Ils appelaient à une « grande marche » pour « sauver l'école nigérienne et dire non à la mauvaise gouvernance et à la corruption ». Rendez-vous était fixé samedi 20 mai à 8 heures dans le centre de Niamey, la capitale. Mais l'initiative du Collectif des organisations de la société civile a tourné court. Elle a été interdite par les autorités. Leur précédente tentative de mobilisation, le 10 mai, avait déjà subi le même sort. « Avec cette énième interdiction, Mahamadou Issoufou vient de montrer à la face du monde qu'il a mis entre parenthèses la démocratie au Niger (…) Nous userons de tous les moyens pour la restauration de la démocratie dans notre pays », a réagi face à la foule déjà présente l'un des organisateurs de la marche, Ali Idrissa, coordinateur national du Réseau des organisations pour la transparence et l'analyse budgétaire (ROTAB) et de la coalition internationale Publiez Ce Que Vous Payez.
Ces propos jugés « trop virulents » ont valu à leur auteur d'être interpellé et conduit à la police judiciaire, où il a de nouveau été convoqué et auditionné lundi 22 mai. Ali Idrissa en est ressorti libre, mais « le dossier reste ouvert », lui a-t-on signifié. Pour l'heure, cet épisode accentue le sentiment d'atteinte aux libertés (d'opinion, d'expression, de manifestation) sous la présidence de Mahamadou Issoufou, et ne manque pas d'interroger sur l'état de la démocratie au Niger.
"La dictature en marche"
En l'espèce, le titre en une de l'hebdomadaire nigérien Le Monde d'aujourd'hui est sans équivoque : « Interdictions des manifestations et arrestations : la dictature rose en marche ». « Depuis les dernières élections contestées de février et mars 2016, à l'issue desquelles le président Issoufou Mahamadou s'est présenté seul devant les électeurs (l'opposition a boycotté le deuxième tour, ndlr), pendant que son challenger Hama Amadou était gardé en prison, toute manifestation de contestation contre le pouvoir est systématiquement interdite. La moindre critique contre ce pouvoir est vite assimilée à un complot visant à la renverser » écrit Dan Lamso.
« Niger : sale temps pour les activistes de la société civile », titre, plus sobre, le site d'info //mce_host/xms/document/Michel.deLorgeril@univ-grenoble-alpes.fr" target="_blank" title="">Bénin Monde Infos, selon qui, toutefois « les autorités nigériennes s'illustrent tristement par une pratique digne d'une autre époque. »
« Ces deux dernières semaines, la paranoïa du régime de Mahamadou Issoufou a atteint un pic avec ces multiples arrestations et autres intimidations de membres de la société civile et d'opposants politiques », abonde Nigerdiaspora. « Après Maikoul Zodi (président du Mouvement des jeunes Républicains et membre de la campagne internationale « Tournons la page », arrêté le 5 avril et libéré le 19 avril, ndlr) et Baba Alpha de la Télévision Bonferey, encore en prison en compagnie de son vieux papa, c'est autour d'Abdouramane Insar, Ali Idrissa et Amadou Ali Djibo dit Max, d'être interpellés et poursuivis sous de fallacieux prétextes », énumère le site d'actualités nigériennes basé à Bruxelles.
Les arrestations se multiplient
Abdourahmane Insar est militant du Cadre d'action pour la démocratie et les droits de l'homme (CADDRH). Il a été interpellé le 14 mai, peu après avoir encouragé sur Facebook à battre le pavé, en réaction à l'interdiction de la manifestation du 10 mai. Il est poursuivi pour « incitation à la violence ». L'homme est aussi connu pour publier régulièrement sur les réseaux sociaux des messages liés l'« uraniumgate ». Cette affaire révélée en février par le journal nigérien Le Courrier accuse le ministre des Finances d'avoir détourné des caisses de l'État 200 milliards de francs CFA, somme émanant d'une transaction d'uranium datant de 2011. Abdourahmane Insar est devenu « le champion, sur les réseaux sociaux, de la revendication citoyenne « Bring back our money », souligne le CADDRH dans un communiqué appelant à sa libération.