Mardi 26 mars 2013, les administrateurs de la Fédération Camerounaise de Football engagent le dernier acte de l’olympiade 2009-2:013. Ils doivent en effet valider les comptes de l’exercice budgétaire 2012 et voter le budget de l’exercice 2013. Dans l’ambiance chaleureuse de cette rencontre statutaire, la centaine de membres de l’Assemblée générale est loin de s’imaginer qu’Adoum Garoua, le Ministre des Sports et de l’Education Physique, porte-voix d’un complot ourdi depuis quelques semaines, adresse un courrier dans lequel il demande à la FECAFOOT de surseoir à la tenue des élections. Le message fax d’Adoum Garoua, daté du même jour, est envoyé au bureau du Président de la Fédération, Mohamed lya. Celui-ci informé, porte la teneur du message à l’attention de l’Assemblée générale.
Adoum Garoua dit écrire au Président de la FECAFOOT en réponse ou courrier qu’il lui a fait tenir, excusez du peu, le 23 janvier 2013. Or dans la précipitation, le Ministre des Sports a sans doute perdu ses lunettes. La lettre de la FECAFOOT dont il parle est bien datée du 28 janvier 2013, et informait la tutelle de la tenue des consultations électorales à la Fédération. Toujours est-il que le MINSEP justifie la demande de ne pas procéder aux consultations électorales par les incidents ayant émaillé le lancement du championnat régional dans la Ligue du Littoral et évoque également la saisine dont il est l’objet de la part «de divers acteurs» du football au sujet desdites élections.
A la majorité absolue des membres de la FECAFOOT, les administrateurs ont réservé une fin de non recevoir à la lettre du Ministre. Dans le courrier adressé au MINSEP, ils disent avoir informé le Ministre des Sports et de l’Education Physique du calendrier des opérations électorales au sein de la Fédération et de ses Ligues décentralisées. «A la même date, les Gouverneurs des 10 régions et les Préfets des 58 départements que compte notre pays ont également été informés de ce chronogramme électoral. La même correspondance demandait d’ailleurs aux Gouverneurs et Préfets de désigner chacun leurs deux représentants au sein, respectivement, des collèges électoraux régionaux et départementaux. Au moment de la saisine de la Fédération le 26 mars 2013 par le MINSEP, la plupart des Gouverneurs et Préfets avaient déjà procédé à la désignation de leurs représentants qui, dans les collèges électoraux, sont électeurs mais pas éligibles. Certains Sous-préfets avaient d’ailleurs déjà délivré des récépissés de déclaration de manifestation publique».
Riposte
Sur les incidents ayant émaillé le lancement du championnat régional dans la Ligue du Littoral, l’Assemblée générale fait savoir qu’«il y a lieu de relever qu’ils ne concernaient en rien le processus électoral, mais plutôt un dysfonctionnement administratif interne de la Ligue régionale du littoral. Le Secrétaire général de la FECAFOOT et les plus hautes autorités administratives de la Région du Littoral ont aplani les incompréhensions nées de ces dysfonctionnements au cours d’une réunion tenue le lundi 18 mars 2013 à Douala. A ce jour, la Ligue régionale de football du Littoral fonctionne normalement ainsi que toutes les neuf autres ligues régionales».
Au sujet de la saisine du MINSEP par «divers acteurs» du football au sujet des élections, les administrateurs indiquent que «les représentants des clubs, des entraineurs et des arbitres sont parties prenantes du processus électoral en cours. Lesdits représentants ont déjà été désignés par leurs associations respectives dans les différents collèges électoraux. En ce qui concerne les représentants des joueurs, tel que statutairement défini, une directive a été prise afin de surseoir à leur intégration dans les organes respectifs de la FECAFOOT» en raison du changement de l’objet social de l’Association des Footballeurs du Cameroun (entité précédemment reconnue) devenue Syndicat National des Footballeurs du Cameroun.
Manèges
A la suite de cette réponse, le Ministre des Sports a entrepris des manœuvres auprès de son collègue de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation, aux fins d’obtenir de sa part, un message porté à l’attention des Gouverneurs interdisant la tenue des élections sur l’ensemble du territoire. Face au refus de René Sadi, qui dit n’avoir reçu aucune instruction de la hiérarchie, Adoum Garoua s’est fendu d’une lettre à l’attention des Gouverneurs (voir ci-contre) leur demandant d’interdire les élections des ligues départementales et régionales. Le MINATD a tout juste été mis en copie.
Normal donc que des Gouverneurs n’y réservent qu’une fin de non recevoir. Parce que, estiment-ils, bien qu’étant représentants des Ministres dans la région, ils ne sont assujettis qu’aux instructions du Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation. Raison pour laquelle les élections se déroulent sans fioritures dans la majorité des départements. Abdousalam a ainsi été élu Président de la Ligue départementale du Diamaré, Amadou Ousseini, Président de la Ligue départementale du Mayo-Tsanaga, Garba Mahamat, Président de la Ligue départementale du Logone et Chari…
Au moment où nous allions sous presse, les élections se sont tenues dans les Régions de l’Extrême-Nord du Nord, de l’Adamaoua, du Sud-ouest, de l’Est, du Centre, et du Sud.
Un pied de nez sans doute à ce Ministre, devenu depuis quelques temps la marionnette de quelques intérêts obscurs. «Il est sous l’influence de Philippe Mbarga Mboa, Eto’o Fils et compagnie. Et la bande est parrainée par le SGPR. Adoum Garoua a pris cette décision quand Ferdinand Ngo’o Ngo’o le lui a demandé. Les instructions sont venues de la Présidence de la République pour qu’il mette fin, par tous les moyens légaux, au processus électoral à la FECAFOOT. Aujourd’hui, le Ministre ne comprend plus lui-même ce qui se passe. Il ne comprend pas pourquoi le SGPR n’a pas instruit son collègue de l’AT pour qu’il actionne les Gouverneurs, il se demande si le Chef de l’Etat a réellement donné son accord à la manœuvre. Il est vraiment perdu aujourd’hui parce que dans cette affaire, c’est sa signature seule qui est engagée. La seule chose qui le réconforte, c’est qu’il avait été informé de la décision du Contrôle Supérieur de l’Etat concernant lya Mohamed et cela s’est passé exactement comme son interlocuteur lui avait expliqué», a indiqué un des proches du Ministre Adoum Garoua.
Toujours est-il que, Adoum Garoua n’a pas pris une décision fondée sur le droit. Non seulement il s’est contenté de commettre une lettre à la FECAFOOT, mais la loi n°2011/018 du 15 juillet 2011 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, en ses articles 33 et 45, dispose que les missions d’organisation et les compétences territoriales des ligues sportives sont fixées par des statuts-types établis par la fédération nationale concernée. De plus, chaque fédération sportive civile détermine librement ses statuts et règles de fonctionnement en tenant compte des lois et règlements en vigueur, des règles de l’olympisme ainsi que des règlements des organismes sportifs internationaux auxquels elle est affiliée.
Les statuts de la FECAFOOT en vigueur, inspirés par le Forum National sur le Football Camerounais qui avait vu la participation de tous les acteurs du football, et les Etats généraux du sport au Cameroun en 2010, ont été relus par la FIFA au début de l’année 2012. Lesdits statuts ont été adoptés au cours de l’Assemblée générale du 16 mai 2012. Les statuts de la FIFA disposent en outre que les associations membres doivent diriger leurs affaires en toute indépendance et veiller à ce qu’aucun tiers ne s’immisce dans leurs affaires. L’article 17 alinéa 2 des mêmes statuts de la FIFA dispose quant à lui que: «les organes des membres ne peuvent être désignés que par voie d’élection ou de nomination interne. Les statuts des membres doivent prévoir un système leur assurant une indépendance totale lorsqu’ils procèdent aux élections et nominations».
D’où vient donc alors cette agitation stérile du MINSEP? Accusé déjà de tous les maux dans la communauté nordiste, Adoum Garoua qui a tenté manifestement d’obtenir le ralliement des hiérarques du Septentrion fait aujourd’hui profil bas devant la condamnation unanime de sa manœuvre par les gros bonnets de la région. «Il se laisse manipuler. Il ne doit pas laisser son Ministère être géré par Philippe Mbarga Mboa et compagnie. C’est le conseil que je lui ai donné parce que, quand ça va tourner casaque, même le SGPR ne pourra pas lui sauver la mise», a indiqué un de ses collègues du Gouvernement, originaire du Grand Nord. «Pourquoi Dieu, les adversaires de lya Mohamed ne vont pas aux élections, ne battent pas campagne? Depuis 2004, c’est la même rengaine. Que ses adversaires aillent aux élections. Milla est venu me voir, je lui ai dit «allez aux élections, battez campagne, démonter le programme de lya en proposant une meilleure alternative», mais il n’a rien voulu entendre. Le problème avec les adversaires de lya, c’est que dès que vous parlez d’élections, de campagne, personne ne vous écoute plus. Le coup d’Etat n’est pas possible à la FECAFOOT, et pour ce qui me concerne, je ne peux pas militer en faveur de cela ni observer le silence devant de tels agissements», indique un autre Ministre influent, originaire du Grand Nord.