Après le refus dogmatique du pouvoir de répondre favorablement aux revendications des contractuels une année durant, l’Etat veut leur imposer un test qui n’a aucune légitimité. De plus, ces pauvres et humbles enseignants viennent d’être victimes de violence aveugle, à Tillabéry et à Dosso.
Le Samedi 15 Juillet 2017 est la date qui a été retenue par les autorités scolaires de notre pays pour l’organisation de l’évaluation des enseignants contractuels. Événement plein d’enjeux pour les uns et hautement controversé pour les autres. En effet pour le Ministère en charge de l’éducation, ce présumé test lui permettrait de saisir les capacités réelles de ses enseignants afin de proposer des mesures idoines pour relever leur niveau que tous s’accordent à reconnaître qu’il est dangereusement bas et même catastrophique. Pour les enseignants contractuels, cette évaluation n’est rien d’autre qu’un subterfuge imaginé par le Ministère pour vider une grande partie ‘entre eux ; du moins, ce test est considéré par les contractuels comme une insulte si l’on tient compte des conditions extrêmement misérables dans lesquelles ils exercent leur métier. Cette situation, nul ne l’ignore dans ce pays. Il suffit de sortir des gros centres urbains pour se résoudre à comprendre que les enseignants contractuels consentent énormément de sacrifices dans l’exercice de leur fonction. Des écoles, notamment des collèges sont aujourd’hui crées dans des villages où la précarité représente le maître mot. Pour se mettre à l’abri de certaines charges comme les allocations et les cantines, l’Etat a fait le choix très périlleux de créer ces écoles un peu partout, dans des villages presque insignifiants où souvent la population n’arrive même pas à être mobilisée pour construire les hangars ou les logements des enseignants. Combien d’enseignants refusent chaque année de rejoindre leur poste d’affectation faute de trouver un logement décent ? Dans certaines bourgades, l’enseignant devient à la rentrée le maître d’oeuvre du chantier de construction des hangars qui servent de classes et de la case devant l’accueillir une année scolaire durant. Cahin-caha, sans aucune motivation réelle que le sens du devoir, l’enseignant arrive à créer son cadre de travail et de vie.
Deux ou trois classes dressées à attendre le complément du personnel qui arrivera on ne sait quand. Le malheureux va s’activer comme un automate à servir dans les deux ou trois classes où les enfants sont assis à même le sol ou sur des nattes de fortunes devant un tableau plus blanc que noir, usé par la routine. Le pécule ? Le premier pécule, il faut attendre au moins trois mois, le temps que les services redondants de la municipalité fassent le point, la situation des enseignants épars, éparpillés çà et là sur son territoire. Aucune statistique fiable ou viable. Pendant ce temps, le malheureux perd petit à petit sa crédibilité en s’endettant auprès des commerçants du village. Tel est le cadre d’exercice de ces enseignants contractuels. Toute l’année ils sont soumis au stress, à la désolation et à la misère de leur cadre d’exercice. Pendant ce temps, des techniciens de l’école sous les climatiseurs ronronnant de Niamey s’activent à imaginer des canevas de sortie de crise pour solutionner la baisse de niveau criarde qui mine l’environnement scolaire. Le ridicule ne tue pas dans ce pays.
Certes, notre système éducatif souffre énormément du déficit de formation des enseignants qui sont le plus souvent recrutés sur le tas. On appelle cette catégorie « les bruts », autrement dit ceux qui n’ont pas fréquenté les écoles normales, ceux-là qui n’ont suivi aucune formation pédagogique. D’ailleurs, même ceux ayant fréquenté les écoles normales sont loin de répondre conséquemment aux attentes. Globalement, les enseignants n’arrivent plus à dispenser les cours qu’il faut aux élèves qui de plus en plus deviennent plus abrutis que réellement instruis.
Quelle est la solution appropriée à une telle situation de déficit à tous les niveaux ? Si vous nous suivez attentivement depuis le début, vous êtes très certainement en train de vous tordre de rire. En effet, vous vous êtes certainement rendus compte que la solution est tout sauf ce ridicule test que l’on s’évertue à faire passer aux pauvres et humbles enseignants contractuels. Ceux de Niamey et autres gros centres ont encore de la voix. Cependant, ceux exerçant dans les campagnes restent muets, hébétés et déboussolés par la situation. Ils sont loin d’imaginer que le salaire des sacrifices et autres privations qu’ils s’imposent pour servir dans des conditions sulfureuses soit ce test insultant. Au vu de l’environnement dans lequel ils exercent, il faut être un diable ou un génie pour pouvoir donner le meilleur de soi. Pas de classes appropriées ; pas d’équipements ; même pas de manuels pédagogiques ; pas de rémunérations adéquates et à temps… que voulez-vous de concret que vous fournisse un enseignant ? De plus, ont-ils jamais demandé à être recrutés avec le niveau qu’ils ont ? C’est à dire bruts ? Non ! C’est plutôt la municipalité, l’inspection qui, pour ne pas laisser les écoles fermées toute une année qui font appel à eux. On connaît très bien leurs défaillances quand bien même on les a appelés pour venir servir. Pourquoi vouloir coûte que coûte jeter la responsabilité sur ces pauvres victimes ? Si réellement l’Etat est conscient du déficit de niveau des enseignants contractuels, il doit systématiquement organiser des activités pour y remédier. Rien ne sert de vouloir chercher à identifier qui a besoin de quoi. Tous, nous disons bien Tous ont besoin de ces formations et à tous les niveaux. Au niveau primaire tout comme au collège et au lycée (même à l’université), les défaillances sont les mêmes : ils ne savent pas conjuguer correctement les verbes ; ils ne savent pas formuler des objectifs pédagogiques ; ils ne savent pas établir un canevas de déroulement d’une leçon ; ils ne savent pas trier les connaissances pour élaborer une bonne trace sur cahier ; ils ne maîtrisent pas la taxinomie pour une bonne évaluation. Voilà les principales défaillances de nos jeunes enseignants. Et nous défions n’importe quel pédagogue à trouver autre chose ou à nier les propos que nous tenons sur ces défaillances. Alors, arrêtons de tergiverser car nous connaissons très bien là où le bât blesse. L’autre goulot d’étranglement reste l’amélioration des conditions de vie et de travail. Quelque érudit que vous soyez sur le plan pédagogique, vous ne seriez jamais capable de conduire un bon enseignement si vous êtes stressé constamment par la gestion du quotidien. C’est pour l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail que s’agitent toute l’année les syndicats du secteur qui sont aujourd’hui diabolisés par le pouvoir. Juste parce qu’ils ont réclamé ce qui se doit. Cette évaluation est tout simplement une aberration et, enseignants, scolaires et parents d’élèves, tous doivent s’y opposer avec la dernière énergie. Vive les enseignants du Niger, mêmes ceux-là qui sont tapis dans les salons du larbinisme !