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Le Sahel N° du 30/11/2017

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Interview de SEM. Issoufou Mahamadou, Président de la République, Chef de l’Etat : «Nous avons besoin d’un Etat démocratique fort et stable ; un Etat capable à la fois de garantir l’ordre et la liberté.
Publié le mardi 3 avril 2018   |  Le Sahel


Interview
© Autre presse par DR
Interview de SEM. Issoufou Mahamadou, Président de la République, Chef de l’Etat


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Excellence monsieur le Président de la République, quel bilan dresserez-vous de sept (7) ans de mise en œuvre du Programme de Renaissance ?

Je voudrais commencer par renouveler mes remerciements au peuple nigérien qui m’a fait confiance à deux reprises notamment en 2011 et 2016. Le peuple nigérien m’a fait confiance sur la base d’un programme. Il y a le programme de renaissance acte I et le programme de renaissance acte II.

Je voudrais rappeler les axes prioritaires de ces programmes. Il s’agissait pour nous, on s’en souvient d’abord de mettre en place des Institutions démocratiques fortes et stables ; d’assurer la sécurité des Nigériens et du pays ; de réaliser des infrastructures routières, énergétiques, ferroviaires, de télécommunications, des infrastructures urbaines également ; de mettre en œuvre l’initiative 3N ; de promouvoir l’éducation et la santé ; d’assurer l’accès à l’eau et à l’assainissement et de créer des emplois notamment pour les jeunes.

A ces axes, le programme de renaissance acte II a ajouté un nouvel axe qui est l’axe relatif à la renaissance culturelle. Alors quel bilan peut-on faire de 7ans de mise en œuvre du programme de renaissance ?

On peut faire ce bilan à deux niveaux: au plan macroéconomique d’abord et puis au plan sectoriel. Au plan macroéconomique, il faut retenir qu’en 2016 et 2017, le Niger a connu une croissance économique annuelle de 4,9 %. Quand on regarde la croissance cumulée depuis 2011, on peut dire que la richesse nationale s’est accrue de plus de 48% de 2011 à 2017.

« Nous avons besoin d’un Etat démocratique fort et stable ; un Etat capable à la fois de garantir l’ordre et la liberté (…). Parce que l’ordre sans liberté, c’est la dictature, la liberté sans ordre, c’est l’anarchie »

S’agissant de l’inflation, le taux d’inflation a été de 0,2% en 2016 et 2,4% en 2017. Quand on cumule le taux d’inflation depuis 2011, on se rend compte il est de 6,5%. Cela veut dire que l’inflation qui est une espèce d’impôt déguisé a été donc maitrisée. Ce qui a permis de protéger le pouvoir d’achat des ménages. Même chose on comprend l’endettement du pays, il a été maitrisé.

Nous avons également maitrisé les dépenses grâce à la régulation budgétaire. Nous avons mis en œuvre des reformes au niveau des régies financières qui ont permis de redresser progressivement les recettes ; ce qui fait que le déficit budgétaire est en cours de résorption. Et cela permet à notre pays de sortir de cette pyramide dite pyramide de Ponzi qui a caractérisé ces derniers temps la gestion des finances publiques. Donc vous voyez qu’au plan macroéconomique, nous avons pu renforcer la stabilité macroéconomique du pays depuis 7 ans. Maintenant, au plan sectoriel, le bilan fait ressortir des progrès remarquables pendant ces 7 dernières années.

D’abord, commençons par les infrastructures. En 2016 et 2017 puisque le bilan du premier programme a été déjà fait et débattu à l’occasion des élections de 2016. Donc, je veux me concentrer surtout sur les réalisations de 2016 et 2017. Nous avons continué les réalisations au niveau des infrastructures routières, énergétiques ; de télécommunications, infrastructures urbaines. Pour citer des exemples, pas plus tard que le 3 avril, nous allons inaugurer l’échangeur Diori Hamani qui est le troisième échangeur que nous réalisons au niveau de la ville de Niamey.

Et peu après, nous allons également inaugurer un certain nombre de routes notamment la route Ballayera-Loga et la route Zinder-Magaria frontière avec le Nigeria. Rappelez-vous aussi qu’en 2016, nous avons fait en matière d’infrastructures urbaines Agadez Sokni ; en 2017 Tahoua Sakola. Ces projets au niveau des villes viennent s’ajouter a ce qui a été réalisé au niveau de Niamey Nyala, de Dosso Sogha et de Maradi Kollya. En ce qui concerne l’initiative 3N, nous avons atteint tous les objectifs que nous nous sommes fixés dans le cadre de cette initiative.

Nous avons atteint les niveaux de production prévus en ce qui concerne les cultures pluviales ainsi qu’en ce qui concerne les cultures irriguées. Chaque année, même si on arrive à réaliser les objectifs, il y a toujours des zones déficitaires dans notre pays. Et donc pour soutenir les populations de ces zones déficitaires et celles qui ont été victimes des catastrophes, des inondations ou encore les populations déplacées par l’insécurité, le gouvernement a conçu et mis en œuvre un plan de soutien en collaboration avec les partenaires. Donc, l’Initiative 3N pour me résumer est un grand succès. Nous avons réussi le pari que sécheresse ne soit plus au Niger synonyme de famine.

Sur le plan de l’éducation, des progrès importants ont été réalisés ; des mesures ont été prises pour améliorer la qualité de l’enseignement ; pour créer les conditions de la protection de la scolarisation de la jeune fille.

Au plan de la santé, nous avons également progressé dans la réalisation d’infrastructures sanitaires notamment des centres de santé pratiquement dans toutes les régions. Nous avons assuré la politique de gratuité des soins ; nous avons progressé dans le secteur de santé de la reproduction. Quand on comprend les mesures qui ont été prises au niveau de la scolarisation pour protéger la jeune fille ; quand on tient compte des progrès réalisés au plan de la santé de la reproduction ; quand on tient compte aussi des campagnes de sensibilisation menées par les Chefs traditionnels et les leaders religieux, on constate que nous avons obtenu comme résultat une baisse du taux de fécondité au Niger.

Le Niger étant considéré comme le pays qui a le taux de fécondité le plus élevé. Là, la dernière enquête réalisée au niveau démographique, Santé et Nutrition révèle une baisse du taux de fécondité. Ce qui fait que nous sommes désormais engagés sur une bonne trajectoire vers la réalisation des conditions de la transition démographique. Si je prends le cas de l’accès à l’eau et à l’assainissement, des réalisations importantes ont été faites pendant ces deux dernières années. Ces réalisations viennent s’ajouter à celles qui ont été obtenues pendant le premier mandat. Même chose pour la création des emplois pour les jeunes.

Nous avons créé entre emplois permanents et emplois non permanents près de 220.000 emplois en 2016 et 2017. Voilà pour répondre à votre question le bilan rapide qu’on peut faire non seulement des 7ans de mise en œuvre du programme de renaissance, mais plus précisément de deux dernières années 2016 et 2017.

Un des axes majeurs du programme de la renaissance du Niger, c’est la promotion de la Renaissance culturelle. A ce sujet, vous avez fustigé lors d’une récente intervention devant les Conseillers du CESOC certaines pesanteurs qui entravent l’efficience et l’efficacité de l’administration nigérienne. Vous avez notamment évoqué la forte politisation de l’administration. Comment comptez-vous, à court ou moyen terme, venir à bout de ce malaise qui a été dénoncé par vous durant pratiquement tous les régimes, depuis l’avènement du multipartisme au Niger ?

La Renaissance culturelle, c’est quoi ? La Renaissance culturelle, en résumé, c’est les trois modernisations : modernisation sociale, modernisation politique et modernisation économique. Votre question porte sur la modernisation politique. Je l’ai toujours dit, notre pays a besoin d’un Etat démocratique fort, capable de garantir l’ordre, la paix, la sécurité et les libertés ; capable aussi de faire en sorte que chaque citoyen remplisse effectivement ses devoirs. Mais pour atteindre ces objectifs, il y a malheureusement des obstacles que nous devons affronter.

Ces obstacles sont, comme je l’ai dit dans mon discours dont vous avez fait allusion, dans la faible capacité à rendre justice, la corruption, la faible capacité à lever l’impôt, le communautarisme, l’ethnocentrisme, le régionalisme, etc. Et malheureusement, certains comportements de partis politiques et de structures de la société civile. Pour surmonter ces obstacles, il y a un travail de longue haleine à faire. Nous avons, au niveau du gouvernement, identifié des actions et mis en place une feuille de route pour mettre en œuvre ces actions identifiées afin de réaliser les objectifs que nous nous sommes fixés sur le plan de la Renaissance culturelle.

Monsieur le Président, la Renaissance culturelle est un vaste chantier qui, on le sait, nécessite l’implication de tous les Nigériens. Pensez-vous que votre démarche est suffisamment assimilée par tous ?

La Renaissance culturelle est non seulement un vaste chantier, mais aussi c’est un chantier qui relève du domaine du long terme ; c’est un chantier difficile parce qu’il s’agit de s’attaquer aux habitudes, de changer les mentalités, et c’est pour cela que je viens de dire tantôt que le gouvernement a mis en place une feuille de route, avec des actions à mettre en œuvre. Et ces actions qu’il va falloir mettre en œuvre ont besoin de vecteurs, parce qu’il s’agit de diffuser des valeurs au sein de notre société, il s’agit de combattre les contre-valeurs au sein de notre société.

Pour ce faire, nous avons besoin d’un certain nombre de vecteurs dont les chefs traditionnels, les leaders religieux, c’est aussi l’école, les médias, le cinéma, le folklore, etc. Donc le gouvernement a conçu cette feuille de route et défini les actions qui nous permettrons d’avancer vers la réalisation des objectifs assignés à cet axe relatif à la renaissance culturelle.

Monsieur le Président, le Niger, à l’instar des autres pays de l’espace sahélo-saharien fait face au problème de l’insécurité. A ce propos, vos efforts ont permis de fédérer les positions de la communauté internationale, conduisant ainsi à la création du G5 Sahel. Comment se présente aujourd’hui la situation sur le théâtre des opérations ?

La sécurité a continué à être la priorité des priorités pour nous en 2016 et 2017. Nous y avons investi respectivement 17% et 21% de nos ressources budgétaires. Ça veut dire que, en 2016, nous avons investi dans la sécurité 17% de nos ressources budgétaires et en 2017, nous y avons investi 21%. C’est presque autant que ce que nous avons investi dans le secteur de l’Education. En effet, en 2016, nous avions investi 18% en faveur du secteur de l’Education contre 17% pour à la sécurité, et en 2017, nous avions investi 21% pour l’Education, exactement le même niveau que pour la sécurité. Nous avons donc continué, en 2016 et 2017 à équiper, former et entrainer nos Forces de défense et de sécurité, auxquelles vous me permettriez de rendre hommage pour leur courage, leur professionnalisme, pour le sacrifice qu’elles ont consenti dans la lutte contre le terrorisme.

Aux actions de nos Forces de défense et de sécurité, viennent s’ajouter les actions également des forces alliées qui nous aident dans cette lutte contre le terrorisme. Récemment d’ailleurs, en rapport avec les forces Barkhanes, il ya eu des actions qui ont été menées, en particulier dans le Nord Tillabéri, avec la frontière Mali, et qui ont permis d’infliger des pertes énormes pertes à nos ennemis. Par ailleurs, nous avons, par le biais de la mise en place de la mise ne place de la force conjointe du G5 Sahel, avec les pays que vous connaissez, la Mauritanie, le Mali, le Burkina et le Tchad. ce qui a permis de renforcer notre sécurité collective.

L’opérationnalisation de la force conjointe est en cours, surtout qu’après la réunion de Bruxelles au mois de novembre dernier, nous avons pu rassembler les ressources nécessaires au financement des actions de la force conjointe pendant la première année. Vous me permettrez donc de remercier nos partenaires qui se sont mobilisés pour nous aider. Il s’agit notamment des Nations Unies, de l’Union Africaine, de l’Union Européenne, de la France, de l’Allemagne, de l’Arabie Saoudite, des Emirats Arabes Unis. Tout récemment encore, il s’agit de la Turquie et du Rwanda.

Mais, cette mobilisation qui s’est faite en faveur du G5 Sahel ne règle pas malheureusement tous les problèmes parce que le lutte contre le terrorisme peut durer plus d’une année. Or, nous avons besoin d’un financement pérenne pour couvrir les autres années à venir. Donc, cette question reste entière. Il va falloir qu’on s’attaque à la recherche du financement pérenne pour la force conjointe et aussi qu’on s’attaque à l’autre préoccupation relative à la nécessité de mettre cette force conjointe sous chapitre 7 de la charte des Nations Unies.

Justement, Monsieur le Président, vous avez pris les rênes du G5 Sahel le 6 février dernier et deux semaines plus tard le sommet de Bruxelles a largement dépassé vos attentes en matière de mobilisation financière. Or, il se trouve que certains partenaires voudraient gérer eux-mêmes les fonds mobilisés, qu’en est-il M le Président ?

Alors il faut dire qu’au niveau du G5 Sahel nous avons créé ce qu’on appelle un fonds fiduciaire qui est destiné à accueillir toutes les contributions des partenaires. Il est également prévu au niveau du G5 Sahel, la mise en place de deux comités : un comité de soutien et un comité de contrôle dont sont membres toutes les organisations et tous les pays contributeurs. Je crois que tous les partenaires ont accepté ce mécanisme. Par conséquent on n’a aucun problème avec aucun partenaire.

Monsieur le Président, si vous le permettez nous allons aborder la question sécuritaire notamment les femmes enlevées dans le village de Nguelewa par la nébuleuse Boko Haram dans la région de Diffa. Au Nigeria on sait que le régime semble privilégier les négociations avec le groupe terroriste pour ramener les filles Chibok et de Daptchi, pour votre part que comptez-vous faire pour libérer nos compatriotes ?

Alors, on dit que le gouvernement n’a rien fait. Dès qu’il a appris l’enlèvement des femmes et filles de Nguélewa, il a pris des mesures pour retrouver ces femmes qui ont été enlevées. Donc cela est en cours. Les efforts continuent. Et de manière générale, comme vous le savez, les forces nigérianes, camerounaises, tchadiennes et nigériennes rassemblées au sein de la force mixte multinationale sont en train d’infliger des défaites à Boko Haram.

Donc il n’est pas exclu que nous arrivions à une victoire contre Boko Haram sur le plan militaire. Mais cela bien sûr ne suffira pas. Il va falloir penser également pour le bassin du Lac Tchad aux questions de développement. Et pour cela nous avons au niveau de la CBLT mis en place un plan de développement quinquennal. Il est prévu également ce grand projet de transfert des eaux du bassin du Congo vers le Lac Tchad. Donc nous progressons sur les deux tableaux, sur le plan militaire et sur le plan du développement et nous continuons également, puisque c’est ça le sens de votre question, à rechercher les femmes qui ont été enlevées à Nguélewa.

Et pour vous, il n’est pas question de négociations ?

Nous continuons à chercher à libérer les femmes de Nguélewa

Monsieur le Président ces derniers temps le front social est marqué par une montée au créneau des Organisations de la Société civile pour dénoncer entre autres choses la loi des finances 2018. Alors pourquoi le gouvernement s’affiche intraitable sur cette question ?

Le gouvernement n’est pas intraitable sur la question. Ce qu’il faut savoir, ce qu’il faut retenir, c’est que la loi des finances 2018 répond aux aspirations du peuple nigérien, la loi des finances 2018 est la traduction budgétaire du programme de renaissance acte II. Le programme de renaissance, comme je l’ai dit prévoit d’assurer la sécurité des nigériens, de mettre en place des institutions démocratiques fortes et stables, prévoit de réaliser des routes, des chemins de fer, de l’énergie, des infrastructures urbaines, prévoit de promouvoir l’éducation, la santé, l’accès à l’eau pour les populations.

C’est tout cela que reflète la loi des finances 2018. Et c’est pour cela du reste que cette loi est soutenue par l’immense majorité du peuple nigérien. C’est pour cela qu’elle a été votée par la majorité des députés. Maintenant qu’il y ait une minorité qui la conteste, c’est le droit de la minorité de contester. Nous respectons ce droit, mais ce droit doit s’exercer dans le cadre des lois en vigueur.

Monsieur le Président, les dernières manifestations ont conduit à des arrestations au sein des militants des Organisations de la société civile et à la fermeture d’un organe de presse. Ces mesures dites conservatoires ne sont-elles pas assimilables à des dérives autoritaires, monsieur le Président ?

Non il n’y a pas de dérive autoritaire dans le pays. Notre objectif a toujours été très clair. Nous avons besoin d’un Etat démocratique fort et stable. Mais un Etat capable à la fois de garantir l’ordre et la liberté. Cela est important, parce que comme on le sait l’ordre sans liberté, c’est la dictature, la liberté sans ordre, c’est l’anarchie. Nous ne voulons ni de la dictature, ni de l’anarchie ; nous voulons la démocratie pour le Niger.

D’ailleurs quand on regarde le contexte sécuritaire qui existe dans la sous-région et en particulier dans notre pays, il est important d’éviter les faiblesses de l’Etat, parce que les faiblesses de l’Etat ont toujours été la source, la cause de l’échec de la démocratie. Nous ne voulons pas échouer sur la voie de mise en place des institutions démocratiques fortes. Si nous échouons cela veut dire, peut-être dans le contexte actuel, la victoire du terrorisme, des souffrances, des pires souffrances pour le peuple nigérien. Nous avons le devoir d’éviter cela à notre peuple. Et c’est ce que nous sommes en train de faire.

M. le Président de la République, toujours au plan social, la situation à l’université Abdou Moumouni est devenue plus ou moins instable avec un bras de fer qui oppose depuis quelque temps les étudiants aux enseignants chercheurs avec pour conséquence l’exclusion des dirigeants du mouvement estudiantin. A ce sujet, M. le Président quelle serait l’appréciation de l’ancien leader du mouvement estudiantin que vous avez été tant au plan national qu’international ? Par ailleurs, comment le père de la nation compte t-il ramener la quiétude sur le campus ?

Bien ! Votre question me rappelle un mot d’ordre que nous avions quand nous étions étudiants. Ce mot d’ordre c’était qu’il fallait être techniquement compétent, et politiquement conscient. Techniquement compétent veut dire qu’il faut apprendre, qu’il accumuler des connaissances. Politiquement conscient veut dire qu’il faut utiliser ces connaissances là au profit du peuple nigérien. Ce mot d’ordre était juste à notre époque. Il est encore plus juste aujourd’hui.

Et je voudrais que les étudiants s’inspirent de ce mot d’ordre et se préparent à assumer les responsabilités futures du pays ; en se préparant aussi bien sur le plan politique, que sur le plan technique. Ce qui se passe à l’université m’interpelle et interpelle tous les Nigériens. Cela rend encore plus pertinent notre objectif en matière de renaissance culturelle ; parce qu’il s’agit là d’un problème d’autorité. Or, notre objectif c’est de rétablir l’autorité, non seulement au sein des familles, mais aussi à l’école et au sein de la société. Le gouvernement veillera à cela, le gouvernement veillera à ce que le calme revienne à l’université, il le fera en rapport avec les différents acteurs ; en rapport aussi bien avec les étudiants qu’avec les professeurs.

M. le Président, justement l’opinion, et même le gouvernement, s’accordent pour admettre que la détérioration du système éducatif au Niger est une préoccupation majeure. Selon des études menées par le ministère de tutelle qui ont démontré que le système éducatif est en panne, et des réformes assez courageuses ont été engagées. Quel est votre sentiment de manière général sur cette question de l’éducation dans notre pays ? Qu’est ce qui ne va pas ?

Je vous disais tout à l’heure que nous avons beaucoup fait pour le système éducatif pendant ces sept dernières années. Nous avons beaucoup investi, nous avons investi en 2016, 18% des ressources dans l’éducation ; et en 2017, 21%. Nous avons comme je l’ai indiqué, construit des infrastructures, nous avons recruté des enseignants, nous avons distribué des fournitures, nous avons également pris des mesures pour améliorer la qualité de l’enseignement. Ces évaluations que vous connaissez qui ont été faites au niveau de l’enseignement primaire, ont permis d’améliorer la qualité de l’enseignement ; dans la mesure où il ya des indicateurs qui le prouvent. Un des indicateurs, c’est le taux d’achèvement, ou le taux de survie.

Tous ces taux là se sont améliorés et ces taux sont un indicateur de l’amélioration de la qualité de l’enseignement. Cela vient s’ajouter à la mesure qui a été prise pour protéger la scolarisation de la jeune fille. Donc nous sommes sur la bonne voie en matière d’amélioration de la qualité de l’enseignement, et j’encourage le gouvernement à poursuivre les réformes courageuses et ambitieuses qu’il a entreprises ces dernières années.

M. le Président, au plan politique vos adversaires énoncent des dérives ayant pour conséquences la rupture du dialogue social ; entre autres choses, l’opposition vous accuse d’avoir liquidé ou de procéder à la liquidation progressive du Conseil National de Dialogue Politique (CNDP). Que répondez-vous à une telle accusation ?

Vous savez, les Nigériens savent que le dialogue a été depuis sept ans une des caractéristiques de notre gouvernance. Rappelez-vous, tous mes discours, à l’occasion desquels j’ai eu à tendre la main à mes adversaires, à tendre la main à l’opposition ; ma main demeure toujours tendue. Et j’exhorte les partis politiques, qu’ils soient de la Majorité, ou de l’opposition à renouer le fil du dialogue au sein du CNDP.

M. le Président de la République, parmi les griefs portés par l’opposition politique, on peut retenir notamment la présence des forces étrangères sur le territoire national ; des forces qui seraient venues s’installer sans avis préalable de l’Assemblée Nationale ; entre autres griefs également la non organisation des élections législatives partielles et locales. Que répondez-vous M. le Président à ces accusations ?

Les décisions prises par le gouvernement par rapport à l’organisation des élections législatives partielles ou par rapport aux élections locales sont conformes à la Constitution, sont conformes à nos lois. De la même façon la présence des troupes amies sur notre territoire est conforme également à notre Constitution et à nos lois. Ces forces amies nous aident, nous soutiennent pour assurer la sécurité du pays, pour assurer la sécurité du peuple nigérien.

Du reste, je suis un peu étonné de constater que les mêmes qui dénoncent la présence de ces forces, ne dénoncent pas suffisamment l’agression du terrorisme contre notre pays. Or, les acteurs qui sont à la base de cette agression sont pour la plupart des terroristes étrangers. Alors je suis étonné par cette insistance. Ça me trouble vraiment l’insistance avec laquelle les forces amies sont dénoncées alors que les terroristes étrangers qui attaquent, qui agressent notre peuple ne sont pas dénoncés par ces mêmes acteurs.

A la faveur des élections de 2016, vous avez réussi à fédérer autour de votre candidature une majorité confortable d’une quarantaine de partis politiques, mais depuis quelques temps des rumeurs circulent faisant état d’un malaise au sein de cette coalition qui vous a soutenu. Alors le mur serait-il en train d’être fissuré quelque part ?

Je n’ai pas connaissance de ses rumeurs et je ne pense pas que ces rumeurs soient fondées.

La table ronde de Paris sur le financement du PDES a été un francs succès. Maintenant comment s’assurer du décaissement effectif des fonds mobilisés et quelle stratégie adoptez-vous pour relever l’éternel défi de consommation des crédits qui se pose à notre administration ?

Vous avez raison de le rappeler, la table ronde organisée au mois de décembre 2017 à Paris sur le financement du Plan de développement économique et social (PDES 2017-2021) a été un franc succès. Nous avons reçu des annonces de financement à hauteur de 23 milliards de dollars.

Le challenge qui se pose au gouvernement maintenant c’est comment mobiliser et décaisser ces 23 milliards de dollars pour qu’ils servent au financement des différents axes du programme de renaissance. Le gouvernement a défini une feuille de route et un mécanisme de suivi. Nous pensons qu’avec ces mesures qui sont prises par le gouvernement nous allons améliorer le taux de consommation des crédits.

Pour rester toujours sur le chapitre de la diplomatie, il faut rappeler que vous avez obtenu une victoire certaine sur la conduite du processus de la zone de libre échange continentale africaine (ZLECA) dont la création a été signée le 21 mars à Kigali. Concrètement comment mettre en œuvre cette belle initiative malgré la réticence de certains poids lourds économiques du continent, je pense notamment au Nigeria ?

Votre question me rappelle que je n’ai pas mentionné tout à l’heure dans le bilan, que nous avons enregistré des succès non seulement au plan diplomatique, mais on a également eu à mener une diplomatie offensive pendant les sept dernières années. C’est ainsi que nous avons eu à renforcer les institutions, à renforcer les capacités de notre administration. Nous avons beaucoup progressé dans la mise en place d’institutions démocratique et stables.

Par rapport la ZLECA, il faut dire que c’est un objectif majeur pour l’Afrique. Avec la signature des accords sur la Zone de libre échange continentale, l’Afrique est en train de sortir de cette balkanisation, avec 84.000 km de frontière qui empêchent aux Africains de commercer et d’échanger entre eux. 44 signatures sont déjà obtenues ; c’est une étape importante ; c’est une étape décisive. Maintenant, les étapes suivantes vont porter sur la négociation de ce qu’on appelle les appendices ou les annexes aux accords, notamment l’accord sur la zone de libre échange continental, le protocole sur le commerce des marchandises, le protocole sur le commerce des services, le protocole sur le règlement des différends et d’autres accords qu’on doit signer comme le protocole sur les investissements, le protocole sur la concurrence et également un protocole sur la propriété intellectuelle.

Tout cela doit aussi s’accompagner d’une campagne de sensibilisation. Puisque l’intégration ne doit pas se faire que par le haut ; elle doit également se faire par le bas. Les citoyens doivent s’approprier les différents accords. Par rapport aux pays où on enregistre une sorte de réticence, il faut noter que ces pays sont en train de mener une campagne de sensibilisation pour que leurs citoyens s’approprient les accords de libre échange continental. Je pense qu’à termes, tous les pays y compris celui que vous avez cité, vont signer et ratifier les accords portant sur la zone de libre échange continental. La ratification est une phase extrêmement importante. Il faut 22 ratifications pour que l’accord entre en vigueur et j’estime que d’ici la fin de l’année nous obtiendrons ces 22 ratifications.

Je me réjouis de ce succès, c’est un succès historique. Certains comparent d’ailleurs cet événement à la naissance de l’OUA en 1963 ou à la transformation de l’OUA en Union Africaine en 1999. C’est effectivement un tournant, c’est un événement historique majeur. Nous sommes en train de réparer le miroir brisé parce que la carte de l’Afrique ressemble à un miroir brisé, nous sommes en train de boucher les tours de la jarre cassée. Et nous réalisons ainsi le vœu du roi Ghezo qui disait que « si tous les enfants du pays venaient, par leurs mains assemblées, boucher les trous de la jarre cassée le pays sera sauvé ». Et bien, notre décision permettra de sauver notre continent, de créer les conditions de l’expansion des économies et de créer les conditions du progrès et de la prospérité pour les peuples africains. /.

Interview réalisée par l’ORTN

(Script ONEP)

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