au titre de la vente à prix modéré, et 1020 tonnes au titre de la distribution gratuite; la construction de 5 parcs de vaccination; la réhabilitation de 2 stations de pompage pastorales et le recyclage de 70 auxiliaires d’élevage.
Sur le volet hydraulique, au cours de ces douze derniers mois, il a été réalisé par l’Etat et ses différents partenaires, 441 équivalents points d’eau pour un coût global de 3,637 milliards de FCFA. Dans ces réalisations, on trouve tous les types d’ouvrages comme les adductions d’eau potable simples, les adductions d’eau multi villages, les postes d’eau autonomes, les puits cimentés villageois, les puits cimentés pastoraux, les forages équipés de pompes à motricité humaine.
Sur le volet éducation et formation, le programme des différentes directions en charge de la question se poursuit normalement en dépit des perturbations résultants de l’activisme de Boko Haram. A cet effet, le point le plus marquant à souligner reste la construction des complexes scolaires des 12 Centres de Formation aux Métiers des 12 communes de notre région sur financement de l’UNICEF. D’ores et déjà, les travaux sont achevés à plus de 98% pour les communes de Diffa, Chétimari, Maïné Soroa, Foulatari, Nguel Beyli et Goudoumaria pour lesquelles on est à la phase de réception des bâtiments. Les travaux se poursuivent à un rythme très satisfaisant pour les 6 autres communes restantes.
Sur le volet santé, pour améliorer le niveau de couverture et la qualité des prestations, la région de Diffa a bénéficié de 44 agents cadres de la santé tous corps confondus et de 9 auxiliaires. Ceci s’est fait concomitamment avec la réhabilitation des infrastructures comme le bloc opératoire de l’hôpital de district de Nguigmi et le Centre Hospitalier Régional (Aiguillage, Services chirurgicaux, Buanderie, les Urgences) et la transformation de 9 cases de santé en CSI. Toutes ces actions ont été accompagnées par le renforcement du parc automobile avec 8 véhicules dont 2 ambulances médicalisées.
Comment se présente la situation sécuritaire dans votre Région?
Je commencerai ici par rappeler que ce n’est un secret pour personne que la situation sécuritaire est fortement dégradée dans la région de Diffa du fait de l’activisme de la secte terroriste Boko Haram. En effet, et vous le savez déjà, c’est à partir de Février 2015 que cette secte, après une série d’actions audacieuses à succès au Nigéria, a fini par engager des attaques directes et puissantes contre notre pays, notamment à Bosso et à Diffa. Ces attaques ayant toutes été repoussées, la secte a changé de stratégie en procédant par des attentats-suicides et des incursions dans les villages en bordure de la Komadougou et du Lac Tchad se soldant souvent par des massacres ou des incendies à grande échelle.
Ceci a eu pour conséquences des déplacements importants de populations qui ont dû quitter leurs lieux de résidence habituelle pour aller vers des endroits réputés plus sûrs ; la restriction des mouvements des personnes et des biens ; la perturbation des circuits de production et de commercialisation des produits agricoles en particulier le poivron, le poisson et le bétail. Actuellement, du fait de la forte pression exercée par nos Forces de Défense et de Sécurité en partenariat avec celles de nos voisins, l’activisme de Boko Haram s’est réduit à quelques apparitions le long de la Komadougou pour piller des stocks d’aliments ou de médicaments dans nos formations sanitaires, ou pour des règlements de compte. Cette secte est actuellement si affaiblie que certains de ses combattants font défection et viennent intégrer les rangs des repentis que nous sommes en train d’accueillir.
En tout état de cause, on peut dire qu’en matière de sécurité, le plus difficile est derrière nous et qu’il reste à consolider et à pérenniser la paix, ce qui est du reste la priorité de nos actions actuelles.
Quelles sont les actions conduites en faveur des populations réfugiées et déplacées dans votre Région?
Il est difficile de distinguer ce qui a été fait au seul profit des réfugiés et déplacés, car toutes les populations sont imbriquées et vivent les mêmes difficultés. Ainsi, tout ce qui a été cité plus haut, l’a été aussi bien au bénéfice des réfugiés et déplacés que des autres catégories de la population. Néanmoins, on peut dire que l’assistance apportée a été focalisée sur deux axes principaux à savoir l’assistance d’urgence aux personnes les plus affectées par la crise sécuritaire et les autres activités conditionnelles destinées à produire ou consolider les moyens d’existence de la première génération des déplacés et les autres catégories de vulnérables.
Ainsi, pour faire la part des choses, au cours de cette dernière année, et dans le cadre de la réponse humanitaire, l’Etat et la communauté humanitaire ont mobilisé et injecté plus de 70. 000 tonnes de vivres, et environ 14 milliards de FCFA en cash et sous d’autres formes au profit de ces personnes. A ce stade, on retiendra le nombre 537. 211 personnes assistées d’une façon ou d’une autre. Cette assistance a porté sur l’hygiène et l’assainissement avec la réalisation de 2596 latrines ; la fourniture d’abris et de biens non alimentaires pour environ 30 000 ménages ; la prise en charge nutritionnelle de 19 335 enfants et 17 167 femmes enceintes et femmes allaitantes dans le CRENAM, et 2 180 mères accompagnatrices dans le CRENI; la vaccination de 112 725 enfants de 0 à 5 ans contre la rougeole et de 257 673 autres contre la polio ; la relocalisation de 242 écoles dont 238 du primaire sur des sites d’accueil ou des sites spontanés pour un effectif global de 44,411 dont 43 666 du primaire. Des actions du paquet-protection ont également été conduites, notamment la création de 138 dispositifs d’appui psychosocial pour 97 454 enfants; la prise en charge globale de 1047 victimes de séparation familiale; la formation et assistance de 130 familles d’accueil pour la prise en charge des enfants séparés et enfants non accompagnés; l’attribution, à 577 enfants, des kits de base pour enfants séparés et enfants non accompagnés ; et la délivrance d’actes de naissance à 1082 enfants nés au Niger.