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Entretien avec Seini Oumarou, haut représentant du président nigérien : « Si j’avais Hama Amadou au téléphone… »
Publié le mercredi 16 aout 2017   |  La Nation


Elections
© AFP par Issoufou Sanogo
Elections 2016: Conférence de presse des leaders de l`opposition
Mardi 23 Février 2016. Les partis d`opposition déclarent qu`ils ne reconnaissent pas les premiers résultats partiels des dernières élections présidentielles. Photo: Seini Oumarou


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Figure importante du paysage politique nigérien, Seini Oumarou, président du MNSD Nassara (le parti de l’ancien président Mahamadou Tandja), est aujourd’hui le haut représentant du président de la République du Niger, et ce après son ralliement à la majorité présidentielle à l’issue de la présidentielle de 2016. Dans cette interview réalisée par correspondance, l’ancien opposant parle de sa cohabitation avec le parti présidentiel, de la menace terroriste dans la sous-région, de son ancien allié Hama Amadou aujourd’hui en exil en France.

Vous êtes aujourd’hui le haut représentant du chef de l’Etat nigérien. En quoi consiste cette fonction ? Est-ce une vice-présidence qui ne dit pas son nom ?

Ce n’est pas un poste de vice-président, et d’ailleurs, les missions, telles que définies dans le décret du 18 octobre 2016, le précisent bien. Le HRPR est chargé, entre autres, de l’exécution des missions de Représentation du président de la République tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du territoire national ; de la conduite et de la gestion de projets à caractère politique, économique et/ou social à lui confiés par le chef de l’Etat.

Troisième force politique du pays, votre parti, le MNSD NASSARA a préféré rallier la majorité présidentielle en 2016. Qu’est-ce qui a motivé ce choix que certains de vos compatriotes jugent avant tout « alimentaire »?

Les motivations sont déclinées dans la déclaration officielle du Bureau politique national, rendue publique le 13 août 2016 et que nous résumons ainsi :

Il s’agit d’abord de la question sécuritaire : Il n’est un secret pour personne, qu’au-delà du Niger, c’est toute la sous-région qui est l’objet d’attaques de tous genres. Le Niger est particulièrement menacé de tous les côtés par des forces terroristes, à l’Est par le groupe Boko Haram, au Nord et à l’Ouest par des éléments djihadistes. Le dernier enlèvement de trente neuf de nos concitoyens (Ndlr….) prouve à suffisance que la question sécuritaire est une réalité qui mérite l’attention de tout le peuple nigérien. Face donc à toutes ces agressions qui, si on n’y prend garde, risquent de déstabiliser l’Etat et ses institutions, nous avons jugé utile de converger vers une union sacrée, c’est-à-dire l’union de toutes les forces vives de la nation. Car pour nous, il ne peut y avoir de démocratie sans Etat. Or, avec ces attaques qui, d’ailleurs, se généralisent de plus en plus dans la sous-région, c’est l’existence même de l’Etat qui pourrait être menacée.
Ensuite, il y a la question de la stabilité politique et institutionnelle du pays. Cette situation est en lien avec la première, c'est-à-dire la question sécuritaire. Devons-nous passer tout notre temps à faire une guéguerre entre partis politiques ou entre alliances de partis politiques, alors même que l’Etat fait face à de telles menaces ? Quel pays envisageons-nous de laisser aux générations futures si à travers nos guéguerres interminables nous contribuons à la fragilisation des institutions et du tissu social ? Je pense qu’il faut un dépassement de soi pour passer à l’essentiel, c’est-à- dire, ce que nous avons en commun de plus cher, c’est-à-dire Le Niger. C’est pourquoi, fort de notre expérience de plusieurs années de gestion du pouvoir d’Etat et de l’envergure de notre parti sur l’échiquier politique national, nous avons pensé que nous pouvions contribuer à la création d’un climat social et politique apaisé sans pour autant renier nos propres convictions. En somme, pour nous, la sécurité de la nation et la stabilité institutionnelle sont des conditions essentielles pour la consolidation de l’Etat de droit et la promotion économique et sociale de notre pays.
Salif Diallo, le président de l’Assemblée nationale burkinabè, grand ami du président Mahamadou Issoufou, a-t-il joué un rôle dans votre passage au camp du pouvoir actuel ainsi qu’on l’a entendu ?

Plusieurs personnalités ont voulu que nous nous rallions au PNDS dès la proclamation des résultats du premier tour de la présidentielle. Mais n’oublions pas que nous avions signé un protocole d’accord entre les partis de l’opposition dans le cadre de la Coalition pour l’Alternance 2016 (COPA 2016). Ce protocole d’accord stipulait que parmi nous, le candidat qui viendrait au second tour doit être soutenu par les autres candidats. Le MNSD NASSARA est un parti qui a toujours respecté ses engagements, donc nous avons tenu à respecter la parole donnée. Soulignons que les accords de la COPA sont électoraux, qui pouvaient continuer si l’un de nous avait été élu, malheureusement, cela n’a pas été le cas. C’est dire qu’après les élections, chacun était libre de ses engagements. Et c’est donc en toute souveraineté, sans aucune pression, interne ou externe, que notre bureau politique national a décidé de se rallier à la majorité présidentielle.

Au cours d’une interview qu’il nous avait accordée juste après sa réélection, le président Issoufou disait qu’en démocratie on n’est pas obligé d’avoir une opposition. Etes-vous de cet avis ?

Nous pensons que l’essence même de la démocratie c’est une majorité qui gouverne et une opposition qui contrôle l’action gouvernementale. Mais la question qu’il faut se poser est celle de savoir si dans nos pays africains, nous percevons bien notre rôle d’opposant quand nous sommes à l’opposition ? Est-ce que l’opposition doit toujours s’activer pour juste s’opposer et détruire même les fondements de l’Etat ? Je pense que le président Issoufou veut parler de cette opposition nihiliste. C'est-à-dire celle-là qui estime que, si ce n’est pas moi, ce n’est personne d’autre. Et c’est ce comportement que semble refléter les agissements de tous les acteurs politiques que nous sommes. Je suis persuadé qu’ayant été opposant pendant de longues années, le président Issoufou ne peut pas envisager la suppression ou la disparition d’une institution aménagée par la Constitution et la loi. Il nous faut tous, majorité et opposition, repenser nos manières de faire pour ne pas mettre en cause les fondements de la démocratie.

Aujourd’hui, le régime auquel vous appartenez essuie des critiques tous azimuts, pointant du doigt sa gestion et des tentatives de musellement de la presse. Quelle analyse en faites-vous ?

Le comportement de l’opposition et de la société civile est une manifestation tangible de la vivacité de la démocratie nigérienne. Elles sont dans leur rôle de contrôle de l’action gouvernementale dans le cadre de la veille citoyenne. Leurs critiques, si elles sont faites dans un esprit constructif, doivent contribuer à interpeller les gouvernants afin de corriger les insuffisances. Mais si elles sont faites dans un esprit de critique, c’est-à-dire sans raison objective, cela pourrait contribuer à la désarticulation même des fondements de l’Etat. Nous avons tous été, les uns et les autres, aussi bien au pouvoir, qu’à l’opposition. Nous savons que la loi a organisé le rôle de chacun des deux pôles, opposition comme majorité. C’est dire que ce que nous devons faire, nous devons le faire conformément à la loi. Et, surtout qu’au Niger nous avons eu la chance d’avoir créé un cadre de dialogue politique : Le Conseil national de dialogue politique (CNDP). Les acteurs politiques doivent donc accepter de privilégier le dialogue. Je pense qu’après les marches, les déclarations, les communiqués de presse, il faut penser nécessairement à s’asseoir, échanger de manière consensuelle et veiller à la mise en œuvre du consensus obtenu.

Vous arrive-t-il dans ce ménage avec Tarraya d’avoir envie de claquer la porte parce que vous serviriez juste de faire valoir?

Nos rapports avec le PNDS ont été déterminés à travers un protocole d’accord qui tourne essentiellement sur la gestion du pouvoir d’Etat pour le bien commun. Dans une entente mutuelle, nous faisons en sorte que ce protocole soit respecté et cela passe nécessairement par des rencontres au niveau des organes dirigeants. S’il y a des problèmes, ce qui ne peut manquer, nous en discuterons entre alliés et trouverons nécessairement des solutions en vue d’une bonne collaboration.

Hama Amadou, l’un de vos anciens alliés, est aujourd’hui en exil en France. Etes-vous en contact avec lui ?

Nous n’avons aucun contact avec Hama sur le plan politique.

Que lui diriez-vous si vous l’aviez au téléphone ou en face de vous ?

Je lui dirais tout simplement, en tant que croyant, d’accepter avec sérénité et courage ce qui lui arrive. Cela fait partie de la vie de tout homme.

Pensez-vous que monsieur Hama Amadou devrait rentrer et faire face à la justice ?

Je ne voudrais pas faire des commentaires sur la vie d’un leader politique, surtout si cela est en rapport avec la justice. Mais une chose est sûre, une situation d’exil est toujours dure, pour vous-même, pour votre famille et tous ceux qui vous sont chers. Chacun a sa façon de résoudre les problèmes auxquels il est confronté dans la vie. Il ne me revient pas de dicter à qui que ce soit la conduite à tenir face à tel ou tel problème.

Votre mariage avec le parti au pouvoir, continuera-t-il après 2021 ? Autrement dit serez-vous candidat à la prochaine présidentielle ?

La question de ma candidature et des rapports de mon parti avec les autres partis n’est pas une question personnelle. Le moment venu, ce sont les structures habilitées qui décideront qui sera le candidat et comment se feront les alliances. Mais, je puis vous assurer que nous veillerons à ce que tout se fasse dans l’intérêt du Niger et du parti.

Entretien réalisé par Arnaud Ouédraogo

Observateur Paalga (Burkina Faso)

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