L’organisation des premières élections locales en 2004 de l’ère post Conférence Nationale fut une prouesse à mettre à l’actif de la 5ème République du Président Tandja et son gouvernement. Cela avait permis de concrétiser le vœu pieux des nigériens d’être davantage des acteurs majeurs dans la gouvernance local, c’est-à-dire de leur propre destin. C’est pour cette raison que ces élections avaient déchainé un engouement immense au sein d’une population nigérienne de plus en plus assoiffée de démocratie et de bonne gouvernance à travers sa participation active au développement du pays.
Aussi, durant la transition militaire suite au coup d’Etat militaire de 2010, notre pays fut doté de texte de référence en matière de décentralisation notamment l’ordonnance 2010-54 du 17 septembre 2010 portant Code Général des Collectivités Territoriales de la République du Niger. Egalement, un nouveau palier, le niveau régional avait été créé en plus du palier communal. Au cours de cette même période les citoyens locaux furent invités aux urnes à nouveaux pour élire en 2011 leurs conseillers locaux et régionaux. Ces autorités de transitions ont à leur tour le mérite de permettre à notre pays de jouir actuellement de ces deux niveaux de décentralisation.
Par ailleurs, l’élection du Président de la République et d’un nouveau parlement avait permis de boucler le cycle électoral et sonné la fin de la transition. A travers ces scrutins, le Niger avait réussi à renouer avec des institutions démocratiques tant au niveau de l’Etat central qu’au niveau décentralisé à même de permettre l’éclosion d’une véritable démocratie tant au niveau national qu’au niveau des communes et régions avec des élus jouissant d’une légitimité indispensable pour porter les aspirations et surtout répondre aux attentes de nos compatriotes.
Cependant, à l’heure actuelle une terrible menace lourde de conséquence pèse sur tout le processus de décentralisation qui d’ores et déjà connait un reflux. En effet, la persistance de cette situation est susceptible de remettre en cause tous les acquis engrangés depuis la matérialisation de cette option majeure de développement de notre pays via des élections locales libres et transparentes. Cette menace résulte sans équivoque de l’aversion sans précédent affichée par le gouvernement de la 7ème République à travers le ministère de l’intérieur, à l’endroit d’une politique de décentralisation visant à inaugurer entre autres la transparence, la reddition des comptes et la participation dans la gouvernance locale.
En effet, loin de faire des choix judicieux visant à parfaire cette option de décentralisation irréversible et très chère à tous les Nigériens, ce gouvernement s’est lancé dans une entreprise de démolition de l’édifice qui vide celui-ci de toute sa substance et ceci de par les multiples actes posés. Il n y a pas de doute ce pouvoir est entrain de «parenthéser» la décentralisation au lieu de contribuer au quotidien à l’émergence des Collectivités Territoriales à savoir communes et les régions.
D’abord le gouvernement de Issoufou Mahamadou procède à des révocations répétitives des maires élus en conseil de ministres par l’usage abusif de l’article 63 du Code Général des Collectivités Territoriales sans laisser aucune chance aux mécanismes démocratiques qui permettent aux élus de démettre les maires à travers la motions de défiance conformément à l’article 66 dudit code. Ce dernier article offre plus de garantie dans un cadre démocratique contrairement à l’article 63 accordant à l’Etat central des pouvoirs immenses permettant de démettre par décret un élu comme ce fut le cas au conseil de ministres du vendredi 16 février 2018. Le pouvoir abuse de cette disposition pour assouvir des desseins aux antipodes des attentes légitimes des populations locales. C’est pourquoi il est très indispensable aujourd’hui, que l’usage de l’article 63 soit être strictement encadré ou carrément abrogé afin d’éviter qu’il soit un instrument de règlement de compte dans les mains de l’exécutif.
Ensuite, la dissolution à tour de bras des conseils élus de la part du gouvernement de la 7ème République témoigne à suffisance son mépris pour la démocratie locale. Depuis 2011 plusieurs conseils ont été dissous dont la plus énigmatique fut la dissolution avec fracas du conseil de ville de Niamey ayant défrayé la chronique. Ce conseil élu de Niamey avait été remplacé illico par des délégués spéciaux nommés par simple arrêté du ministre de l’intérieur (quel mépris pour le citoyen local !). Il est important de relever ici que ces délégués spéciaux de facto des représentants du Ministre de l’intérieur en plus de son représentant légal qu’est le gouverneur au niveau de la Ville de Niamey. Ces décisions gravissime et injustes prises par le gouvernement ont largement contribué à mettre fin à l’expérience de démocratie locale qui s’annonçait pourtant riche en enseignement au niveau de toutes les entités où les conseils furent dissous. Malheureusement, pour la décentralisation et également pour nos Collectivités Territoriales, le même exercice vient d’être réédité par le même gouvernement à travers la dissolution à nouveau de trois conseils municipaux aux derniers conseils des ministres.
De plus, les élus locaux étant à la fin de leur mandat, tout renouvèlement de celui-ci devrait se faire à travers les urnes. En effet, selon les disposions du code général des Collectivités Territoriales, le mandat étant de cinq ans, à l’expiration de celui-ci le gouvernement a l’obligation de convoquer le collège électoral à nouveau afin de procéder à de nouvelles élections locales libres et transparentes selon les délais prévus. Ces joutes électorales constituent la seule source de légitimité pour les élus locaux mais aussi une occasion pour offrir aux populations l’opportunité de sanctionner par les urnes les élus voyous ayant échoué ou ayant abusé de leurs confiances. Contre toute attente, le gouvernement de la 7ème République a préféré faire recours à des moyens nuisibles à l’ambitieuse politique de décentralisation, il n’usa point de la voie démocratique imposant l’organisation des élections locales à même d’insuffler une nouvelle dynamique combien nécessaire au processus de décentralisation désormais irréversible dans la vie de la République.
En effet, après avoir échoué à organiser des élections locales qui normalement devraient consacrer le renouvèlement des exécutifs et des organes délibérants au niveau des conseils municipaux et régionaux, à même de vivifier la démocratie locale, le gouvernement a opté pour le statuquo par l’imposition aux populations des élus illégitimes à travers la prolongation honteuse de leurs mandats tous les 6 mois et surtout sans aucune perspective de tenue à court terme des échéances électorales au niveau local. Dans cette optique, Il fait recours abusivement à l’article 180 Code Général des Collectivités Territoriales qui a d’ailleurs subi des amendements afin de l’adapter à cette triste besogne d’étouffement, de démantèlement et de louvoiement de la décentralisation.
Cette politique de mutilation de la décentralisation fait de ces élus hors-mandat non seulement des usurpateurs mais également de simples représentants locaux supplémentaires du gouvernement. Ce qui fait également de ces conseils municipaux ou régionaux des instances fantoches animées par des élus illégitimes en déphasage total par rapports aux aspirations de leurs concitoyens.