Nous avons suivi avec beaucoup d’attention, dimanche soir, une émission islamique interactive sur une radio privée de la place. L’intérêt de l’émission réside dans la thématique qui a été abordée. Il s’agit du mariage précoce des jeunes filles qui constitue une véritable source de préoccupation dans notre pays.
Dans son exposé introductif, le prêcheur animateur de l’émission s’est évertué à légitimer, sur le plan religieux, la pratique du mariage précoce et ses effets bénéfiques dans une société comme la nôtre qui est majoritairement islamique. En diabolisant dans la présentation de son argumentaire les acteurs sociaux et institutionnels, qui mènent depuis des décennies des campagnes de sensibilisation visant à mettre fin à cette pratique préjudiciable à la scolarisation de la jeune fille et à santé de celle-ci. Selon lui, les acteurs sociaux comme institutionnels qui s’investissent dans cette lutte sont soit des égarés à la solde des Occidentaux qui ont perdu tout repère, soit des chasseurs de prébendes qui peuvent être captées avec lesdits Occidentaux. Comprenez ici qu’il indexe, sans les nommer ouvertement, les organisations non gouvernementales (ONG) et les associations, qui interviennent dans le domaine. Pour lui, toutes les deux catégories sont logées à la même enseigne que les Occidentaux. Le prêcheur du jour comme les auditeurs, qui ont appelé tout le long de l’émission, ont rivalisé d’ardeur pour chercher à montrer les bienfaits du mariage précoce, en se focalisant sur les cas de grossesses non désirées, les infanticides et le nombre de plus en plus élevé de vieilles filles en quête désespérée de mariage qui s’observent dans notre société, etc. Pour ne pas heurter la susceptibilité du prêcheur, les interventions ont royalement occulté les innombrables méfaits liés à la pratique. Nous ne nous attarderons pas, ici, sur la déscolarisation précoce massive des petites filles, liée au phénomène du mariage précoce surtout dans nos zones rurales pour nous intéresser plus spécifiquement à l’aspect sanitaire de la question. Ceux qui pensent que c’est une pratique à louer et à promouvoir n’ont qu’à faire un tour au bloc de l’hôpital national de Niamey destiné aux femmes victimes d’incontinence urinaire et souvent même fécale ou au centre de référence de prise en charge dédié à celles-ci, pour se rendre à l’évidence de l’ampleur du mal provoqué, dans nombre des cas, par la pratique des mariages précoces dans notre pays. Quand ils prendront la mesure de la situation de détresse dans laquelle se trouvent de nombreuses femmes victimes de la fistule obstétricale consécutive au mariage précoce, ils réaliseront d’eux-mêmes la gravité du danger sanitaire auquel les jeunes filles mariées prématurément sont exposées.
Ce qui est choquant dans l’affaire, c’est que souvent, ‘’le gaillard’’ (pour reprendre l’expression d’une troupe musicale célèbre de notre pays) qui a jeté son dévolu sur la jeune fille qui n’a pas encore atteint sa majorité pour la prendre comme épouse sans son consentement, après avoir corrompu en amont ses parents, l’abandonne purement et simplement une fois qu’elle est déclarée victime de la fistule obstétricale. A la charge de ses parents. Plus grave encore, il y a même certains parents qui chassent carrément la jeune femme du domicile familial lorsqu’elle est répudiée par le mari, pour ne pas devoir supporter les désagréments multiformes liés à son état de santé. Est-ce que l’islam recommande ces comportements abjects ? La réponse est assurément non ! Conclusion : les institutions étatiques et non étatiques ainsi que les ONG et associations, qui se battent au quotidien pour éradiquer les mariages précoces, n’exercent pas une œuvre satanique à travers les activités de sensibilisation contre le mariage précoce qu’elles mènent dans le pays. Bien au contraire, leur travail contribue grandement à préserver la dignité de la femme, qui dispose du même droit à la santé que l’homme. Lequel droit passe nécessairement par le respect de son intégrité physique et psychologique, qui implique évidemment le respect de sa volonté. Les autorités compétentes doivent mettre en place un mécanisme de contrôle des émissions religieuses sur les médias en vue d’éviter que les efforts de sensibilisation qu’elles mènent sur le terrain par rapport aux pratiques néfastes ne soient permanemment voués à l’échec.