KAMPALA -- Des experts réunis en Ouganda mercredi ont appelé les dirigeants africains à honorer leur promesse d'investir 10% de leur budget national dans l'agriculture, s'ils souhaitent sortir de la pauvreté des millions de leurs concitoyens.
Un nouveau rapport publié par l'organisation caritative Oxfam a montré que de nombreux pays avaient promis d'augmenter leur financement de ce secteur jusqu'à hauteur de 10% de leur budget national, mais beaucoup étaient revenus sur cette promesse.
Selon la commissaire de l'Union africaine (UA) à l'économie rurale et à l'agriculture, Josefa Scko, certains font valoir que ce pourcentage devrait être revu à la baisse car leur économie est peu importante.
Les dirigeants africains ont pris cet engagement financier lors d'un sommet de l'UA à Maputo en 2003, et ils ont créé à cette occasion le Programme complet de développement de l'agriculture en Afrique (CAADP), le grand plan du continent pour une révolution agricole.
Plus de 10 ans après la création du CAADP, la famine, la malnutrition et la pauvreté extrême persistent. Le rapport d'Oxfam intitulé "Broken Promise! Financing African Small Holder Agriculture" (promesse rompue, le financement de l'agriculture de petits exploitants en Afrique) dénonce le faible niveau d'investissements dans ce secteur.
Agnes Kalibata, présidente de l'Alliance pour une révolution verte en Afrique (Alliance for a Green Revolution in Africa - AGRA), a fait valoir que les chiffres démontraient que les pays qui ont adopté et mis en œuvre le CAADP ont enregistré une croissance supérieure à 6%, évoquant l'exemple de l'Éthiopie.
"Les premiers à l'avoir adopté comptent parmi les pays au développement le plus rapide de ce continent", a-t-elle dit aux journalistes. "Il ne s'agit pas que de ressources minérales mais d'investir dans l'agriculture".
Une fois atteint l'objectif de 10% des dépenses consacrées à l'agriculture, les bases permettant aux agriculteurs de se développer en révolutionnant l'agriculture seront posées, a-t-elle plaidé.
Mme Kalibata, qui est aussi ex-ministre rwandaise de l'Agriculture, un pays salué pour l'amélioration de sa performance agricole, a fait valoir qu'il y avait également un grand nombre d'autres questions à résoudre pour les pays.
Les dirigeants aux niveaux supérieur et inférieur doivent concevoir et mettre en œuvre des politiques appropriées pour renforcer le développement agricole, a-t-elle dit, évoquant les problèmes de politique fiscale appropriée, de financement du crédit, et de fonctionnement du marché, entre autres.
Une fois ces engagements traduits en actes, l'agriculture en Afrique ne sera plus la même, a-t-elle dit.
Les experts estiment qu'il est consternant de voir l'Afrique continuer de perdre des milliards de dollars en importation de nourriture alors que 40% de ce qui est produit sur le continent est gâché en raison d'une mauvaise gestion post-récolte.
Les chiffres de la Banque africaine de développement montrent que l'Afrique perd environ 35 milliards de dollars par an en importations de nourriture. Les experts mettent en garde que ce chiffre pourrait s'élever jusqu'à 110 milliards de dollars en 2025.
Mme Kalibata a fait valoir que l'argent consacré aux importations de nourriture devrait à la place être utilisé pour développer l'agriculture, ce qui assurerait un emploi à la population jeune du continent.
"Nous devons tirer avantage de la masse de la jeunesse", a dit Mme Kalibata. "Nous exportons nos emplois en important de la nourriture".
Selon les chiffres de la Banque mondiale, les jeunes représentent 60% de la population sans emploi d'Afrique.
Les jeunes doivent être encouragés à s'engager dans l'agriculture au lieu d'entreprendre des voyages dangereux au travers de la Méditerranée pour aller chercher des opportunités d'emploi en Europe, a-t-elle noté.
"Il est nécessaire de changer l'état d'esprit des jeunes à propos de l'agriculture. L'agriculture peut être menée comme une entreprise. Il vaut mieux se lancer dans l'agriculture que de traverser la Méditerranée", a dit Mme Sacko.
Estherine Fotabong, directrice de la coordination et de la mise en œuvre de programme au sein du Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) a déclaré que les pays devraient tirer profit du fait que l'agriculture est au sommet du programme politique du continent, contrairement aux années précédentes.
Pour la première fois, l'Afrique a élaboré sa voie de développement dans le secteur de l'agriculture sans qu'elle soit dictée par les donateurs, a déclaré Mme Fotabong. Les donateurs ont aligné leur aide au développement sur le CAADP, a-t-elle dit.
Les pays africains n'ont plus d'autre choix que d'adopter et de mettre en œuvre le CAADP, a-t-elle ajouté.