Casquette vissée sur la tête, Tracy sort délicatement son smartphone de sa poche. Sous le soleil brûlant de la savane nigérienne, elle et ses compagnons de voyage veulent immortaliser l'incroyable spectacle qui s'offre à eux. A quelques mètres à peine, quatre girafes se promènent nonchalamment, sans crainte et en totale liberté. Pour Tracy, américaine en voyage professionnel au Niger, visiter la réserve de Kouré, à 60 kilomètres à l'est de Niamey, figurait parmi ses priorités extra-professionnelles. "La girafe, c'est mon animal préféré. Voir ceci...ça me touche vraiment. C'est tout à fait incroyable, cela n'a rien avoir avec les zoos, dans lesquels je n'ai d'ailleurs plus mis un pied depuis vingt ou trente ans!", chuchote-t-elle.
Derniers troupeaux d'Afrique de l'Ouest
Ce spectacle, Tracy n'aurait sans doute pas pu le voir sans l'implication d'une association, l'AVN, l'Association pour la valorisation de l'éco-tourisme au Niger. En 1998, elle crée un parc pour tenter de sauver la girafe peralta. Jadis répandue dans toute l'Afrique de l'Ouest, on ne compte plus, au milieu des années 1990, qu'une cinquantaine d'individus à l'est de Niamey. "Aujourd'hui, le bilan est positif", explique Hama Moumouni Dibachir, guide touristique et président de l'Association des guides de l'AVN. "Le dernier recensement a été effectué en 2014 et on comptait alors 499 individus, répartis au sein de plusieurs troupeaux". Aujourd'hui, le parc, géré par l’État nigérien, s'étend sur 116 625 hectares et n'est toujours pas bordé de clôtures. Les girafes vivent donc réellement en liberté. "Pendant la saison des pluies, elles restent ici, sur ce plateau. En fin de saison, elles se déplacent vers des régions où se trouvent des mares permanentes." Pour 13€, un guide (obligatoire) vous permet d'aller à leur rencontre en pick-up. Tracy a eu de la chance, cela n'a pris que quelques minutes, mais il faut parfois 45 minutes de patience pour repérer un troupeau sur le vaste site.
Difficile cohabitation avec les girafes
Si les girafes émerveillent les touristes, pour Aïssa, c'est chose commune. Il faut dire que les girafes sont ses voisines. Animaux et population locale cohabitent dans la réserve de Kouré. Les habitants ont d'ailleurs été associés à la création du parc, pour lui assurer son succès. Car avant la création de l'AVN, la girafe était principalement menacée par l'homme. "Elles étaient abattues pour être utilisées dans des préparations pharmaceutiques traditionnelles ou pour leur viande", explique Hama Moumouni Dibachir. "Et au-delà de cela, les habitants étendaient leurs champs de culture au détriment des girafes. Ils coupaient également les arbres pour faire du feu et se nourrir". Aujourd'hui, les habitants sont maigrement dédommagés pour les pertes occasionnées par les mammifères. "Maintenant, elles s'attaquent à nos champs de haricots. Pendant la saison sèche, c'est les mangues", se lamente Aïssa, que nous croisons en compagnie de ses nombreux enfants et d'autres villageois. "Nous, nous souhaitons que les girafes restent, mais nous voudrions aussi des aides plus importantes. La mairie ne trouve pas assez d'argent pour nous apporter un soutien financier".
Peu de touristes, peu de rentrées
50% du prix billet d'entrée sont pourtant destinés à venir en aide aux villageois. Problème: les touristes se font extrêmement rares désormais au Niger. "On arrive à avoir quelques visiteurs, surtout le weekend", explique Hama Moumouni Dibachir. "Environ deux voitures par jour. Mais c'est malheureusement beaucoup moins qu'il y a cinq ans.", déplore-t-il. "90% des visiteurs sont des expatriés qui viennent de Niamey ou des pays voisins". Pourtant, l'expérience en vaut le détour. Une vraie parenthèse magique en plein cœur de l'Afrique.