Séance de travail entre une délégation du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine et le gouvernement du Niger à Niamey : Evaluation de la situation sécuritaire et humanitaire de la région de Diffa
Après une visite de terrain dans la région de Diffa, la délégation du Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union Africaine conduite par l'ambassadeur Bankole Adeoye était, dimanche dernier, à Niamey où elle a eu une séance de travail dans la salle de banquet de la Primature avec le gouvernement du Niger, représenté par le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur, de la Sécurité, de la Décentralisation et des Affaires coutumières et religieuses M. Mohamed Bazoum ; du ministre de la Défense nationale et celui en charge des Affaires Etrangères. L'objectif de cette mission est de se rendre dans les quatre pays du bassin du Lac Tchad à savoir le Nigeria, Niger, le Cameroun et le Tchad pour évaluer la situation sécuritaire et humanitaire née de la présence de la secte terroriste Boko Haram. Outre les trois membres du gouvernement, on notait aussi la présence des responsables des Forces de Défense et de Sécurité du Niger à cet important échange.
En introduisant cette séance de travail, le ministre des Affaires Etrangères, de la Coopération, de l'Intégration Africaine et des Nigériens à l'Extérieur M. Ibrahim Yacoubou a précisé que le Niger salue à sa juste valeur cette initiative de l'Union Africaine. Elle est un signe d'intérêt et de solidarité de l'organisation panafricaine à l'égard des pays du bassin du Lac Tchad engagés dans un combat nécessaire pour la sécurité et au rétablissement des valeurs de la religion islamique pour laquelle la secte terroriste Boko Haram prétend mener cette guerre. M. Ibrahim Yacoubou a, en outre, réaffirmé à cette mission du Conseil de paix et de sécurité, l'engagement du Niger à contribuer à une meilleure implication de l'Union Africaine dans la gestion de cette situation. « Les défis sont nombreux du point de vue sécuritaire et humanitaire dans la région de Diffa, mais vous pouvez compter sur l'engagement de notre gouvernement à faire ce qui est de notre devoir pour que la sécurité des personnes et de leurs biens soit garantie et que les conditions du redressement socio-économique de la région soient aussi enclenchées», a assuré le ministre Ibrahim
Yacoubou.
Pour sa part, le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur, de la Sécurité Publique, de la Décentralisation et des Affaires coutumières et religieuses M. Mohamed Bazoum a fait un exposé détaillé sur la situation sécuritaire et humanitaire qui prévaut dans la région de Diffa avec des chiffres à l'appui. En effet, la situation sécuritaire a été caractérisée par deux changements importants qu'on peut situer avec précision à la deuxième décade du mois de juin 2016. « Depuis la grande action de Boko haram en début du mois de l'année 2016 contre notre base de Bosso, nous n'avons plus enregistré une attaque d'envergure de cette organisation, ou même lorsqu'elle a pu avoir lieu il y a de cela quelques trois mois, elle a tourné au fiasco en leur défaveur », a souligné le ministre Bazoum.
Sur le plan sécuritaire
La situation est sous contrôle depuis le mois de juin 2016 sur le plan militaire. « Il est bien vrai que nous n'avons pas pu mettre fin, de façon définitive, à l'existence de l'organisation et aux effets de son action qui se caractérisent par le déplacement important des populations qui ont cessé de vivre dans leurs villages et qui ont connu un déplacement qui leur a commandé de vivre sous la protection du système humanitaire national et international. Mais nous n'avons plus à affaire à une situation où nous sommes en proie à une menace de nature à remettre en cause notre sécurité de façon fondamentale. Les chiffres sont assez illustratifs à ce niveau. Aujourd'hui, comme toujours, Boko Haram n'existe pas sur le territoire du Niger. Cette organisation occupe plutôt les îlots en profondeur du Lac Tchad. Nous estimons les effectifs de Boko Haram à plus de 2000 combattants disposant de dizaines de véhicules», a relevé le ministre Mohamed Bazoum, tout en évoquant les avantages dont disposent les terroristes relativement à la connaissance du terrain et des populations environnantes.
Cependant, a expliqué le ministre d'Etat. M. Bazoum Mohamed, la secte terroriste Boko Haram a beaucoup de difficultés quant à sa capacité de disposer d'équipements adéquats et de personnel compétent. D'autre part, son environnement ne lui est pas toujours favorable. « Les populations ont de plus en plus un comportement hostile et réfractaire à l'existence de la secte terroriste Boko Haram », a-t-il dit.
Parlant de l'engagement de nos forces dans la lutte contre Boko dans le bassin du Lac Tchad, le ministre d'Etat a souligné que nos militaires ont activement participé à l'opération « Raouran-Kada » au Nigeria qui aura duré trois mois (du 25 janvier au 25 avril) sur deux axes. « Il y a eu d'abord un premier axe où nous avons procédé à des frappes aériennes ciblées, et le bataillon spécial d'intervention du Niger ainsi que les Forces bilatérales tchadiennes stationnées à Bosso (la localité situé au Sud et qui est en contact avec le Nigeria et les positions de Boko Haram), ont nettoyé toutes les iles accessibles situées dans la partie nigérienne et ont neutralisé toutes les poches de résistance que nos Forces ont pu rencontrer. Notre groupement opérationnel (...) a conduit une offensive dans la localité de Duoma à Malanfatori en territoire nigérian. Cependant, dans la configuration actuelle à notre frontière, le long de la rivière de la Komadougou du côté du Nigeria, les Forces nigérianes sont présentes dans les localités de Damassak et de Malanfatori. Mais tout l'espace entre ces deux localités restent dan les mains de Boko Haram. Ce qui donne à la secte à notre flanc Sud une profondeur stratégique. Cet espace est actuellement le ventre mou de notre pays. Le jour où cet espace sera occupé par l'armée du Nigeria, nous serons totalement sûrs », a indiqué le ministre de l'Intérieur.
Bilan des actions du secteur 4 de la Force Mixte Multinationale
Entre juillet 2016 et juillet 2017, le secteur 4 qui est celui du Niger dans la Force Mixte Multinationale présente le bilan suivant: nombre des éléments de Boko Haram neutralisés 251 ; nombre des éléments de Boko Haram neutralisés par les frappes aériennes plus de 700 ; nombre de suspect arrêtés 147 dont un émir et le nombre de ravitailleuses et complices arrêtés est de 61. Pour la même période, le bilan de nos pertes est de 19 morts malheureusement et 87 blessés.
Au plan humanitaire
La cible initiale de l'intervention humanitaire du Niger était 340.000 personnes, puis réévaluée par la suite pour atteindre désormais plus de 400.000 personnes. Cette augmentation se justifie entre autres par la hausse des prix de produits ; les faiblesses d'action de moyens d'existence. Il y a aussi des besoins en eau ; hygiène et assainissement. Dans le domaine de l'éducation, les besoins sont importants et la prise en charge est conséquente même si les besoins sont loin d'être satisfaits malgré la grande mobilisation de tous les partenaires. Cette situation est pareille pour la santé avec l'apparition d'une épidémie de l'hépatite E et de cholera ; pour les abris et les biens non alimentaires.
Quant aux défis liés à la situation humanitaire, ils se présentent ainsi : 96.821 refugiés nigérians ; 14.149 retournés (les personnes identifiées comme étant du Niger qui vivaient au Nigeria) et enfin 111.352 déplacés internes (ce sont toutes les populations de la frontière du Nigeria ; du coté du lac Tchad ou de la Komadougou qui ne peuvent plus vivre dans leurs villages à cause de l'insécurité générée par le phénomène Boko Haram).
Le ministre de la Défense Nationale, M. Kalla Moutari, a précisé qu'avec l'action de la Force Mixte Multinationale, la secte terroriste Boko Haram est affaiblie. Elle ne peut plus mener des actions d'envergure. En effet, dans le succès de la Force Mixte Multinationale, a dit le ministre de la Défense, le rôle du Nigeria a été déterminant en tant que pays africain victime de cette menace. Par ailleurs, il est bien vrai que Boko Haram s'est retiré en profondeur des iles. « Mais le problème qui se pose en nous, c'est les moyens adéquats pour traquer les éléments de la secte dans ces iles difficiles d'accès. Il faut des moyens que la plus part de nos Etats ne disposent pas », a expliqué le ministre Kalla Moutari.
Intervenant au cours de cette séance de travail, le président de la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix, le Colonel Major Mahamadou Abou Tarka s'est appesanti sur les actions civilo-militaires qui ont permis aux Forces de Défense et de Sécurité de reconquérir le cœur et l'esprit des populations en développant un discours permettant de déconstruire le discours de Boko Haram. Pour ce faire une caravane de paix a été organisée au Niger et des microprojets socio-économiques ont été mis en œuvre.
Après ces exposés, le chef de la mission, l'ambassadeur Bankole Adeoye a félicité les autorités pour les actions entreprises pour combattre efficacement Boko Haram. La parole a été ensuite donnée aux uns et autres pour poser des questions auxquelles le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur a apporté des réponses adéquates.