La loi contre le trafic de migrants fragilise la ville nigérienne, située à la lisière du Sahara, et sa région. Décryptage.
Ismaïla Camara appuie sa tête contre le mur. Sait-il combien de migrants y ont griffonné leur nom avant qu'une couche de peinture les condamne à l'oubli ? À côté, dans cette gare des bus Rimbo, Mahamadou Saliou Balde, sénégalais lui aussi, somnole. Ils reviennent de l'au-delà, du froid insoupçonnable dans l'après-midi d'Agadez. L'un porte une doudoune déplumée. L'autre, des lunettes de pacotille, un bonnet rasta et un blouson en similicuir. Ils sont couverts de cette pellicule orange qui colle aux cheveux, fige la terreur sur le front et tapisse les poches, de ce maudit sable qui marque les cœurs des étrangers qui l'ont foulé trop loin. Ils rentraient de Libye, ils ont passé cinq jours dans le Sahara. « La nuit, on a entendu des tirs. Le chauffeur a fui. On était dix ou onze », souffle Mahamadou. Un vol, classique du désert. Une voiture les a sauvés. Ils veulent rentrer en Casamance. Un membre de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) s'agenouille pour leur proposer une douche, un lit et un retour gratuits ; un « coxeur », rabatteur pour passeur, rôde. Il y a deux ans, dans ce préau, les gens comme lui n'avaient qu'à se baisser pour attirer des migrants. Aujourd'hui, il n'y en a que cinq, revenus de l'enfer libyen.