Dans notre précédente livraison, nous évoquions les tentatives de regroupements et les tractations ou les tentatives de la Diaspora africaine en Europe qui ont abouti à la mise en place de l’OUA le 25 Mai 1963 à Adis Abéba en Ethiopie . Enfin, nous continuons cette série pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants , les efforts et d’ailleurs des sacrifices consentis par les pères fondateurs . J’ai donc pensé que cette contribution pourrait aider à mieux saisir la portée historique et la courageuse idée qui ont amené nos précurseurs à construire l’Afrique à travers le Panafricanisme . Nous nous sommes arrêtés à l’année 1921 qui fut celle qui avait vu la naissance des Mouvements antiracistes aux Etats Unis d’Amérique à l’endroit des noirs .Nous continuons notre contribution toujours tirée de nos travaux universitaires et de notre livre « De l’Organisation de l’Unité Africaine OUA à l’Union Africaine UA S’Unir pour Construire » Contribution à l’Unification d’un Continent.
LE TROISIEME CONGRES PANAFRICAIN DE PARIS ET DE LISBONNE EN 1923
Comme nous le voyons , l’opinion sur le Panafricanisme commençait à naitre et, du coup elle fut répandue en 1923 , si bien que le Dr DUBOIS qui fut pourtant l’un des promoteurs des rencontres africaines , s’était curieusement heurté à l’hostilité , craignant que le mouvement ne soit illégal. D’ailleurs, cette méfiance à l’égard du Dr Du Bois a été manifestée par un autre Panafricaniste , Marcus Garvey qui le taxait de complaisance à l’égard des blancs pour avoir fait des concessions à ceux- ci .
Cette dualité entre les promoteurs de l’Unité et de l’Union des noirs , démontre combien le sujet était si important et occupait par conséquent une place de choix à l’époque . D’ailleurs, à chaque moment, les tendances se dessinaient et naissaient . Elles se démarquaient en créant soit des courants au sein de ces mouvements ou alors, elles se séparaient . Le consensus étant parfois difficile à réaliser les objectifs, les méthodes , les visions et les cheminements se trouvaient parfois contradictoires . Ce fut le cas du Dr Dubois et de Marcus Garvey qui , tous deux étaient les véritables inspirateurs d’un mouvement Panafricain , une doctrine que partageaient pourtant l’un et l’autre. On constate d’ailleurs que le leadership est non seulement une fonction qui demande beaucoup d’efforts mais , de finesse et de courage également . Elle exige assez de qualités pour guider et orienter un groupe ou groupe de Communauté . Ce Congrès va se dérouler simultanément à Paris et à Lisbonne . Les assistants étaient peu nombreux mais, il n’empêche que cette rencontre a vu s’affirmer l’idée d’un Panafricanisme en Europe d’abord et enfin en Afrique . Les Congressistes comme les précédents vont défendre d’abord les décisions prises au cours des rencontres ultérieures ainsi que les acquis avant de faire d’autres propositions . Celles issues de ce troisième Congrès qui étaient les suivantes « Que les noirs accèdent au gouvernement local puis à l’enseignement gratuit pour tous . Les délégués insistèrent pour que la résistance armée soit reconnue aux noirs là où ils font l’objet d’attaques armées de la part des blancs . D’ailleurs, les Congressistes réclameront le désarmement entre les grandes Nations et l’instauration de la Paix . Des résolutions seront prises pour solliciter l’organisation du commerce et de l’Industrie afin qu’elle ne profite pas à une minorité des blancs. Au Portugal , l’ancien Ministre des colonies réclamait à son tour l’abolition totale de l’esclavage et du travail forcé dans les plantations en Angola et en Afrique Portugaise .
Que faut- il retenir de ce Congrès ? Des efforts et une évolution des évènements qui permettront grâce à toutes ces pétitions et prises de positions , la concrétisation de toutes ces doléances . Retenons qu’en 1924, soit un an après , le gouvernement colonial Britannique ira jusqu’à accepter le retour de Prempeh 1er en Gold Coast ( l’actuel Ghana ) déporté et la création des conseils auxquels pourront enfin accéder les noirs . Une victoire des Congressistes qui marque ainsi une nette avancée des noirs dans la revendication de leurs droits . Ce qui va permettre d’accorder plus de crédit aux élites qui entendaient lutter efficacement grâce à ce genre de rencontres en vue de conquérir et d’être entièrement dans leurs droits inaliénables . Mais, la lutte ne fait que commencer et les résultats encourageait à poursuivre le combat .
LE QUATRIEME CONGRES DE 1927 DE NEW YORK
Nous venons de voir que le 3è Congrès a permis d’avancer sérieusement dans le domaine des revendications que les élites africaines, n’avaient pas cessé de brandir à chaque rencontre. Ce quatrième Congrès aura réuni 2O8 délégués venus d’une dizaine de pays . Une véritable progression au niveau de la représentation lorsqu’on se rappelle que de 30 Délégués en 1919, en passant par le Congrès de Londres avec 130 représentants , le chiffre a donc évolué lors ce Congrès de 1927 . La doctrine du Panafricanisme sera définie et elle servira de cheval de bataille pour réaliser l’Unité Africaine et des africains dans le monde . Elle servira notamment de point de départ et d’appui aux divers futurs combats des noirs . En vue de la reconnaissance de leurs droits c’est à dire de la liquidation de tous les préjugés . Un Congrès qui avait réuni autant de Délégués et qui servira de tribune à partir de laquelle les élites avaient fait reconnaitre leurs droits auprès de ceux qui les gouvernaient . Fait sans précédent. En effet, une forte Délégation des femmes noires américaines y avait également fait son entrée , en participant à ce Congrès inédit . Dans la foulée, tous les participants réclamaient haut et fort , le droit des noirs à la terre d’Afrique et aux ressources de ces terres qu’ils considéraient comme étant leurs propriétés . Nos retiendrons que ce Congrès réclamait entre autre, le droit à une justice équitable , conforme à celle rendue , adaptée aux conditions locales par les juges africains . Enfin l’enseignement gratuit et le développement de nos colonies . Autant de revendications qui avaient marqué un véritable tournant dans l’histoire des peuples noirs , aspirant à nouvel statut . Les participants avaient demandé en plus que la guerre ne soit plus un moyen par lequel il faut régler les conflits et souhaiteraient le désarmement mondial total . Une telle revendication , même si elle ne risquait pas d’aboutir, devrait au moins avoir le mérite d’avoir été annoncée au monde entier . Le Congrès dénonça avec force le honteux et indigne trafic dont les noirs sont victimes de la part des colonisateurs .
DU PANAFRICANISME CUTUREL A LA SOLIDARITE POLITIQUE
C’est en 1928 que le Panafricanisme culturel va évoluer vers une solidarité politique .En effet, en 1928, un anthropologue, sociologue et Docteur en médecine , Price Mars, écrivait « il y a eu un moment donné , sur le Continent africain des centres de civilisations nègres , dont non seulement on a retrouvé les vestiges mais, dont l’éclat a rayonné par delà les limites de la steppe et du désert . » Le Professeur académicien Léopold S. Senghor , futur Président du Sénégal, alors député au Parlement français écrivait « qu’il est des noms qui sonnent comme un manifeste . Ainsi fut révélé le nom du Docteur Price Mars lorsque je l’entendais pour la première fois . Etudiant à la Sorbonne , j’avais commencé à réfléchir aux problèmes, à une connaissance culturelle en Afrique. En hommage sûrement aux africains qui avaient pris conscience de la nécessité de favoriser des rencontres pour débattre des problèmes des noirs . II s’adressait à ceux qui avaient œuvré pour le rapprochement des peuples noirs, divisés , comme nous l’avons vu par l’occupation coloniale , la traite et l’esclavage . De nombreuses rencontres informelles d’ailleurs s’étaient tenues avant celle de 1945 . En effet, ici ou là des déclarations et des prises de positions eurent lieu en faveur du Panafricanisme et, elles avaient suscité auprès des responsables noirs et africains , une évolution vers un plus grand rassemblement à coloration politique . Malheureusement, parce que , toutes ces ardeurs, ces luttes et combats allaient être freinés par la deuxième guerre mondiale. Elle coupera court à toutes ces tentatives et initiatives courageuses des noirs qui voulaient promouvoir leurs idées Panafricaines .
LES PIONNIERS AFRICAINS DE CET IDEAL
A cette époque, quelques rares intellectuels qui avaient pu poursuivre leurs en Europe, on pouvait citer le lion Jomo KENAYATTA , futur Chef d’Etat du Kenya, le père de l’indépendance. II s’opposera farouchement à l’Administration coloniale. A cause de ses idées panafricaines et de partisan d’une rupture avec le colon, comme la plupart de ses collègues africains.
. II participera activement à la création de l’International African Source Bureau en Europe . Cette organisation avait placé à l’avant garde, la lutte pour l’indépendance et l’Unité Africaine . Et ira même jusqu’à éditer et diffuser un journal du nom de Panafrica à travers lequel on lira des plumes anticolonialistes mais panafricanistes. La cause était noble mais , le combat sera rude .
Nous allons nous arrêter ici, en poursuivant dans la prochaine série à partir de 1943 qui sera enfin l’année du transfert des luttes et des combats sur le Continent africain jusqu’aux indépendances et au delà .