Cela fait longtemps que l’on n’entend plus Hama Amadou, le président du Moden-Fa Lumana qui avait quitté le pays presque sur une civière, sorti difficilement de sa méchante prison et ce suite à l’intervention de partenaires quand ses geôliers socialistes ne pouvaient avoir d’humanisme à croire son médecin traitant, pour le laisser aller se faire soigner. Il quittait la prison alors qu’un candidat solitaire qu’il devrait affronter se pavaner dans le pays, fier d’être ce lutteur incomparable qui affronte le vide, le néant quand personne ne pouvait l’affronter dans l’arène parce que par les précautions de son système, son challenger était mis aux gnoufs. C’est une histoire d’intelligence socialiste… qui a choqué le monde mais on peut se souvenir qu’à l’époque gouvernait encore en France l’ami Hollande et au Niger, un ambassadeur de France de service décidés tous deux à accompagner la mascarade par ses silences et son activisme sournois. Cela fait, presque jour pour jour, près de deux années que les Nigériens en général et les Lumanistes en particulier, n’avaient pas entendu la parole de leur leader, cet homme dont le charisme gêne…
Le silence fut long et il agaçait, peut-être des militants qui se sentaient aussi orphelins par le vide que laissait son mutisme, mais surtout des adversaires qu’il intriguait et qui étaient convaincus, sachant qui est l’homme, que dans sa tanière occidentale et asilaire, il peaufinait ses stratégies. L’intervention de Hama Amadou ce vendredi 2 février 2018 sur la chaîne de télévision panafricaniste Vox Africa, soigne alors, on peut le comprendre, une plaie car elle rassure qu’il est toujours là et que la persécution dont il est l’objet ne peut avoir raison de ses convictions et de ses combats. Toute l’opposition en a retrouvé ses fiertés. Par contre, ceux à qui les silences de Hama Amadou avaient donné l’illusion d’avoir triomphé sur lui, en ont eu pour leur grade : l’hydre à mille têtes sort du coma, plus vigoureux que jamais et ses paroles ont sans doute encore fait des aigris…
Cette intervention, il la fallait non pas que pour établir des vérités falsifiées par un régime qui avait cru qu’il pouvait profiter du fait que Hama Amadou ait abandonné momentanément et par stratégie les médias, pour faire entendre sa seule voix relativement à des affaires nigériennes les seules versions qui l’arrangent. On aura surtout compris que par cette intervention médiatique, Hama peut encore jauger sa popularité qui ne fait alors que monter en flèche et ce n’est pas une bonne nouvelles pour les Camarades : combien étaient-ils ces hommes à abandonner leurs activités pour aller suivre l’interview d’un homme qui a toujours tenu en face des Nigériens, tenu par son pragmatisme sa realpolitik, un discours de vérité, proscrivant le mensonge et la démagogie ? Et toute la journée du vendredi, sur les réseaux sociaux avaient circulé les informations qui alertaient sur son intervention sur Vox Africa. Les fadas et les rues se vidaient et des hommes et des femmes se retrouvaient devant leur écran pour suivre avec délectation, les paroles thérapeutiques d’un homme qui écoute même à distance ses compatriotes et connait leurs problèmes. Personne ne voulait manquer l’occasion même si l’on est certain que les réseaux sociaux pouvaient permettre un partage de sa parole.
A 21 heures, ce soir, tous les postes téléviseurs étaient câblés sur Vox Africa et pour une fois, on pouvait exceptionnellement, à cette heure,zapper Bonferey…
Parti du Niger malade par les conditions austères de sa détention, Hama Amadou rassurait qu’il se porte mieux aujourd’hui et qu’il a retrouvé sa pleine forme. Et cela rappelle le malaise nigérien avec des partenaires qui auront eu tort d’avoir eu cette attitude passive, pour ne pas dire complice par laquelle, ils laissaient un homme et son clan régenter la démocratie nigérienne. Quelle démocratie, pouvait accepter que dans la compétition politique, pour s’assurer une victoire, il est désormais admis d’accuser fallacieusement un adversaire, et de le ranger au placard, disons en prison, le temps de trafiquer une élection et de se s’offrir une victoire qui ne peut, dans de telles conditions, moirer ? L’exemple socialiste nigérien, devrait-il faire école sur le continent pour contaminer d’autres Gondwana ? Peut-être, faut-il croire que déjà, le Sénégal s’en inspire, avec les déboires de l’ancien maire de Dakar qui vit exactement aujourd’hui, les mêmes épreuves que Hama Amadou. Ces turpitudes salissent la démocratie africaine, et ensemble, avant que ce ne soit une exigence de l’extérieur, les Africains doivent en faire leur affaire.
Hama, les autres, et la démocratie
L’ayant pris pour un pur produit du parti unique et peut-être même du régime d’exception, il y en avaient qui ne pouvaient pas croire que l’homme puisse s’accommoder des nouveaux vents et donc de la démocratie. Mais à l’épreuve des faits, on se rend compte qu’il est, plus que ceux qui croient avoir enfanté la démocratie, imbu des valeurs démocratiques. Quand on ne peut comprendre que la confrontation en démocratie se fait avec les idées, non en misant sur des considérations subjectives, alors l’on ne peut qu’avoir la situation à laquelle l’on fait dramatiquement face aujourd’hui dans le pays. Le cas nigérien avait sidéré des démocrates sincères du monde et comment ne pas ressentir de l’amertume quand Hama rappelle au journaliste que « […] c’est de la prison que j’ai dû suivre la campagne électorale de la présidentielle à laquelle j’étais candidat ». Et c’est depuis la conférence nationale que les mêmes hommes le poursuivent, décidés à l’anéantir, refusant la place légitime qu’il a dans la démocratie et dans la nation. Voilà près de quatre ans, qu’il ne pouvait plus résider dans le pays parce que de méchantes gens en ont ainsi décidé. Est-ce cela faire de la démocratie ? En 2008, alors qu’il pouvait être sûr d’être politiquement puissant pour survivre à tous les aléas et à tous les complots, le voilà au cœur de la croisade d’hommes qui avaient toute une autre lecture de la démocratie et son mentor, Tandja tombe sur le charme des vendeurs d’illusions qui se révèlent à lui comme ceux qui l’aiment plus qu’un autre quand pourtant, l’on sait dans quelles conditions, avec Hama, dans la précarité souvent, ils avaient fait leur accompagnement au point de croire que rien ne pouvait les séparer. On ignorait que les grands diviseurs étaient de retour… Ainsi, des hommes se sont ligués contre lui pour tenter de le démolir politiquement. On peut d’ailleurs se rappeler que c’était un STJ qui, lors de ses sorties, plein d’emphase, se bombait le torse parce que son journal de l’époque – La Roue de l’Histoire – serait à la base de la révélation de l’affaire du fonds d’aide de la presse qui avait servi à Tandja et ses complices tapis dans l’ombre de malmener Hama, de vouloir le traîner dans la boue jusqu’à la prison de haute sécurité de Koutoukalé et finalement de se séparer de Hama Amadou et d’une amitié de vingt ans qu’aucune amitié ne peut valoir pour lui donner ce que celle avec Hama lui avait offert sans calcul.
En 2012-2013 ce fut le même scénario où se servant encore de la presse, une autre plume à gage, par un papier commandé, offre au régime, une nouvelle affaire tout aussi croustillante pour se débarrasser d’un adversaire devenu, sans qu’on ne sache trop pourquoi, encombrant dans l’arène politique nigérienne. Et l’on peut comprendre que Hama simplifie pour dire qu’ « en face de [lui il a] des hommes qui ne pensent qu’au pouvoir et à l’intérêt qu’ils ont de garder le pouvoir quels que soient les moyens ».
Jamais la démocratie n’a autant souffert qu’entre les mains de ces hommes.
Ténacité et lucidité
Hama s’est révélé un homme sans rancune. Il reste cet homme lucide, capable de comprendre et de pardonner un autre dans ses égarements. On gouverne avec grandeur et élévation. Hama refuse de descendre au bas de l’échelle comme l’ont fait ses adversaires pour vouloir le laminer. Aussi dira-t-il, « Je pense que si mon adversaire actuel a fait presque une vingtaine d’années d’opposition, je n’ai pas d’animosité ni de rancune particulière contre lui, c’est sa façon de faire de la politique dans laquelle il n’y a ni humanité ni respect des principes démocratique » pour vouloir réduire toute la vie d’une nation à l’échelle d’affects d’individus. Hama est un « pardonneur » et on se souvient qu’il l’avait solennellement avoué avoir pardonné à tous en sortant de Koutoukalé. C’est un homme politiquement mûr qui sait se départir de comportements aussi vils.
Pourtant, l’on connait la valeur politique de l’homme, ses qualités intrinsèques de gestionnaires hors-norme qui a su, dans des situations difficiles et complexes, sortir le Niger de l’impasse. Comme le dit le journaliste de Vox Africa, il est finalement « le pompier de service », l’homme haï mais auquel on sait faire recours pour gérer des situations délicates. Aujourd’hui encore, malgré la complexité de la situation générale du pays, Hama Amadou rassure qu’il a des solutions pour le Niger et que les Nigériens ne doivent pas désespérer pour autant. Il a un parcours exceptionnel et s’est enrichi d’une expérience diverse. Ses déboires ont en plus façonné sa personnalité pour lui inculquer des valeurs comme l’humilité. Il dira d’ailleurs que la case prison, même si elle reste éprouvante, reste maturante en ce qu’elle permet de cultiver en soi l’humilité. Comment ne pas le comprendre, quand profitant de ses heures de gloires, « aujourd’hui on est sous les feux de la rampe et demain, [l’on est] dans une geôle obscure », enfermé à deux tours comme un paria… L’homme humble pourrait ainsi comprendre que le pouvoir des hommes est forcément éphémère, face à celui de Dieu, le seul, à être éternel. L’homme ne peut être fort que pour un temps. Les hommes bouffis de vanités ne pouvaient pas le savoir…
Regarder et comprendre le Niger d’aujourd’hui autrement
Sur des questions nationales, Hama Amadou a un regard très objectif. Il croit qu’aujourd’hui, il est impérieux de recadrer et de recentrer la coopération avec les partenaires qui ne peut plus, et cela dans l’intérêt des parties contractantes, se passer dans les mêmes clauses d’une époque aujourd’hui révolues. Aussi croit-il qu’il est bien possible avec AREVA d’avoir des relations moins orageuses et moins douteuses avec le Niger lorsque cela se fera dans la concertation mutuelle où des divergences pourraient être aplanies pour gérer un partenariat dans la durée. Il rappelle d’ailleurs qu’en 2006, le gouvernement qu’il dirigeait avait fait voter par l’assemblée nationale une nouvelle loi minière qui reposait le partenariat sur des bases équitables où chacun trouvera son compte. Il ne s’agit pas de chasser des partenaires stratégiques et historiques mais de reposer un partenariat sur des bases justes car le monde de 2018, ne peut fonctionner avec des principes de 1960. On pourrait croire que cela est aussi valable pour les installations militaires étrangères qui se font aujourd’hui dans un cadre informelle où la représentation nationale n’est nullement associée dans le processus et on pourrait croire que même l’armée ne peut savoir les clauses par lesquelles ces installations sont autorisées dans le pays. La preuve est qu’aujourd’hui, les Nigériens en sont préoccupés et boudent ce que certains appellent une occupation militaire ou une recolonisation. Or, les partenaires doivent avoir besoin de rapports moins brouillés avec des alliés pour avoir des relations dans un cadre formel qui protègent chacun. Un homme, fut-il un président, ne peut pas seul décider sur des questions aussi graves que celles qui concernent l’installation de bases militaires étrangères. Les peuples africains sont en train de relever la tête et les hommes politiques doivent apprendre à les écouter. Pour Hama Amadou, il s’agit simplement de « [permettre] au Niger de tirer davantage de ressources sans pénaliser outre mesure le partenaire ». Aujourd’hui c’est un flou qui entoure le partenariat dans l’exploitation des ressources du sous-sol et cela ne participe qu’à éroder l’image de partenaires dans l’opinion publique de nos pays. Ainsi qu’on a pu le voir avec l’opacité qu’il y a autour de l’Uraniumgate, davantage brouillée avec des accords que le régime n’a jamais eu le courage de publier
« Je constate simplement que le pays se porte très mal »
Hama est bien informé de la situation du pays : il va mal et il rassure que « ce n’est pas qu’une parole d’opposant. Au-delà de situations factuelles irréfutables, l’on sait et ce depuis les temps du Taayi Taouri que l’on avait voulu présenter comme une caricature inacceptable que le Niger va mal. Très mal. Aujourd’hui, la réalité est têtue : les Nigériens sont misérables et la paupérisation ne fait que s’accentuer face à l’impuissance de dirigeants incapables. Il ne peut en être autrement quand les princes qui ont en charge la destinée des populations, ne savent plus écouter leurs colères et leurs déceptions. Pour se convaincre de la véracité de cette réalité, le Président du Moden Fa Lumana s’appuie sur des notes de partenaires comme le FMI et la Banque Mondiale dont un rapport avait, on s’en souvient, irrité au plus haut point le régime, relativement à son scepticisme sur la situation économique du Niger. Il semblerait que le marasme est d’autant réel qu’il y a quelques jours, aucune banque n’a voulu souscrire aux bons d’adjudications émis par le gouvernement. Faut-il alors croire que l’État n’est plus solvable ? Il y a en tout cas des signes qui ne trompent pas…
On se souvient qu’à une certaine époque, le régime, tenu par ses vanités, n’arrête jamais de parler de croissance à deux chiffres quand dans la réalité, les consommateurs nigériens ne peuvent rien ressentir qui peut faire croire à cette prouesse économique. Là encore, Hama s’appuie sur des chiffres des institutions de Bretton Woods qui évoquent plutôt en 2017 une croissance qui se situe autour de 1.2%.
Affaire bébés importés : la machination
Pour Hama Amadou, c’est une parodie de procès gérée à la hâte pour régler des comptes selon l’agenda du prince. Beaucoup d’analystes avaient douté de la pertinence de ce dossier quand pour la même affaire par exemple, il était possible d’accorder une liberté provisoire à certains et de la refuser à d’autres et surtout quand on peut avoir une sanction «millimétrée» pour juste sortir un homme du champ politique au moyen d’une affaire aussi sordide que des hommes sans cœur ont inventée pour atteindre un adversaire en sacrifiant des enfants innocents et des familles livrées à la raillerie du monde. Et c’est cela désormais faire de la politique au Niger : quand on ne peut détruire un homme par les manquements avérés dans sa gestion publique, on «le déshabille en public… ». Et c’est d’autant plus lâche que Hama comprendra que des hommes politiques, des larbins corvéables au service d’une haine socialiste viscérale mal comprise, sont partis soutenir une telle politique. Hama en est d’autant plus indigné qu’il s’interroge sur la moralité de personnes qui, se servant des attributs de l’État, vont jusqu’à oser ces mensonges qui impliquent d’autres instruments d’autres États pour justifier leur cabale. Et le président du Moden Fa Lumana a martelé qu’Interpol Nigéria dit clairement n’avoir « jamais participé à une enquête avec le Niger dans laquelle » son nom ou celui de sa femme serait cité.
Sur des questions plus délicates
Faut-il enfin crever l’abcès ? Hama a touché du doigt un des problèmes que ce pays traîne sans avoir le courage de l’aborder et ce depuis la conférence nationale. Faut-il que nous continuons par nos hypocrisies à ignorer la réalité de ce problème, de la montée de l’etnicisme ? Bref, depuis la gestion de la renaissance, la question identitaire est revenue à la surface, instrumentalisée par des hommes qui n’ont plus mieux à proposer aux Nigériens. On se rappelle de cette intervention sur rfi du même personnage qui avait alors osé parler « d’officiers ethnicistes » et qui, sans pudeur, allait, n’eut été une prudence subite, prononcer le mot qui devrait rendre compte de son état d’esprit, quand finalement, ce ne sont que les deux premières lettres qu’il pût prononcer. Comme on le voit, il y a des individus qui ne peuvent pas être des hommes d’État. C’est pourquoi, pour notre démocratie, nous devons être fiers qu’Albadé et Ali Sabo soient avec Seini Oumarou, que Mamane Sani, Mohamed Mabarek, Salah Habi soient avec Hama, que Diabiri et Karidjo soient avec Issoufou. C’est cela les alliages de notre diversité qui soit ainsi nous enrichir…
Chaque homme politique doit désormais soigner ses discours même lorsqu’il croit être loin de certaines oreilles surtout en cette ère de nouvelles technologies de l’information où avec un simple téléphone, chaque homme est devenu un journaliste, un potentiel diffuseur de nouvelles que les réseaux sociaux permettent de partager à une grande échelle et en un temps record.
C’est peut-être cela que comprenait STJ qui, il y a quelques mois, appelait à l’apaisement et au dialogue, sans que l’on ne puisse l’entendre dans le brouhaha de nos malaises Mais parlant de ceux qui le pourchassent, Hama rassure les Nigériens : « Nous sommes fondamentalement différents. Je ne cherche pas la gouvernance du pays pour régler des comptes personnels ». C’est sans doute de cet homme, d’un tel constructeur que le Niger a besoin en ces moments de malaises et d’incertitudes…. Hama is back.