NIAMEY -- Au Niger, devant la persistance des coupures intempestives d'électricité, malgré la mise en service d'une nouvelle centrale à Gorou Banda, près de la capitale, Niamey, et en dépit de toutes les promesses des autorités nationales, la population, désenchantée, exprime son ras-le-bol, constate-t-on à Niamey.
En effet, pour remédier au problème grave de la fourniture d'électricité dans la capitale et ses environs, le président nigérien Mahamadou Issoufou avait procédé le 2 avril dernier à l'inauguration d'une centrale thermique de 100 mégawatts à Gorou Banda, sur la rive droite du fleuve Niger, dans la banlieue de Niamey.
Alors que la population se croyait à l'abri de ces désagréments, l'espoir fut de courte durée. Le calvaire est de retour, et de manière plus intense : les populations subissent de plus belle le calvaire des délestages qui durent désormais des heures.
Les hommes en souffrent sous les affres des températures qui tournent autour de 45°C, l'administration est bloquée et toutes les activités économiques sont paralysées.
Le soir, Niamey tombe dans le noir, plongeant les habitants dans l'insécurité totale, au moment où le pays vit sous la menace de frappes des mouvements terroristes.
Souvent, c'est par des clameurs instantanées "Dendjey ka, Dendjey ka" ("La lumière est venue, la lumière est venue", en langue zarma) que la population accueille le retour de l'électricité qui ne dépasse guère quelques heures.
La situation est encore plus compliquée dans les hôpitaux, les ateliers de soudure, restaurants, pour les boulangers et vendeurs de produits de froid, dont les activités sont au ralenti faute d'électricité.
"On est entrés dans une cadence plus grave que celle du passé, c'est vraiment insupportable", s'indigne un citoyen.
"Alors, à quoi a servi la construction de la centrale de Gorou Banda qui était supposée régler définitivement le problème d'électricité à Niamey et dans ses environs ? C'est plutôt 'Gorou Banza' (ndlr : Gorou inutile, en langue haoussa)", crie avec amertume un autre.
Pour l'acteur de la société civile, Abdoul Aziz Abass, "c'est une incompétence notoire des responsables de la NIGELEC (la Société nigérienne d'électricité)". "Nous en avons marre", s'exclame-t-il.
Le directeur général de la NIGELEC justifie cette situation par plusieurs facteurs se résumant notamment à l'instabilité du réseau interconnecté du Nigéria voisin, la construction inachevée de la ligne d'évacuation de Gorou Banda permettant d'évacuer la plénitude de la production de la centrale, et les conditions climatiques du pays qui provoquent "des claquages, des explosions de transformateurs dans différents quartiers et de façon quasi quotidienne". "Seul Dieu a la solution", déclare impuissant le directeur général de la NIGELEC, Alassane Halid.
M. Seydou, huissier à Niamey, trouve "malheureux qu'au XXIème siècle, le Niger continue de brûler du fioul pour produire de l'électricité, alors que le pays est le 3ème producteur mondial d'uranium, et le plus ensoleillé du monde".
Pour lui, "c'est une insulte à la mémoire du Nigérien Abdou Moumouni, premier professeur en énergie solaire en Afrique subsaharienne, qui a créé et expérimenté les panneaux solaires dans plusieurs pays du continent". "C'est inadmissible que le Niger soit incapable d'exploiter aujourd'hui ce capital", regrette-t-il.
Pour y palier, il propose que l'Etat, dans l'incapacité de produire de l'électricité à suffisance, accepte de subventionner "le solaire" (panneaux solaires et autres équipements) au profit des citoyens. Il est convaincu que "l'option solaire s'impose à nous".
L'option du solaire comme la solution idéale à la problématique énergétique au Niger est également défendue par le professeur Albert Wright, directeur à la retraite de l'Office national de l'énergie solaire du Niger (ONERSOL), ancien confrère d'Abdou Moumouni.
Le Niger, l'un des points les plus ensoleillés de la Terre, ne profite malheureusement pas de cette richesse naturelle inestimable qu'est le soleil, dont les rayons éclairent le pays douze mois sur douze.
Au lieu d'injecter plus de 80 milliards de francs CFA dans une centrale à base de gasoil, et qui ne répond pas aux attentes de la population, il propose d'installer deux centrales solaires pouvant satisfaire les besoins en énergie électrique du pays pour plusieurs décennies, à moins de 60 milliards de francs CFA.
Selon M. Boubacar, directeur administratif, des pays comme la Chine, très avancée en la matière, peuvent partager leur expertise avec le Niger dans le cadre d'accords de coopération.
"La Chine peut également aider le Niger à assurer sa fourniture électrique en investissant davantage dans les énergies renouvelables (éolienne, solaire, le traitement des déchets)", estime-t-il.
M. Seydou s'émerveille devant l'exemple de l'Allemagne, pionnière en matière d'énergie solaire et éolienne, qui vient de fêter sa 50ème année sans coupure d'électricité.