Nombreux sont les Camerounais experts ou pas qui pensent que le Senat sera couteux et inutile. Le dénoncer nous fera passer pour des opposants et pourtant il ne s’agit que d’un décorum pour une retraite dorée de politiciens ou d’amis encombrants en mal de mandat. Constat!En quelques semaines, le Sénat est devenu l’objet de toutes les attentions, la proie de toutes les ambitions, le curseur politique du Renouveau qui attend dans les prochains jours ce qu’il considère comme la fin heureuse d’une «success story». Vu de cette manière, le Sénat peut être fier d’avoir sauvé sa naissance. Grâce à lui, les Camerounais ont désormais un indicateur fiable en cas de transition pour remplacer l’actuel locataire d’Etoudi. Son Président qui sera désormais le deuxième personnage de l’Etat, assurera l’intérim, sous surveillance, en cas de décès, de démission ou d’empêchement définitif du Président de la République. Ainsi, il gérera les affaires courantes jusqu’à l’élection du nouveau Chef de l’Etat. C’est, sans doute, la seule satisfaction qui pourrait découler de la mise en place du Sénat au Cameroun dans la mesure où un relatif vide constitutionnel sera comblé.
Seulement, en cette veille d’élection, les mauvaises langues parlent déjà d’un Senat inutile dans notre contexte actuel. En principe, au sein du Parlement, le Sénat, qui est la Chambre Haute, a pour but de modérer l’action de la Chambre Basse. Celle-ci, qui est élue au suffrage direct et représentant donc directement le peuple, soumet toutes ses décisions à l’examen de la Chambre Haute qu’on dit souvent être plus conservatrice. Elle est élue au suffrage indirect et représente les Régions. L’objectif est-il de tempérer l’intérêt du peuple par celui de l’Etat?
A l’origine, il s’agissait de s’assurer que les Etats fédérés ou les Cantons plus peuplés n’exercent pas une domination de fait sur ceux moins peuplés, en donnant un nombre identique de représentants à la Chambre Haute par division, indépendamment du nombre d’habitants. Malheureusement, les raisons qui avaient justifié l’instauration du Sénat ont désormais disparues pour la plupart.
Généralement, les lois sont votées en l’état, quelquefois, elles sont renvoyées devant l’Assemblée Nationale; cela perd souvent un peu de temps et les sénateurs ont l’impression de servir à quelque chose. Autrement dit, dans le rôle dévolu aux institutions, le Sénat peut retarder des projets de loi, mais la décision finale revient à l’Assemblée Nationale. C’est là que réside en réalité sa particularité, son rôle étant seulement consultatif, son influence est par conséquent très limitée.
Pour le cas du Cameroun, le Sénat ne constituera nullement une barrière à quoi que ce soit, puisque l’écrasante majorité des sénateurs sera du parti au pouvoir, comme c’est déjà le cas dans la Chambre Basse avec l’Assemblée Nationale.
En définitive, il n’est pas étonnant que l’image de la Chambre Haute que certains considèrent comme la chambre des sages, soit celle d’une retraite dorée pour politiciens en fin de carrière, qui brilleront d’ailleurs par un taux de présence très bas, sans compter les commissions où la faible représentation des élus pourra poser des problèmes.
Retraite dorée pour politiciens en mal de mandat!
Il est complètement absurde qu’à l’heure où l’on demande à l’Etat de réduire son train de vie, et aux Camerounais de serrer davantage les ceintures, la mise en place du Sénat apparaisse comme ce qu’il y a de plus urgent à faire. Cette opération va quand même coûter à l’Etat des sommes que le commun des citoyens a de la peine à imaginer.
Le fait de ressusciter le Sénat 17 ans après la promulgation de la Constitution qui le créé est d’ailleurs un aveu flagrant de son inutilité. Paradoxalement, on lui trouve aujourd’hui, sur le tard, des vertus que l’on ignorait autrefois, à l’heure où certains pays africains, à l’image du Sénégal ayant fait son expérience l’ont déjà supprimé. Une suppression qui lui permettra d’économiser 7 milliards 800 millions de FCFA par an et qui pourrait financer dans l’immédiat, la lutte contre les inondations.
A quelques jours des sénatoriales, le flou sur le traitement des futurs sénateurs garde encore tout son mystère selon la logique de l’opacité qui est un mode de gestion de la chose publique au Cameroun. Selon certaines méthodes de rémunération pratiquée ailleurs, on parle d’une indemnité parlementaire de base, d’une indemnité de résidence, d’une indemnité parlementaire de fonction, et d’une indemnité représentative de frais de mandat.
Mais en attendant, certaines sources avancent la somme de 1,5 millions de FCFA par mois et par sénateur camerounais. En multipliant par le nombre total, cela donne la rondelette somme de 1 milliard 500 millions de FCFA tous les mois pour un total annuel de 18 milliards de FCFA. En y ajoutant les dépenses de fonctionnement, la Présidente du Cameroon people’s party (CPP) annonçait, selon ses sources, un budget prévisionnel annuelle de 30 à 40 milliards de FCFA. Bien évidemment en dehors de toutes les dépenses liées à la logistique pour les élections, quand on sait que 200 millions de FCFA sont déjà prêts pour les partis en compétition. C’est ce qui a d’ailleurs laissé subodorer que les partis n’ayant pas présenté de candidats ont certainement de quoi se mordre les doigts.
Un montant aussi important dans un pays pauvre très endetté, juste pour permettre au RDPC de venir grossir davantage le Parlement avec une nouvelle majorité et caser les amis embarrassants dans une Chambre Haute qui ne sert à rien, est une dépense dont on pourrait se passer. En attendant, c’est le contribuable camerounais qui trinque.