Arrêtés le 16 mai 2016, Bakary Seidou, Mala Ari et Idé Kalilou entament leur quinzième mois de détention, sans que le dossier dans lequel ils ont été impliqués connaisse la moindre évolution. Ces trois proches collaborateurs de Hama Amadou lorsqu’il était Premier ministre, sont accusés par le régime en place d’avoir détourné environ cinq (5) milliards FCFA, correspondant à 30 500 tonnes de vivres, fruit d’une assistance des Partenaires techniques et financiers (PTFs) du Niger. Malgré les multiples preuves de leur innocence, plusieurs fois brandies par des sources autorisées, Bakary Seidou, coordinateur de la Cellule «crises alimentaires et gestion des catastrophes (CCA/GC)», Mala Ari, directeur de Cabinet du Premier ministre Hama Amadou et son adjoint Idé Kalilou au moment des faits, ainsi que Idrissa Koubokoye et Moussa Larabou fils, continuent à garder prison. Selon les conclusions de l’enquête préliminaire diligentée au début de l’affaire qui remonte à 2005, il était pratiquement impossible de détourner les fonds concernés puisque les personnes incriminées n’y avaient nullement accès. C’est le lieu de rappeler que l’opération était suivie et contrôlée sur toute la ligne par les représentants des PTFs, conjointement avec la partie nigérienne, de l’avis d’appel d’offre au paiement des fournisseurs, en passant par le dépouillement et la réception des vivres, conformément au terme du contrat. Auparavant, l’audit interne des PTFs eux-mêmes a trouvé l’opération bien régulière dans tout le processus, et c’est même ce qui a valu à Bakary Seidou un témoignage de satisfaction des donateurs. Cet audit n’a rien décelé d’anormal. Enfin, en septembre 2016, répondant à une sommation de dire suscitée par le conseil des avocats des prévenus, les services de l’OPVN ont répondu avoir réceptionné les céréales en question, en quantité et en qualité indiquées dans le contrat.
C’est le 31 août 2016 que l’huissier a saisi par courrier l’Office des produits vivriers du Niger (OPVN) pour « une sommation de dire que courant année 2005, elle a procédé à la réception respective de 11000 tonnes et 12500 tonnes provenant du fournisseur Soumana Hamadou et 5500 et 1500 tonnes de riz provenant des Ets Moussa Larabou. Qu’à ce titre, les responsables dudit office ont signé des attestations de réception desdites céréales. Que depuis quelques années une inspection met en doute la livraison réelle des céréales de ces diffé- rents fournisseurs ». En réponse, les services concernés de l’OPVN ont donné l’information suivante : « Selon les informations qui me sont fournies par les magasiniers qui étaient en poste au moment des faits, l’OPVN a ré- ceptionné en 2005 les quantités de céréales ci-après des fournisseurs Soumana Hamadou et Ets Moussa Larabou dans ses magasins de Lazaret et de la Rive Droite (céréales en tonnes) :
Il est vrai que la réponse des services de l’OPVN à la sommation de dire ne constitue pas une décision de justice, mais elle fournit les réponses à toutes les interrogations et les soucis de vérité de l’accusation. Après tous ces élé- ments qui innocentent les accusés, on peut se demander ce que l’accusation veut de plus, si tant est qu’elle est uniquement guidée par le souci de la vé- rité. Pour beaucoup d’observateurs, Bakary et ses compagnons sont tout simplement des prisonniers politiques, qui paient le prix de leur proximité avec l’opposant irréductible Hama Amadou ; l’homme qui, de sa cellule de Filingué, a imposé un second tour au présidentcandidat. Les violations constantes des lois et règlements de la République, le harcèlement et l’enfermement des opposants, journalistes et membres de la société civile, sont devenus le sport favori de la Renaissance, un régime en situation d’échec patent. Par contre, l’impunité totale est accordée à ceux qui font allégeance au système. Ceux qui ont mis en péril les intérêts vitaux et stratégiques du Niger se la coulent douce et narguent les Nigériens. Les scandales politico-financiers où de hautes personnalités du régime sont régulièrement citées avec force preuves sont légion mais ne suscitent aucune action de la part de ceux qui ont la propension à s’autosaisir dans certaines circonstances. La liberté est la règle, et la prison l’exception, disent les spécialistes de la question. Mais sous la Renaissance, la pratique a consacré l’inverse, en faisant de la détention la règle, même avec toutes les garanties de représentation des suspects. Aujourd’hui, au Niger, les prisons sont bondées de prisonniers à caractère politique. Il est ainsi des journalistes critiques envers le ré- gime (les cas de Baba Alpha et d’Ali Soumana sont assez illustratifs), les membres de la société civile constamment interpellés et détenus, les opposants politiques. Leur tort, à tous, est de vouloir exercer les libertés et les droits que leur confèrent les lois et rè- glements de la République dans un Etat de droit. Que vaut alors un régime dé- mocratique sans contre-pouvoir, sans liberté d’expression et de critique ? Son contraire, sûrement.